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01/07/2010 | FRANCE | N°09NC01188

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 01 juillet 2010, 09NC01188


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2009, présentée pour M. Jean-Claude B, demeurant les Grandes Tuileries à Sézanne (51120) et M. et Mme Michel A, demeurant ..., par Me Coutadeur ;

M. B et M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802309 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 août 2008 par lequel le préfet de la Marne a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la commune de Sézanne des parcelles cadastrées n° 161, 162, 16

5, 198, 234 et 240 de la section G, situées au lieudit Le Bas des Tuileries , néce...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2009, présentée pour M. Jean-Claude B, demeurant les Grandes Tuileries à Sézanne (51120) et M. et Mme Michel A, demeurant ..., par Me Coutadeur ;

M. B et M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802309 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 août 2008 par lequel le préfet de la Marne a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la commune de Sézanne des parcelles cadastrées n° 161, 162, 165, 198, 234 et 240 de la section G, situées au lieudit Le Bas des Tuileries , nécessaires à l'aménagement d'une zone à urbaniser ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'étude d'impact jointe au dossier de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet est insuffisante en ce qu'elle ne fait pas référence à l'état initial du site en ce qui concerne les espaces naturels agricoles, ne présente pas les conséquences que l'opération aura sur l'activité agricole et les mesures prises pour compenser les inconvénients générés par l'opération sur cette activité et n'indique pas davantage les raisons pour lesquelles, du point de vue des préoccupations d'environnement, le projet retenu a été choisi parmi les différents partis envisagés ;

- les conclusions du commissaire enquêteur ne sont pas suffisamment motivées au regard des exigences de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique en ce que, tout d'abord, il n'est pas en soi justifié par l'intérêt public dès lors que des personnes privées envisageaient de réaliser une opération similaire sur les terrains en cause, ensuite, en ce que l'expropriation n'était pas nécessaire dans la mesure où le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Sézanne et les dispositions du b) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme permettaient à ladite commune de réserver les terrains expropriés à la réalisation de programmes de logements et, enfin, en ce que les atteintes portées par le projet à la propriété privé excèdent les avantages attendus, alors qu'il n'est pas établi qu'il y avait sur le territoire de la commune de Sézanne une demande de logement insatisfaite ;

- l'arrêté attaqué n'a eu pour objet que de faire échec à leur projet de vendre leurs terrains à un aménageur privé, ce qui constitue un détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2009, présenté pour la commune de Sézanne, représentée par son maire, par Me Copper-Royer, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la commune conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 décembre 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2010 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Coutadeur, avocat des requérants, ainsi que celles de Me Lechevalier-Brouchot, avocat de la commune de Sézanne ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 11 août 2008 :

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 11-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : L'expropriation d'immeubles, en tout ou partie, ou de droits réels immobiliers, ne peut être prononcée qu'autant qu'elle aura été précédée d'une déclaration d'utilité publique intervenue à la suite d'une enquête (...) et qu'aux termes de l'article R. 11-3 dudit code : L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : ... 6° L'étude d'impact définie à l'article R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés (...) ; qu'aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement : I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. / II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes (...) ;

Considérant que l'étude d'impact qui figure au dossier de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique du projet d'acquisition de terrains et de leur aménagement en vue de la création d'une zone à urbaniser au lieudit Le Bas des Tuileries sur le territoire de la commune de Sézanne comporte une analyse de l'état initial du site et de son environnement qui mentionne notamment que le secteur de l'opération projetée, situé à proximité immédiate de l'exploitation agricole des Grandes Tuileries, est occupé par des terres cultivées et des pâtures ; que l'étude d'impact, qui mentionne que l'utilisation agricole actuelle du site sera remplacée par un nouveau quartier , n'avait pas à développer davantage la présentation des effets du projet sur les espaces naturels agricoles ni à présenter les mesures prises pour compenser les conséquences dommageables du projet sur l'activité agricole, alors que la notice explicative jointe au dossier soumis à l'enquête publique précisait par ailleurs que le projet en lui-même ne réduit que de près de 15 hectares la superficie occupée par les terres labourables sur l'ensemble du territoire communal, pour la création de 125 logements dans un cadre largement arboré et verdoyant visant non seulement à la mise en oeuvre d'un cadre de vie qualitatif mais participant aussi à la gestion des eaux pluviales , de sorte que les avantages induits par le projet l'emportent sur les inconvénients engendrés sur l'espace agricole ; qu'enfin, l'étude d'impact expose suffisamment, parmi les trois scénarios d'aménagement du nouveau quartier envisagé, les raisons pour lesquelles le projet présenté a été retenu ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par les requérants de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté ;

