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05/08/2010 | FRANCE | N°08NC00797

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 05 août 2010, 08NC00797


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 juin 2008, complétée par un mémoire enregistré le 5 mars 2009, présentée pour la SOCIETE ANONYME (SA) FLORADIS, dont le siège est 11 rue Nationale à Florange (57190), par Mes Serpentier-Linares et Debord ; la SOCIETE FLORADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0500794 en date du 4 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31

décembre 2003, assortie des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 juin 2008, complétée par un mémoire enregistré le 5 mars 2009, présentée pour la SOCIETE ANONYME (SA) FLORADIS, dont le siège est 11 rue Nationale à Florange (57190), par Mes Serpentier-Linares et Debord ; la SOCIETE FLORADIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0500794 en date du 4 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, assortie des intérêts moratoires ;

2°) de prononcer la restitution des droits versés à compter du 1er janvier 2001, assortis des intérêts moratoires ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'en raison du dégrèvement prononcé, elle a pu légitimement espérer obtenir restitution de la taxe litigieuse et que les stipulations de l'article 1er du Premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu, dès lors qu'elle disposait d'un bien au sens de ces stipulations ;

- que la perception de la taxe sur les achats de viande est illégale, dès lors que la France n'a pas notifié la modification de cette aide d'Etat à la Commission des Communautés européennes en méconnaissance des articles 87-1 et 88-3 du Traité CE ;

- à titre subsidiaire :

- que la taxe sur les achats de viande constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, contraire aux articles 23 et 25 du traité CE et est incompatible avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de la Communauté économique européenne, ce qui justifiait l'application de la clause de standstill ;

- à titre infiniment subsidiaire :

- que l'administration ne peut invoquer le principe d'affectation juridique résultant de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, qui méconnaît la règle de droit supérieure résultant de l'article 88-3 du traité CE ;

- que le principe pollueur-payeur est méconnu ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2010 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de Mme Fischer-Hirtz, rapporteur public ;

Sur la régularité de la décision de retrait de dégrèvement :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ;

Considérant que la SOCIETE FLORADIS soutient que l'absence d'exécution de la décision de dégrèvement du 29 septembre 2004 en tant qu'elle concernait la période postérieure au 1er janvier 2001, méconnaît les dispositions précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, la société ne saurait prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, toutefois, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 15 juillet 2004 invoqué par la société requérante, qui concernait la période antérieure au 1er janvier 2001 et des dispositions législatives abrogées à compter de cette date, n'a pu faire naître une espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent dont pourrait se prévaloir la SOCIETE FLORADIS au titre de la période postérieure au 1er janvier 2001 ; qu'ainsi, la société requérante ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier ( ... ) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du

1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le

1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années ultérieures, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires ( ...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FLORADIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SOCIETE FLORADIS la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE FLORADIS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifiée à la SOCIETE FLORADIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat .

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N°08NC00797


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: Mme FISCHER-HIRTZ
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/08/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 08NC00797
Numéro NOR : CETATEXT000022730585 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-08-05;08nc00797 ?
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