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27/05/2010 | FRANCE | N°09NC01238

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 27 mai 2010, 09NC01238


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2009, complétée par les pièces enregistrées le 14 décembre 2009, présentée pour la VILLE DE STRASBOURG, représentée par son maire, par la SCP Bourgun-Dörr ;

La VILLE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603195 du 24 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2006, en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores occasionnées par l'uti

lisation des motopompes thermiques dans les jardins familiaux de Koenigshoffen ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2009, complétée par les pièces enregistrées le 14 décembre 2009, présentée pour la VILLE DE STRASBOURG, représentée par son maire, par la SCP Bourgun-Dörr ;

La VILLE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603195 du 24 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2006, en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores occasionnées par l'utilisation des motopompes thermiques dans les jardins familiaux de Koenigshoffen ;

2°) de rejeter la demande de devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête ;

- le contentieux n'est pas lié, la requête de première instance ayant été introduite avant l'intervention d'une décision préalable ;

- la règlement d'utilisation des jardins familiaux n'est pas un règlement de police municipale et n'est applicable qu'aux seuls jardins mis à disposition par voie de contrat passé entre la ville et les locataires ; dès lors que le conseil municipal a approuvé le 15 novembre 1999 le nouveau règlement d'utilisation des jardins familiaux applicable aux jardins familiaux gérés directement par la ville de Strasbourg , le maire ne pouvait pas, dans le cadre de ses pouvoirs de police, opposer les dispositions du règlement aux locataires des jardins relevant de l'Association des Jardins Ouvriers de Strasbourg Ouest ;

- aucune disposition du bail à ferme ne prévoit l'interdiction de l'usage des motopompes ; la ville ne disposait d'aucun moyen contractuel pour obliger l'association à interdire l'usage des motopompes dans ses jardins ; par courrier du 5 juillet 2005, le maire de Strasbourg a demandé à l'association de modifier son règlement intérieur pour que l'utilisation des motopompes soit interdite dans les jardins familiaux gérés par l'association ; le maire ne pouvait pas décider une interdiction générale ;

- il n'y a pas eu carence dans l'exercice des pouvoirs de police : un arrêté municipal du 9 juillet 1998 a été pris afin de limiter les nuisances sonores dans les propriétés privées ; le maire a fait réaliser des mesures acoustiques par le service Hygiène et Santé ; ces mesures ont fait apparaître que le bruit ne dépassait pas le seuil limite d'émergence de 5 décibels ; les époux Rémy sont les seuls à se plaindre des nuisances sonores en cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2010, présenté pour , par Me Fleury-Rebert ;

concluent au rejet de la requête, à ce que soit mise à la charge de la VILLE DE STRASBOURG une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leurs conclusions indemnitaires, à la condamnation de la VILLE DE STRASBOURG à leur verser, d'une part, une somme de 25 000 euros en réparation des troubles de jouissance qu'ils subissent, d'autre part, une somme de 25 000 euros en réparation de leur préjudice moral, ces sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2005, et à ce que le maire de Strasbourg soit enjoint de prendre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, les mesures de police de nature à faire cesser les nuisances sonores provoquées par l'utilisation des motopompes à moteur thermique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Ils font valoir que :

- le contentieux a été lié en cours d'instance ;

- la ville a commis une faute en ne faisant pas respecter le bail à ferme conclu avec l'Association des Jardins Ouvriers de Strasbourg Ouest qui prévoit que l'Association s'engage à respecter, soit à faire respecter l'ensemble des dispositions...du règlement d'utilisation joint en annexe , lequel interdit l'usage de motopompes pour irriguer les parcelles exploitées ; le règlement intérieur de l'association autorise l'utilisation des motopompes ;

- il y a eu carence fautive du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police pour assurer la protection de la santé et de la tranquillité publique ; le maire aurait pu également intervenir sur le fondement de l'arrêté anti-bruit du 9 juillet 1998 ;

- le bruit des motopompes est durable, répétitif et intense ; les deux relevés acoustiques n'ont pas de caractère probant, car l'intensité du bruit varie en fonction du réglage effectué par l'utilisateur ;

- ils sont fondés à réclamer réparation, d'une part des troubles de jouissance qu'ils subissent depuis 9 ans, et, d'autre part, de leur préjudice moral ; les nuisances sonores, particulièrement éprouvantes, perdurent malgré leurs nombreuses démarches amiables et plaintes ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 mars 2010, présenté pour la VILLE DE STRASBOURG, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et à ce que la somme à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 5 000 euros ;

Elle soutient en outre que :

