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20/05/2010 | FRANCE | N°09NC01066

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 20 mai 2010, 09NC01066


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2009, présentée par le PRÉFET DU DOUBS, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900426 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé son arrêté en date du 27 janvier 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée ;

2°) de rejeter la demande présentée par

Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Il soutient que :

- c'est à tort...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2009, présentée par le PRÉFET DU DOUBS, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900426 du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé son arrêté en date du 27 janvier 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur le moyen tiré de la violation des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2009, présenté pour Mme A, demeurant ..., par Me Bertin ; Mme A conclut au rejet de la requête et à ce qu' une somme de 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 1 100 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- l'appel formé par le préfet a perdu son objet dès lors que celui-ci lui a délivré un titre de séjour sans préciser dans sa décision que cette délivrance n'était motivée que par le souci de se conformer au jugement d'annulation rendu par le Tribunal administratif de Besançon ;

- c'est à juste titre que le Tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur le moyen tiré de la violation des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- en tout état de cause, l'avis du médecin inspecteur de santé publique était entaché d'une insuffisance de motivation ;

- l'annulation de l'arrêté attaqué est également susceptible d'être maintenue sur le fondement des moyens de légalité interne qu'elle avait invoqués en première instance, outre le moyen d'annulation retenu par le Tribunal ;

- en effet, le préfet aurait dû lui délivrer sur le fondement de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien un certificat de résidence portant la mention visiteur , dès lors qu'elle remplissait les conditions de cet article et qu'elle avait porté à la connaissance du préfet le montant des ressources dont elle et son mari disposaient ;

- au surplus, l'arrêté attaqué a été adopté en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté est également entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants des 22 décembre 1985, 28 septembre 1994 et 11 juillet 2001 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'arrêté interministériel du 8 juillet 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2010 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par Mme A :

Considérant que Mme A fait valoir que la requête est devenue sans objet dès lors que le PRÉFET DU DOUBS lui a délivré un certificat de résidence d'algérien portant la mention vie privée et familiale valable du 19 juillet 2009 au 18 juillet 2010 ; que, toutefois, le préfet était tenu de délivrer un tel titre de séjour à Mme A pour se conformer au jugement du 18 juin 2009 attaqué ; qu'il s'ensuit que la délivrance de ce titre de séjour ne prive pas d'objet la requête du PRÉFET DU DOUBS, qui tend à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ; qu'il y a lieu, en conséquence, de statuer sur ladite requête ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le Tribunal :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine, (...) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit :... 7) Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ; que si ledit accord régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance ou le refus de titre de séjour ; que les stipulations précitées ayant une portée similaire à celle des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les garanties procédurales prévues par cet article, ainsi que les dispositions de l'article R. 313-22 du même code et de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour leur application, sont également applicables aux ressortissants algériens ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : ... la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit :... 11° A l'étranger résidant habituellement en France font l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire... La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé... ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique... L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé... ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions : (...) le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi (...) ; qu'il appartient ainsi au médecin inspecteur, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante algérienne née en 1943, est atteinte d'une cardiopathie valvulaire ayant justifié l'implantation d'une valve mécanique mitrale lors d'une opération chirurgicale pratiquée en 2000 en Algérie et est également affectée d'un trouble du rythme cardiaque consistant en une fibrillation auriculaire permanente ; que l'intéressée, qui est entrée en France le 1er juin 2006 sous couvert d'un visa de court séjour, a obtenu deux autorisations provisoires d'une durée de six mois chacune l'autorisant à séjourner en France pour raisons de santé jusqu'au 25 février 2008 ; que, par décision du 27 janvier 2009, le PRÉFET DU DOUBS a rejeté la demande de Mme A tendant à la délivrance sur le fondement des stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié susvisé d'un certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale , au motif que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait cependant bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie ; que, si Mme A se prévaut de certificats médicaux attestant que son état de santé nécessite un traitement médicamenteux ainsi que des examens biologiques et cardiologiques réguliers et recommandant son maintien en France et si elle verse au dossier des attestations d'un pharmacien algérien selon lesquelles le médicament anticoagulant et le médicament antihypertenseur qui lui sont prescrits ne sont pas disponibles en Algérie, ces documents, qui ne comportent aucune indication sur l'indisponibilité en Algérie de médicaments équivalents à ceux prescrits en France à Mme A, ne sont pas de nature à remettre en cause, nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de santé publique avait précédemment émis un avis contraire le 26 février 2007, l'avis du médecin inspecteur de santé publique rendu le 2 octobre 2008 selon lequel l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé, pour annuler l'arrêté attaqué, sur le motif tiré de ce que le préfet ne justifiait pas des raisons pour lesquelles le traitement dispensé à Mme A pourrait désormais lui être prodigué en Algérie ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés en première instance par Mme A, sous réserve des moyens de légalité externe qu'elle a abandonnés, ainsi que les autres moyens qu'elle invoque en appel ;

En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant, en premier lieu, que l'avis rendu le 2 octobre 2008 par le médecin inspecteur de santé publique comporte les précisions exigées par les dispositions précitées de l'arrêté ministériel du 8 juillet 1999 susvisé, dès lors qu'il indique la nécessité d'une prise en charge médicale, la gravité des conséquences du défaut de cette prise en charge et la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine, nonobstant la circonstance que le médecin inspecteur de santé publique avait précédemment émis un avis contraire ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis du médecin inspecteur de santé publique ne peut être qu'écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'une des stipulations de l'accord franco-algérien le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code ou d'une autre stipulation de cet accord ; qu'ainsi, le moyen tiré par Mme A de la violation de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien, permettant la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention visiteur , est inopérant à l'encontre du refus opposé à la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée pour raisons de santé sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 dudit accord ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l 'homme et des libertés fondamentales : 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que, si Mme A fait valoir qu'elle est née en 1943, qu'elle est entrée régulièrement en France avec son époux, qui y a travaillé de 1967 à 1985 et y bénéficie d'une retraite, et qu'une de ses filles réside régulièrement en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que son époux est également en situation irrégulière sur le territoire national et l'intéressée n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a résidé en dernier lieu de 1985 au 1er juin 2006, date de son entrée en France sous couvert d'un visa touristique de 30 jours ; que, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par Mme A de ce que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas davantage des circonstances de l'espèce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PRÉFET DU DOUBS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a, d'une part, annulé son arrêté en date du 27 janvier 2009 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à l'intéressée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 1 100 euros que Me Bertin, avocat de Mme A, demande sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais que celle-ci aurait exposés si elle n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle partielle, ainsi que le versement de la somme de 400 euros demandée par Mme A au titre des frais de procédure qu'elle a elle-même exposés à l'occasion de la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0900426 rendu le 18 juin 2009 par le Tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à Mme Safia A.

Copie sera adressée au procureur du Tribunal de grande instance de Besançon.

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N° 09NC01066


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01066
Date de la décision : 20/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : BERTIN ; BERTIN ; BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-05-20;09nc01066 ?
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