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05/07/2010 | FRANCE | N°09NC01214

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2010, 09NC01214


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 2009, complétée par mémoires enregistrés les 30 octobre et 31 décembre 2009, présentés par le PREFET DU JURA ; le PREFET DU JURA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900648 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé son arrêté en date du 18 mars 2009 par lequel il a refusé à M. A l'autorisation de séjourner en France, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Congo comme pays de destination et, d'autre part,

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 2009, complétée par mémoires enregistrés les 30 octobre et 31 décembre 2009, présentés par le PREFET DU JURA ; le PREFET DU JURA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900648 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé son arrêté en date du 18 mars 2009 par lequel il a refusé à M. A l'autorisation de séjourner en France, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Congo comme pays de destination et, d'autre part, l'a enjoint de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant mention vie privée et familiale ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Il soutient que :

- M. A n'apporte pas la preuve qu'il assume la charge affective et financière du premier enfant de son épouse ; Mme A ne démontre pas avoir engagé une procédure au titre de l'aide alimentaire auprès du père de Joyce ; il ne peut être tenu compte de la demande d'adoption qu'il a présentée postérieurement à la demande de titre de séjour ; il ne donne aucune indication sur les liens familiaux existants avec son pays d'origine ; il peut bénéficier de la procédure de regroupement familial ; il suffira à l'intéressé d'obtenir un visa de long séjour dans le cadre de la procédure légale ; il n'a pas séjourné en France de manière continue depuis 2002 puisqu'il a produit un passeport congolais, dépourvu de visa, délivré à Brazzaville le 14 septembre 2006 ;

- le secrétaire général de la préfecture était compétent pour signer l'arrêté ; il bénéficie d'une délégation de signature régulièrement publiée, délivrée par arrêté n° 1420 du 18 août 2006, publié au recueil des actes administratifs n° 8, achevé d'imprimé le 31 août 2006 ;

- l'arrêté est, en tout état de cause, suffisamment motivé ;

- il n'avait pas à consulter la commission du titre de séjour dès lors que M. A ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour ; or, l'intéressé n'entrait pas dans les prévisions des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre et 9 décembre 2009, présentés pour M. A, par Me Marraud des Grottes, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- l'arrêté a été adopté par une autorité incompétente ; le secrétaire général de la préfecture, M. Blondieau, ne bénéficiait pas d'une délégation de signature ; la délégation produite en première instance est trop générale ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il n'est pas fait référence à sa situation familiale ;

- la commission du titre de séjour, prévue par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas été consultée ;

- il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour ; les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfants ont été méconnues ; M. A est marié à une congolaise en situation régulière ; sa fille est née en France ; elle obtiendra à terme la nationalité française et bénéficie déjà d'un titre d'identité républicain pour étranger mineur né en France ; il a fait des démarches pour adopter Joyce Likibi ; il a d'ailleurs obtenu satisfaction par jugement du Tribunal de grande instance de Lons le Saulnier en date du 17 novembre 2009 ; il est donc le mari et le père de personnes résidant en France ; la réalité de sa vie familiale est attestée par les pièces du dossier ; il sera séparé de sa fille et de sa femme ; sa fille sera contrainte de grandir loin de lui ; la communauté de vie est attestée à Morez depuis 2005 ; il a entamé des démarches, qui ont abouti, pour adopter Joyce, laquelle n'est plus prise en charge par son père biologique ; il a une vie sociale et est inséré dans la société française ; il peut travailler en France, ayant une formation de menuisier ; il prend une part active dans la communauté protestante du Haut-Jura ; il n'a plus de liens avec le Congo ; la circonstance qu'il détient un passeport congolais, daté du 14 septembre 2006, est sans emport ; il était à Morez entre 2005 et 2009 ; son épouse suit une formation d'aide-soignante à laquelle elle devra renoncer s'il quitte la France ;

- sa situation ne peut pas ouvrir droit au regroupement familial puisqu'il est d'ores et déjà en France, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille comme l'exige L. 411-5 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il ne bénéficie d'aucune autorisation de travail ; son épouse ne dispose pas non plus des ressources suffisantes comme l'exigent les dispositions de l'article L. 411-5 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa femme ne peut le suivre, car son enfant, Joyce Libiki, est de nationalité française ;

- le seul fait qu'il soit entré irrégulièrement en France ne le prive pas du droit d'obtenir un titre de séjour en vertu de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du tribunal de grande instance de Nancy en date du 13 novembre 2009 attribuant l'aide juridictionnelle totale à M. A désignant Me Marraud des Grottes pour le représenter ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France en novembre 2002 ; qu'après s'être vu refuser le statut de réfugié politique par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 9 avril 2004, confirmée par décision du 4 avril 2005 de la commission des recours des refugiés, il a épousé le 30 août 2008, à Morez, Mlle Nkoussou, ressortissante congolaise, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant mention vie privée et familiale obtenue en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions de l'article L 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intimé a eu auparavant le 26 mai 2007 une fille avec l'intéressée, Garcia Danielle A, qu'il a reconnue ; que cette enfant est titulaire d'un titre d'identité républicain pour étranger mineur né en France ; qu'il a alors engagé avec son épouse des démarches en vue d'adopter Elie Joyce B né le 5 avril 2006, dont il ressort clairement des pièces du dossier que son père naturel, réfugié congolais naturalisé français, ne subvenait pas à ses besoins, voire l'avait abandonné, démarches qui ont d'ailleurs abouti par jugement du tribunal de grande instance de Lons-le-Saulnier du 17 novembre 2009 postérieur à l'arrêté attaqué ; que les multiples attestations concordantes produites par l'intimé démontrent qu'il a séjourné à Morez depuis 2005 ; que s'il a produit un passeport dépourvu de visa et apparaissant avoir été établi à Brazzaville le 14 septembre 2006, M. A explique, de manière plausible, que cette démarche a été accomplie hors de sa présence par un proche ; qu'il s'est intégré activement ainsi que son épouse au sein de la communauté locale et s'est investi dans l'éducation des deux enfants ; qu'il possède une qualification professionnelle en tant que menuisier ; qu'ainsi, l'arrêté en date du 18 mars 2009 par lequel le préfet du Jura a refusé à M. A l'autorisation de séjourner en France, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Congo comme pays de destination a, eu égard aussi à la durée de son séjour en France, méconnu, dans les circonstances de l'espèce, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DU JURA ne saurait utilement faire valoir que M. A serait susceptible de bénéficier de la procédure de regroupement familial, dès lors que cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation à effectuer sur la gravité de l'atteinte portée par la décision litigieuse à la situation familiale de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU JURA n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'arrêté du 10 juillet 2009 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. A bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme correspondant aux frais exposés que l'avocat de l'intéressé lui aurait réclamée s'il n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée du PREFET DU JURA est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Edouard A.

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N° 09NC01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01214
Date de la décision : 05/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MARRAUD DES GROTTES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-07-05;09nc01214 ?
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