La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2010 | FRANCE | N°09NC01373

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2010, 09NC01373


Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 13 novembre 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, dont le siège est 23 rue des Moulins à Reims (51092), représenté par son directeur, par Me Le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601209 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à verser diverses sommes aux consorts A en réparation du préjudice subi à la suite

du décès de M. Jean-François A, d'autre part, a mis à sa charge les frais d'exp...

Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la Cour le 7 septembre 2009, et le mémoire complémentaire, enregistré le 13 novembre 2009, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, dont le siège est 23 rue des Moulins à Reims (51092), représenté par son directeur, par Me Le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601209 du 2 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à verser diverses sommes aux consorts A en réparation du préjudice subi à la suite du décès de M. Jean-François A, d'autre part, a mis à sa charge les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 900 euros ;

2°) de rejeter la demande des consorts A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont les premiers juges étaient saisis de sa part ;

- il n'a pas commis de faute dans la prise en charge du patient, et l'expert a estimé que la décision de renvoyer le patient à son domicile était conforme aux règles de l'art ; l'oedème aigu pulmonaire est une complication classique susceptible de survenir chez tout porteur d'une insuffisance cardiaque, et c'est pourquoi elle est imprévisible ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2010, présenté pour Mme Agnès Corbion, veuve A, Mlles Eugénie et Lucie A, Mme Viviane A, Mme Marie-Annick A, et M. Denis A, par Me Lherbier ;

Ils demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS ;

2°) par voie d'appel incident, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS à leur verser les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices : 41 200 euros à Mme Agnès Corbion, veuve A ; 22 900 euros chacune à Mlles Eugénie et Lucie A ; 18 300 euros à Mme Viviane A ; 12 200 euros chacun à Mme Marie-Annick A et M. Denis A ;

3°) de condamner le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que :

- le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS a commis une faute en laissant M. A repartir trop tôt à son domicile, car il y avait un risque prévisible de survenance d'un oedème aigu du poumon, en raison de l'insuffisance cardiaque gauche constatée par le Dr Deschildre ; l'oedème aigu pulmonaire est une complication connue de l'insuffisance ventriculaire gauche ; si M. A avait été renvoyé au centre hospitalier d'Epernay en observation, l'oedème aurait été diagnostiqué immédiatement ;

- M. A travaillait à temps plein à la Poste d'Epernay, alors que son épouse ne travaillait qu'à temps partiel ; le préjudice économique de la famille s'élève donc à 152 450 euros ;

- leur préjudice moral doit être réparé par l'octroi de sommes supérieures à celles allouées par les premiers juges ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 juin 2010, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et au rejet de l'appel incident des consorts A, par les mêmes moyens ;

Il soutient outre :

- que la somme de 152 450 euros demandée au titre du préjudice économique ne fait l'objet d'aucun justificatif probant ;

- que les sommes demandées au titre du préjudice moral sont excessives ;

Vu l'ordonnance du 18 mai 2010 du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 4 juin 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Lherbier, avocat des consorts A ;

Considérant que M. Jean-François A a été admis en urgence au centre hospitalier d'Epernay le 21 janvier 2004, en raison d'un infarctus ; qu'il a été transféré le 25 janvier suivant au CENTRE HOSPITALIER DE REIMS pour y subir une coronarographie ; qu'il sera reconduit le 27 janvier à son domicile, où il est décédé le 30 janvier 2004 d'un oedème aigu du poumon ; que, saisi par les consorts A, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par jugement du 2 juillet 2009, retenu la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS et l'a condamné à indemniser les consorts A du préjudice moral subi ; que le CENTRE HOSPITALIER DE REIMS relève appel dudit jugement en concluant à sa mise hors de cause, cependant que, par voie d'appel incident, les consorts A demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la régularité de l'expertise :

Considérant que les centres hospitaliers universitaires sont des établissements publics locaux, indépendants les uns des autres ; que, par suite, les consorts A, qui n'avancent aucun élément tendant à faire apparaître que l'expert désigné par le président du tribunal aurait manqué à son devoir d'impartialité, ne saurait sérieusement soutenir que l'expertise devrait être écartée au seul motif que l'intéressé exerce ses fonctions dans un autre centre hospitalier universitaire ; qu'en estimant logique d'envisager un retour au domicile au septième jour d'un infarctus bien toléré et non compliqué, l'expert a par ailleurs exprimé un avis médical dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait pu être influencé par des préoccupations de gestion comptable du coût des séjours hospitaliers ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que les soins donnés à M. A au CENTRE HOSPITALIER DE REIMS ont été conformes aux données acquises de la science médicale, que les traitements administrés étaient adaptés à son état, et qu'il n'y a eu aucune imprudence, erreur ou négligence, retard ou faute des praticiens impliqués dans la prise en charge de l'intéressé lors de son hospitalisation ; que l'atteinte cardiaque de M. A ayant été bien tolérée sur le plan fonctionnel, et aucun symptôme clinique pulmonaire ou cardiovasculaire n'ayant été décelé, la décision de renvoyer M. A à son domicile au 7ème jour de son infarctus, muni d'une prescription correspondant au traitement de référence pour un infarctus aigu et alors qu'aucun soin ne devait plus lui être prodigué, était conforme aux règles de l'art ; qu'au demeurant, la décision de laisser M. A rejoindre son domicile a été prise conjointement par le Dr Brasselet, responsable du service de cardiologie du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, et le Dr Pollet, cardiologue au centre hospitalier d'Epernay, lequel avait adressé M. A au CENTRE HOSPITALIER DE REIMS ; que si l'oedème aigu pulmonaire est une complication connue susceptible de survenir chez tout porteur d'une insuffisance cardiaque, cette complication est imprévisible et la seule possibilité de sa survenance, dont la probabilité est au demeurant plus réduite après la prise du traitement médicamenteux, ne saurait justifier à elle seule le maintien du patient en observation à l'hôpital ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour retenir la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, faisant ainsi droit à l'unique moyen soulevé par les demandeurs, a estimé que la décision de renvoyer M. A à son domicile était constitutive d'une faute médicale ayant privé l'intéressé d'une chance de survie, et l'a par suite condamné à réparer le préjudice moral subi par les consorts A du fait du décès de l'intéressé ; qu'il s'ensuit que l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé ; que, par voie de conséquence, l'appel incident des consorts A doit être rejeté ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les consorts A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0601209 du 2 juillet 2009 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande des consorts A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : L'appel incident des consorts A et leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE REIMS, à Mme Agnès Corbion, veuve A, Mlles Eugénie et Lucie A, Mme Viviane A, Mme Marie-Annick A, M. Denis A et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.

Copie en sera adressée au professeur Juillière, expert.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2010, à laquelle siégeaient :

- M. Vincent, président de chambre,

- M. Brumeaux, président,

- M. Favret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2010.

Le rapporteur,

Signé : J-M. FAVRET

Le président,

Signé : P. VINCENT

Le greffier,

Signé : J. CHAPOTOT

La République mande et ordonne au préfet de la Marne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J. CHAPOTOT

''

''

''

''

2

09NC01373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01373
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LHERBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-07-05;09nc01373 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award