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05/07/2010 | FRANCE | N°09NC01266

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2010, 09NC01266


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2009, présentée pour M. Alain A, ..., par Me Chamy ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606267 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 26 avril 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à le mettre à la retraite, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et

de la mer sur le recours hiérarchique formé contre cette décision ;

2°) d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 août 2009, présentée pour M. Alain A, ..., par Me Chamy ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606267 du 23 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 26 avril 2006 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à le mettre à la retraite, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur le recours hiérarchique formé contre cette décision ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 26 avril 2006, ensemble la décision implicite du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer confirmant cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la demande de mise à la retraite n'a pas été précédée de l'entretien préalable prévu à l'article L. 122-14 du code du travail, en méconnaissance de l'article R. 412-6 dudit code ; il n'a jamais reçu la convocation datée du 27 février 2006 pour un entretien le 3 mars 2006 ; au demeurant, la convocation, qui n'a pas été adressée en recommandé, ni remise en main propre contre décharge, ne mentionne pas le motif de l'entretien, ni qu'il peut se faire assister de la personne de son choix ; il était en repos le 3 mars 2006 ; il pensait que le rendez-vous du 3 mars 2006 était relatif à sa notation ;

- les règles en matière de départ à la retraite fixées par le règlement des pensions SNCF n'ont pas été respectées : alors que l'article 16 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 prévoit que le salarié ne peut être mis à la retraite d'office que s'il a l'âge et peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, il ne comptabilisait, à la date de la décision litigieuse, que 37 ans d'ancienneté et une pension de 74% de son dernier salaire ; la SNCF ne peut valablement intégrer dans le calcul des annuités liquidables le délai de congé de trois mois ;

- il a fait l'objet d'une discrimination au sens des dispositions de

l'article L. 122-45 du code du travail, parce qu'il détenait des mandats syndicaux et prud'homaux ; d'autres agents étaient dans une situation similaire et ont pu travailler jusqu'à 60 ans, alors qu'ils avaient 25 ans d'ancienneté ; l'employeur n'a pas établi que sa décision était justifiée par des éléments objectifs ;

- l'inspecteur du travail et le ministre n'ont pas examiné si la demande était en lien avec ses mandats syndicaux et prud'homaux ; la demande de mise à la retraite est en lien avec ces mandats ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2009, présenté pour la SNCF par la SCP Leinster-Wisniewski-Mouton, avoués ; la SNCF conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- l'article L. 122-14 du code du travail ne s'applique pas à M. A ; le régime spécial de retraite de la SNCF est organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, qui ne prévoit pas la tenue d'un entretien préalable ; un entretien préalable a toutefois eu lieu le 3 mars 2006, soit antérieurement à la demande de mise à la retraite, et le salarié a été régulièrement convoqué à cet entretien ;

- les règles en matière de départ à la retraite ont été respectées : M. A remplissait la double condition d'âge et d'ancienneté pour être mis à la retraite ; les dispositions de la loi du 21 août 2003 ne s'appliquent pas, cette loi excluant expressément de son champ d'application les entreprises publiques telles que la SNCF ;

- la possibilité ouverte à la SNCF de mettre d'office à la retraite tout agent remplissant les conditions d'âge et de durée de services définies par le règlement de retraites, ne constitue pas une discrimination interdite par l'article L. 122-45 du code du travail ;

- la demande de mise à la retraite est sans lien avec les mandats détenus par M. A ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut au rejet de la requête de M. A ;

Il fait valoir :

- que la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas de moyens d'appel et n'a pas été régularisée dans le délai du recours contentieux ;

- qu'il se réfère sur le fond aux observations produites devant le tribunal administratif ;

Vu l'ordonnance du 29 avril 2010 du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 20 mai 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le règlement des retraites de la Société nationale des chemins de fer français ;

Vu le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;

Vu le décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que la SNCF a sollicité le 29 mars 2006 l'autorisation de mettre à la retraite M. A, chef de bord exerçant les fonctions de conseiller prud'homme depuis janvier 1988, à compter du 7 juillet 2006, date à laquelle l'intéressé devait atteindre l'âge de cinquante-cinq ans ; que, par décision du 26 avril 2006, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a implicitement confirmé cette décision ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de la combinaison des articles L. 412-18 et L. 514-2 alors en vigueur du code du travail que le licenciement d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un conseiller prud'homme est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation est motivée, comme en l'espèce, par la survenance des conditions d'âge et de durée de services déterminées par le statut de la SNCF, laquelle a alors la possibilité de mettre d'office l'agent concerné à la retraite, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, si les conditions fixées à cet effet par le statut sont effectivement réunies, et, d'autre part, que la SNCF ne fait pas un usage discriminatoire des dispositions statutaires ;

