Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2008, complétée par mémoires enregistrés les 2 janvier, 15 octobre et 18 décembre 2009, présentée pour la SAS SSD, dont le siège est 14, rue Pasteur à Sedan (08200), par Me Lelièvre ; la SAS SSD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500222 du 19 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viandes qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001, ainsi que des mois de mars à décembre 2002 et janvier, avril, juin, juillet août et septembre 2003 ;
2°) d'ordonner la restitution demandée à concurrence de 127 436 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'administration n'était pas en droit de revenir sur les décisions de dégrèvement consenties le 24 août 2004 sans mettre en oeuvre une nouvelle procédure de rectification contradictoire et, à tout le moins, émettre un nouveau titre de nature à fonder la créance fiscale ;
- le retrait des dégrèvements méconnaît le principe de confiance légitime et porte atteinte au droit au respect de ses biens protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la budgétisation de la taxe sur les achats de viandes par la loi de finances rectificative pour 2000 constitue une modification du mécanisme d'aide qui devait faire l'objet d'une notification préalable à la commission européenne en application du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, indépendamment de l'éventuelle rupture du lien d'affectation contraignant entre l'aide et la taxe ;
- en poursuivant la présente instance, le ministre soutient une thèse différente de celle invoquée devant les parlementaires où il concluait à la non-conformité de la taxe avec le droit communautaire, en violation de la règle de l'estoppel qui interdit de se contredire au détriment d'autrui ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut :
- au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est de nature à justifier la restitution demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2010 :
- le rapport de Mme Le Montagner, président,
- les conclusions de Mme Fischer Hirtz, rapporteur public,
- et les observations de Me Lelièvre, avocat de la SAS SSD ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : I. Il est institué, à compter du 1er janvier 1997, une taxe due par toute personne qui réalise des ventes au détail de viandes et de produits énumérés au II. (...) VI. La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. (...) qu'en vertu de l'article L. 257 du livre des procédures fiscales : Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal (1). Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SAS SSD s'est spontanément acquittée pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 de cotisations de taxe sur les achats de viandes s'élevant à un montant total de 406 356 euros ; qu'elle en a demandé la restitution par trois réclamations en date des 2 octobre 2003, 24 mai et 28 mai 2004 auxquelles l'administration a fait droit par deux décisions du directeur des services fiscaux du 24 août 2004 prononçant les dégrèvements sollicités ; que l'administration, qui avait procédé au remboursement effectif d'un montant limité à 278 917 euros, a toutefois informé la société par lettre du 17 novembre 2004 qu'elle entendait revenir sur les dégrèvements prononcés qu'elle tenait pour irréguliers ; qu'elle a ainsi refusé le remboursement des sommes non encore restituées à l'entreprise ;
Considérant que, lorsque l'administration, qui en conséquence d'une réclamation formée par un contribuable a fait droit à une demande tendant à la restitution de taxes recouvrées selon les mêmes procédures que la taxe sur la valeur ajoutée, estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, dès lors que la décision de dégrèvement a pour effet d'éteindre toute créance du Trésor correspondant à l'imposition en cause, sans qu'y fasse obstacle le défaut de remboursement des sommes dégrevées, d'émettre un avis de mise en recouvrement en application des dispositions de l'article L. 256 précité du livre des procédures fiscales pour le recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute pour l'administration d'avoir émis un avis de mise en recouvrement correspondant aux montants dégrevés par décisions du 24 août 2004, la SAS SSD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe litigieuse et à en demander le remboursement ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SAS SSD la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 juin 2008 est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SAS SSD la restitution de la somme de 127 436 euros correspondant à la fraction non remboursée de la taxe sur les achats de viandes dégrevée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003.
Article 3 : l'Etat versera à la SAS SSD la somme de 1 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SSD et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08NC00977