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05/07/2010 | FRANCE | N°09NC01755

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2010, 09NC01755


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 novembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 12 mai 2010, présentés pour M. Zourra A, demeurant ..., par Me Lechevallier ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903947 en date du 24 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 juillet 2009 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé comme pays

de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il s...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 novembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 12 mai 2010, présentés pour M. Zourra A, demeurant ..., par Me Lechevallier ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903947 en date du 24 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 juillet 2009 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre le préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa demande de titre de séjour vie privée et familiale et de le convoquer devant le médecin inspecteur de la santé publique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue d'évaluer la réalité et l'importance des troubles en cas de retour en Algérie et de surseoir à statuer dans l'attente de ce rapport médical ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, faute pour l'administration de rapporter la preuve de l'empêchement du préfet ;

- il a été le témoin et la victime de violences terroristes dans son village ;

- la poursuite du traitement médical ne peut être exigée au moyen de son déracinement complet ;

- la région dont il est originaire, El Abadia, et son village, Aïn Defla, sont les sièges de violents combats entre l'armée et les salafistes ; des massacres ont été perpétrés en août 2008 et des attentats commis en juillet 2009 ;

- le traitement de sa pathologie ne peut être assuré dans la région où elle a trouvé sa source ; qu'il ne pourrait cependant résider que dans la région où vivent ses proches, dont le soutien lui est indispensable en raison de son état de santé ; le retour sur le territoire algérien entraînerait l'aggravation de sa pathologie ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ne pouvait être invoqué à l'encontre du refus de titre ;

- il est dans l'impossibilité matérielle d'accéder aux médicaments qui lui sont nécessaires en raison de l'insécurité sur les voies de circulation conduisant à Alger ;

- la fiche sanitaire de l'Algérie a été actualisée la dernière fois en octobre 2006 et son acuité est désormais discutable ;

- la décision attaquée est contraire aux stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et à celles des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration doit rapporter la preuve que l'avis médical comporte toutes les mentions prévues par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'arrêté du 8 juillet 1999 ;

- la décision refusant le renouvellement de son certificat de résidence est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa famille est dans l'impossibilité matérielle de quitter son village d'origine ; il a tissé un réseau social et amical en France ;

- la décision relative au pays de renvoi est illégale pour les mêmes motifs, l'Algérie étant à l'origine de ses troubles psychologiques sévères et sa famille résidant encore dans son village et ne pouvant migrer dans une zone citadine ; elle contrevient ainsi aux stipulations des articles 2,3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le caractère isolé de son village, et ses conditions d'accès périlleuses, en raison de la présence des islamistes, constituent des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle ;

- la préfecture doit produire la fiche pays qui établirait que l'offre de santé est appropriée en Algérie pour la prise en charge de sa pathologie ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2010, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête de M. A ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, est entré en France le 16 décembre 2000 à l'âge de 28 ans sous couvert d'un visa de court séjour et a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires à compter du 7 février 2007 en raison de son état de santé avant d'obtenir un certificat de résidence valable jusqu'au 28 avril 2008, sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ; que, toutefois, par arrêté en date du 24 juillet 2009, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler le certificat de résidence de M. A en prenant en considération le fait que, par un nouvel avis en date du 27 mai 2009, le médecin inspecteur de santé publique a estimé que si le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. A, le tribunal, en précisant que son affirmation selon laquelle l'affection qu'il présente serait liée à des traumatismes subis en Algérie n'était pas établie, s'est implicitement, mais nécessairement prononcé sur le moyen tiré de ce qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier en Algérie des soins nécessaires par son état de santé au motif que l'affection dont il souffre trouverait son origine dans les traumatismes qu'il y a subis ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté en date du 6 avril 2009 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du 6 avril 2009, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation à M. Richard Buisson, secrétaire général adjoint, pour signer, en cas d'empêchement du secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, tous arrêtés, décisions ... relevant des attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration n'apporterait pas la preuve de l'empêchement du préfet pour établir la compétence de l'auteur de la décision attaquée, est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée par M. A devant le tribunal administratif ; qu'il y a ainsi lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A souffre de troubles psychologiques pour lesquels il bénéficie d'un traitement médicamenteux ; qu'il est constant que des efforts importants ont été récemment réalisés par le gouvernement algérien en matière de prise en charge des maladies mentales, notamment pour les états de stress post-traumatique et pour lesquels certains psychiatres sont spécifiquement formés ; qu'il ressort par ailleurs de la fiche sanitaire établie conjointement par le ministre de la santé et le ministre des affaires étrangères, actualisée le 25 octobre 2006 et qu'aucun événement majeur récent ne permet de contredire, que les médicaments nécessaires au traitement de ces maladies sont disponibles sur l'ensemble du territoire ; que si le requérant produit trois certificats médicaux émanant du même médecin psychiatre et établissant un lien avec sa pathologie et les événements violents dont il aurait été témoin dans son village et les menaces dont il aurait été l'objet, il peut ainsi néanmoins être pris en charge dans un lieu éloigné des événements qu'il mentionne et qui seraient à l'origine de sa pathologie ; que le moyen tiré de ce qu'il ne pourrait avoir accès aux médicaments qui sont nécessaires à son traitement dans la localité même où demeure sa famille doit par suite, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ; que l'intéressé n'apporte enfin aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle il se trouverait dans un état de dénuement économique ne lui permettant pas de faire face au coût du traitement nécessité par son état de santé ; que, dès lors qu'il n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays, M. A n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu les stipulations précitées de l'article de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est célibataire et sans enfants et que sa famille réside en Algérie ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, qu'il serait bien intégré en France, et compte tenu de ce qui précède sur la possibilité d'être pris en charge médicalement en Algérie, la décision attaquée du préfet du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit à mener une vie personnelle et familiale une atteinte excessive et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, que M. A fait valoir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prescrivant respectivement que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi et que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que l'intéressé ne saurait toutefois soutenir que les premiers juges auraient à tort écarté ce moyen comme inopérant à l'appui de la contestation d'une décision de refus de séjour, dès lors que, même si cette décision a pour effet de le placer dans une situation irrégulière, elle n'implique en elle-même aucune obligation de quitter le territoire français et de retourner dans le pays d'origine ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 24 juillet 2009 en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays à destination duquel M. A doit être éloigné violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'il ne pourrait être soigné qu'en ville alors que sa famille demeure dans un lieu éloigné de toute agglomération doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;

Considérant, d'autre part, que M. A reprend, pour contester cette décision, son moyen de première instance tiré de la violation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur de fait ou de droit en écartant ces moyens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à la mesure d'expertise sollicitée à titre subsidiaire, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 24 juillet 2009 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que le préfet du Bas-Rhin soit enjoint de réexaminer sa demande de titre de séjour vie privée et familiale et de le convoquer devant le médecin inspecteur de la santé publique sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours, ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Zourra A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Vincent, président de chambre,

M. Brumeaux, président,

M. Favret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2010.

Le rapporteur,

Signé : M. BRUMEAUX

Le président,

Signé : P. VINCENT

Le greffier,

Signé : J. CHAPOTOT

La République mande et ordonne au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J. CHAPOTOT

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09NC01755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01755
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LECHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-07-05;09nc01755 ?
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