Considérant, en second lieu, que le régime spécial de retraite de la SNCF est organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, élaboré conformément au décret du 1er juin 1950 et prononcé dans les conditions prévues par le décret du 9 janvier 1954 pris pour l'application du décret du 9 août 1953 relatif au régime des personnels de l'Etat et des services publics, lequel est intervenu pour l'application des lois du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier et du 21 juillet 1909 relative aux conditions de retraite des personnels des grands réseaux de chemin de fer d'intérêt général ; que M. A, dont la situation est exclusivement régie par le statut de la SNCF à l'exclusion du code du travail, sauf dispositions expresses en sens contraire non prévues en l'espèce, ne peut ainsi utilement invoquer les dispositions du code du travail ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'entretien préalable :

Considérant que le régime spécial de retraite de la SNCF, organisé par le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, ne prévoit pas la tenue d'un entretien préalable à la mise à la retraite d'office d'un agent ; que, comme il vient d'être dit, le requérant ne saurait en tout état de cause utilement se prévaloir des dispositions du code du travail, dont l'article L. 122-14 alors en vigueur prescrit l'organisation d'un entretien préalable au licenciement des salariés ; qu'au surplus, même s'il en conteste la régularité, un entretien a bien été proposé à l'intéressé le 3 mars 2006, soit avant la demande d'autorisation de licenciement formulée auprès de l'inspecteur du travail ; que le moyen tiré du défaut d'entretien préalable doit ainsi être écarté ;

En ce qui concerne le respect des conditions fixées pour la mise à la retraite :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 54-24 du 9 janvier 1954 portant règlement d'administration publique pour l'application aux agents de la société nationale des chemins de fer français du décret du 9 août 1953 relatif au régime des retraites des personnels de l'Etat et des services publics : L'admission à la retraite pour ancienneté des agents visés à l'art. 1er du présent décret peut être prononcée d'office lorsque se trouve remplie la double condition d'âge et d'ancienneté de services requise par ladite réglementation. ; que la SNCF peut, en application des dispositions combinées de l'article 10 du règlement du personnel SNCF RH0043 du 24 janvier 1977 relatif à la cessation des fonctions des agents du cadre permanent, de l'article 43 du règlement du personnel SNCF RH 0360 du 1er octobre 1997 relatif au régime de sécurité sociale du personnel du cadre permanent assurances vieillesse et invalidité, et de l'article 7 du règlement de retraite de la SNCF n° RH0828, mettre d'office un agent à la retraite, à la double condition qu'il ait atteint l'âge de 55 ans et une durée de service d'au moins 25 années ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, né le 7 juillet 1951, avait atteint l'âge de 55 ans à compter du 7 juillet 2006 ; qu'embauché à la SNCF le 7 juillet 1969, il totalisait les 25 ans de services nécessaires ; que, dès lors qu'il remplissait ainsi la double condition évoquée plus haut, la SNCF a pu ainsi légalement mettre l'intéressé à la retraite, sans que ce dernier puisse utilement se prévaloir des dispositions alors en vigueur de l'article L. 122-14-13 du code du travail, selon lesquelles la rupture du contrat de travail constitue un licenciement et non une mise à la retraite si les salariés concernés ne bénéficient pas encore d'une pension de vieillesse à taux plein ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la discrimination :

Considérant, d'une part, que s'il est constant que, contrairement aux employeurs soumis au code du travail, la SNCF peut, en vertu des dispositions statutaires susrappelées, mettre d'office à la retraite tout agent sous les seules conditions d'atteindre l'âge de cinquante-cinq ans et d'une durée de services de vingt-cinq ans, cette seule différence de réglementation ne saurait constituer une discrimination prohibée par la loi ;

Considérant, d'autre part, que la seule circonstance, à la supposer établie, que deux agents également nés en 1951 auraient pu prolonger leur activité au-delà de cinquante-cinq ans, ne saurait davantage constituer une discrimination à l'encontre du requérant ;

En ce qui concerne le moyen tiré du lien avec les mandats :

Considérant que si l'intéressé soutient que l'activité syndicale qu'il a déployée au sein du syndicat CGT et son élection en qualité de conseiller prud'homme sur la liste de ce syndicat auraient été nécessairement prises en considération par la SNCF pour faire usage de la possibilité dont elle dispose de le mettre d'office à la retraite, il n'apporte aucun commencement de preuve en ce sens ; que, contrairement à ce qu'il soutient, il ressort par ailleurs des termes de la décision de l'inspecteur du travail que ce dernier a examiné si la demande était en lien avec son mandat ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 euros à verser à la SNCF au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera à la SNCF une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain A, à la SNCF et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

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N° 09NC01266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01266
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CHAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-07-05;09nc01266 ?
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