- l'appel incident des époux Rémy est irrecevable ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 6 avril 2010, présenté pour , qui concluent dans le sens de leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 9 avril 2010 à 16 heures ;

Vu la pièce, enregistrée le 20 avril 2010, présentée pour la VILLE DE STRASBOURG ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2010, présenté pour la VILLE DE STRASBOURG ;

Vu la pièce complémentaire, enregistrée le 28 avril 2010, présentée pour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2010 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Kihn, pour la SCP Bourgun Dörr, avocat de la VILLE DE STRASBOURG ;

Considérant que sont propriétaires depuis 1993 d'une maison d'habitation située en face des jardins familiaux dits de la à Strasbourg ; que lesdits jardins, appartenant au domaine privé de la ville, ont été loués dans le cadre d'un bail à ferme à l'Association des Jardins Ouvriers de Strasbourg Ouest, qui en assure la gestion ; que, par jugement en date du 24 juin 2009, le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la VILLE DE STRASBOURG à verser aux époux Rémy la somme de 8 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2006, en réparation du préjudice subi du fait des nuisances sonores occasionnées par l'utilisation des motopompes thermiques dans les jardins familiaux ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la VILLE DE STRASBOURG soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête ; qu'il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges, qui ont fait droit à la demande des époux Rémy et condamné la ville à leur verser des dommages-intérêts, n'ont pas répondu au moyen de la ville tiré de ce que le contentieux n'était pas lié, la requête de première instance ayant été introduite avant l'intervention d'une décision préalable ; qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 24 juin 2009 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance :

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : ... 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que... les bruits, y compris les bruits de voisinage... qui troublent le repos des habitants et tout actes de nature à compromettre la tranquillité publique ;

Considérant que les époux Rémy recherchent la responsabilité de la VILLE DE STRASBOURG en invoquant notamment la carence dont son maire aurait fait preuve dans l'exercice de ses pouvoirs de police en matière de lutte contre le bruit ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le maire de la VILLE DE STRASBOURG, alerté par les époux Rémy sur les nuisances sonores causées par l'usage des motopompes dans les jardins familiaux de la , a fait réaliser par ses services des mesures acoustiques en façade des habitations sises rue ..., où demeurent les intéressés ; que les mesures effectuées le 26 mai 2005 alors que cinq motopompes fonctionnaient simultanément, et le 4 juillet 2006 alors que six pompes fonctionnaient simultanément, ont fait apparaître que le bruit ambiant n'excédait pas le niveau de 45 décibels A et que la différence entre le bruit ambiant et le bruit résiduel hors fonctionnement des pompes n'excédait pas le niveau limite de 5 décibels prévu par l'article R. 1334-33 du code de la santé publique ; que ces niveaux de bruit ne créent pas une gêne telle qu'elle appelât une réglementation de l'usage de ces équipements plus rigoureuse que celle mise en oeuvre par le maire de Strasbourg, qui avait, par arrêté du 9 juillet 1998, prescrit notamment que les travaux de jardinage susceptibles d'engendrer des bruits gênants ne pourraient être effectués que dans certaines limites horaires, dont il n'est pas établi qu'elles ne seraient pas respectées ; que s'il résulte des documents annexés aux mesures acoustiques produites par les requérants devant le tribunal que les niveaux de 65 et 70 décibels A ont été atteints pendant une brève durée, il ressort des mentions de ces documents que ces niveaux de bruit correspondent au passage de trains ou d'aéronefs ; que si les époux Rémy soutiennent que le bruit des motopompes serait durable, répétitif et intense et que les mesures effectuées par la ville ne correspondraient pas aux conditions réelles d'utilisation de ces équipements, ils ne produisent aucune pièces de nature à le prouver ; que, dès lors, le maire de Strasbourg n'ayant commis en l'espèce aucune faute, le préjudice allégué par les époux Rémy ne saurait donner lieu à indemnisation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de devant le Tribunal administratif de Strasbourg doit être rejetée, ainsi que leurs conclusions indemnitaires et leurs conclusions en injonction devant la Cour ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la VILLE DE STRASBOURG, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de une somme de 1 500 euros à verser à la VILLE DE STRASBOURG au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 24 juin 2009 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande de devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée ainsi que le surplus de leurs conclusions devant la Cour.

Article 3 : verseront à la VILLE DE STRASBOURG une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la VILLE DE STRASBOURG et à M. et Mme Fabien Rémy.

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N° 09NC01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01238
Date de la décision : 27/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BOURGUN DÖRR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-05-27;09nc01238 ?
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