S'agissant du moyen tiré de la motivation insuffisante des conclusions du commissaire enquêteur:

Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-10 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : Le commissaire enquêteur (...) examine les observations consignées ou annexées aux registres et entend toutes personnes qu'il paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant s'il le demande. / Le commissaire enquêteur (...) rédige des conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. (...) ;

Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen, qui ne comporte aucun élément de fait ou droit nouveau par rapport à l'argumentation développée par les requérants devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, tiré de la méconnaissance de ces dispositions ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté du 11 août 2008 :

Considérant, en premier lieu, qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet déclaré d'utilité publique par l'arrêté attaqué est destiné à permettre l'aménagement sur le territoire de la commune de Sézanne d'un nouveau quartier où seront construits 95 logements destinés à la vente et 30 logements locatifs aidés ; qu'un tel projet est au nombre des opérations pour la réalisation desquelles l'expropriation pour cause d'utilité publique peut être légalement autorisée alors même que des personnes privées auraient pu réaliser une opération similaire et qu'ainsi l'initiative privée n'était pas défaillante ; que la circonstance que le règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Sézanne et les dispositions du b) de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme permettaient à ladite commune d'affecter les terrains en cause à la réalisation de programmes de logements ne faisait pas obstacle à ce qu'elle soit autorisée à procéder à l'expropriation de ces terrains en vue de la création d'une zone à urbaniser ; que, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ce projet répond à une demande de logements qui n'est pas satisfaite par le parc immobilier disponible sur le territoire de la commune de Sézanne en raison de la dimension et de la vétusté des logements existants ; que, si les requérants font valoir que l'arrêté attaqué les prive de la possibilité de vendre leurs terrains à un aménageur privé en vue d'y réaliser un projet similaire, l'atteinte ainsi portée à leur propriété privée n'est pas excessive eu égard à l'intérêt que présente le projet de la commune de Sézanne déclaré d'utilité publique tant en ce qui concerne la satisfaction des besoins en logements de la population que l'aménagement du territoire de cette commune ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'opération serait dépourvue d'utilité publique doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que si les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué n'a eu pour objet que de faire échec à leur projet de vendre leurs terrains à un aménageur privé, le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi eu égard notamment à la circonstance que, antérieurement aux promesses de vente consenties par les intéressés, le conseil municipal de la commune de Sézanne avait décidé, dès le 13 février 2007, la création d'un nouveau quartier au lieudit Le Bas des Tuileries ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B et M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 11 août 2008 par lequel le préfet de la Marne a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la commune de Sézanne de parcelles situées au lieudit Le Bas des Tuileries nécessaires à l'aménagement d'une zone à urbaniser ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B ainsi que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. B ainsi que M. et Mme A, sur le fondement des mêmes dispositions, à verser ensemble une somme globale de 1 000 euros à la commune de Sézanne ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B ainsi que M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : M. B ainsi que M. et Mme A verseront ensemble une somme globale de 1 000 euros à la commune de Sézanne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude B, à M. et Mme Michel A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à la commune de Sézanne.

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N° 09NC01188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01188
Date de la décision : 01/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : COUTADEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-07-01;09nc01188 ?
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