La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/09/2010 | FRANCE | N°09NC01192

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 23 septembre 2010, 09NC01192


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 2009, présentée pour M. Nicolas A, ..., par la SCP d'avocats Ledoux-Ferry-Yahiaoui-Riou-Jacques ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802539 du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2008 par laquelle le président du conseil d'administration de La Poste l'a révoqué pour motif disciplinaire ;

2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2008 ;

3°) d'enjoindre La

Poste de reconstituer sa carrière sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compte...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 août 2009, présentée pour M. Nicolas A, ..., par la SCP d'avocats Ledoux-Ferry-Yahiaoui-Riou-Jacques ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802539 du 11 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2008 par laquelle le président du conseil d'administration de La Poste l'a révoqué pour motif disciplinaire ;

2°) d'annuler la décision du 5 septembre 2008 ;

3°) d'enjoindre La Poste de reconstituer sa carrière sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier ; son conseil a demandé le renvoi de l'audience pour raison médicale, à plusieurs reprises, en produisant des certificats médicaux ; il eut été utile qu'il puisse présenter des observations orales lors de l'audience comme le prévoient les dispositions de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, voire une note en délibéré comme le prévoient les dispositions de l'article R. 731-3 du code de justice administrative ; il n'a donc pas bénéficié d'un procès équitable ;

- son dossier personnel n'était pas complet ; La Poste a entendu établir la matérialité des faits à partir d'éléments qu'elle s'est procurée postérieurement à la décision de révocation ;

- la sanction est insuffisamment motivée ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; il n'a jamais menacé M. Fortin, son directeur d'établissement ; un jugement du tribunal correctionnel corrobore l'absence de poursuites ; d'ailleurs, M. Fortin a continué à le convoquer dans le cadre de sa relation de client avec La Poste ;

- il était pénalement irresponsable en raison de son état de détresse psychologique ; un certificat médical versé aux débats le démontre ;

- la sanction est disproportionnée au regard de la faute commise ; avant d'être suspendu, il a toujours eu d'excellents états de service ;

- la sanction est entachée de détournement de pouvoir ; il ne peut se défendre dès lors qu'il est soumis au secret de l'instruction ; il faisait l'objet d'un acharnement de la part de M. Fortin ; il a été l'objet d'une surveillance par une société chargée d'assurer la protection de M. Fortin ; certaines attestations peu précises ont été orientées lors de l'enquête administrative interne ;

- il a droit à une reconstitution de sa carrière et au versement de ses traitements depuis le jour de son éviction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2010, présenté pour La Poste par la SCP d'avocats Sammut-Bréaud-Croon, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il n'a pas mis à la charge de M. A les frais irrépétibles qu'elle demandait en première instance et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'intéressé à ce titre ;

Elle soutient que :

- le jugement est régulier ; la présence des parties à l'audience n'est pas obligatoire dès lors que la procédure est écrite ; la décision de ne pas renvoyer l'audience n'a pas à être motivée ; M. A pouvait produire une note en délibéré, dont au demeurant le contenu est hypothétique, sa requête d'appel étant conforme à celle formée en première instance ; en fait, seule La Poste pouvait demander le renvoi de l'audience, le mémoire en réplique de M. A n'ayant été enregistré au greffe du tribunal que le 22 mai 2009 ;

- la sanction est suffisamment motivée ;

- les fautes reprochées à M. A, commises le 29 octobre 2006, sont établies matériellement ; l'appelant ne peut revenir sur la matérialité des faits distincts fondant la sanction qui lui a été infligée le 20 octobre 2006 ; M. A a été condamné par jugement du Tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne du 25 avril 2007 ; les procès verbaux d'audition de sa compagne et de l'appelant devant les services de police démontrent que ce dernier entendait s'en prendre à M. Fortin ; M. A est sujet depuis longtemps à une addiction à l'alcool ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 23 juillet 2010 à 16 heures ;

Vu les mémoires, enregistrés les 25 et 30 août 2010, présentés pour M. A ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 août 2010, présenté pour La Poste ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Dulmet-Gédéon, conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Touchon, pour la SCP d'avocats Ledoux-Ferri-Yahiaoui-Riou-Jacques, avocat de M. A, et de Me Miltat, pour la SCP d'avocats Bréaud-Sammut-Croon, avocat de La Poste ;

Considérant que M. A, fonctionnaire de La Poste, chargé des fonctions de conseiller spécialisé du patrimoine au groupement châlonnais et perthois à compter du 1er avril 2006, a été révoqué pour motif disciplinaire par décision du 5 septembre 2008 du président du conseil d'administration de La Poste pour avoir, le 29 octobre 2006, procédé à des manoeuvres d'intimidation, armé et sous l'emprise de l'alcool, à l'encontre de M. Fortin, directeur d'établissement, ce qui traduisait un comportement intolérable induisant un risque pour la vie de ce dernier, faits pour lesquels il a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour port d'arme prohibé de catégorie 6, port d'une arme de poing de catégories 7 et 8 et conduite sous l'emprise d'un état alcoolique ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. A soutient que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est à tort abstenu de faire droit à ses demande réitérées de renvoi de l'audience formées par son conseil, alors même qu'il avait produit un certificat médical daté du 20 mai 2009 qui aurait démontré son incapacité à se défendre ; que, toutefois, le tribunal, qui dispose de la maîtrise de l'instruction, n'était tenu ni d'accéder à cette demande, ni de l'aviser de son refus ; qu'au surplus, l'appelant, qui a produit un mémoire en réplique moins d'une semaine avant la date de l'audience, n'établit pas, en tout état de cause, par le certificat médical qu'il produit, avoir été dans l'incapacité de se présenter à l'audience, sachant au demeurant qu'il était représenté par un avocat, ni que lui-même ou ce dernier se seraient trouvés dans l'impossibilité de produire une note en délibéré ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, d'une part, qu'eu égard à l'énoncé susrappelé de la motivation de la décision attaquée, le moyen tiré de ce que celle-ci serait insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait ; que ladite décision n'avait par ailleurs pas à faire référence à d'autres faits qui ne constituent pas le fondement de la sanction ;

Considérant, d'autre part, que M. A n'établit aucunement que son dossier personnel, qu'il pouvait consulter, n'était pas complet ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la sanction aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que, par jugement du Tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne en date du 25 avril 2007, M. A a été condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir, le 29 octobre 2006, conduit un véhicule en se trouvant sous l'emprise d'un état alcoolique et avoir porté un poignard, arme de 6ème catégorie, et une arme de poing des 7ème et 8ème catégories ; qu'il résulte des termes du procès-verbal de saisine interpellation que l'appelant a été intercepté alors qu'il circulait en direction de la rue des thermes Saint-Nicolas sur la commune de Compertrix, rue où habite son directeur d'établissement, M. Fortin, à l'origine d'une précédente procédure disciplinaire pour malversations ayant abouti à l'infliction d'une exclusion temporaire de fonctions de deux ans par décision du 17 octobre 2006 ; qu'il était alors porteur d'un pistolet approvisionné et armé ainsi que d'un couteau avec lame tranchante des deux côtés ; que la compagne de M. A, qui a averti les services de police, a attesté des intentions belliqueuses de l'appelant à l'égard de son chef de service ; que, d'ailleurs, lors de son audition par les services de police le 30 octobre 2007, M. A a reconnu qu'il entendait se rendre chez ce dernier, vêtu d'un gilet militaire d'intervention ; que, s'agissant d'éléments distincts de ceux mentionnés par la décision attaquée, laquelle ne retient à cet égard que des manoeuvres d'intimidation de M. A, armé et sous l'emprise de l'alcool, à l'encontre de M. Fortin, directeur d'établissement , faits reconnus par le requérant comme il vient d'être dit, ce dernier ne saurait utilement faire valoir que le juge d'instruction a rendu ultérieurement une ordonnance de non-lieu dans une information ouverte contre lui pour menaces de mort réitérées à l'encontre de M. Fortin ; que c'est ainsi à bon droit que, sans s'appuyer sur d'autres pièces du dossier qui auraient été postérieurement recueillies par La Poste, les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'erreur de fait qui entacherait la sanction ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du certificat médical daté du 20 mai 2009, que les difficultés psychologiques, que l'intéressé soutient présenter, et son addiction à l'alcool étaient de nature à le priver de tout discernement et à le faire regarder comme irresponsable disciplinairement ;

Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à la gravité des faits sus-relatés, quand bien même M. A bénéficiait auparavant d'états de service satisfaisants, la sanction dont il a fait l'objet n'est pas entachée de disproportion manifeste au regard des faits qui lui sont reprochés ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, que M. A soutient que la sanction est entachée de détournement de pouvoir ; que, cependant, son statut de mis en examen ne l'empêchait pas de se défendre, l'instance disciplinaire étant indépendante de l'instance pénale, qui, au surplus, avait trouvé son aboutissement pour les faits fondant la sanction à la date où il a été révoqué ; qu'il ne démontre pas davantage avoir fait l'objet d'un acharnement de la part de M. Fortin ; qu'eu égard aux événements précédemment évoqués, s'il a fait l'objet d'une surveillance par une société chargée d'assurer la protection de M. Fortin, ce n'est que postérieurement à l'infliction de la sanction de révocation ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit, par suite, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2008 par laquelle le président du conseil d'administration de La Poste l'a révoqué disciplinairement ; qu'il s'ensuit que ledit jugement n'appelle aucune mesure d'exécution ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

En ce qui concerne la première instance :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une appréciation erronée des circonstances de l'espèce en ne faisant pas droit à la demande de La Poste tendant à la condamnation de M. A à lui verser une somme au titre des frais qu'elle avait exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions de La Poste tendant à la réformation du jugement sur ce point doivent ainsi être rejetées ;

En ce qui concerne l'instance d'appel :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme que réclame La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de La Poste tendant à la réformation du jugement de première instance en tant qu'il n'a pas condamné M. A à lui verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles, formées à hauteur d'appel, tendant à la condamnation de M. A à lui verser une somme sur ce même fondement, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Nicolas A et à La Poste.

''

''

''

''

2

09NC01192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01192
Date de la décision : 23/09/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Anne DULMET-GEDEON
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LEDOUX FERRI YAHIAOUI RIOU-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-09-23;09nc01192 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award