Vu la requête enregistrée le 19 janvier 2009 présentée pour Mme Anne A, demeurant ... par Me Sammut, avocat ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0702525 du 20 novembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé à la demande du préfet de la région Champagne-Ardenne la décision en date du 11 janvier 2007 par laquelle le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Champagne-Ardenne a refusé de saisir la chambre de discipline d'une action à son encontre ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la région Champagne-Ardenne devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a retenu à tort que le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Champagne-Ardenne avait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision de refus de saisir le conseil de discipline en vue de poursuites à son encontre ;
- les différentes négligences constatées ont été relevées alors qu'elle procédait à un nettoyage de son officine après une période où, en raison du départ imprévu d'une préparatrice, elle se trouvait seule avec son époux, pharmacien-adjoint, et s'était trouvée dans une situation de surcharge de travail ce qui avait engendré des retards dans l'accomplissement des actes administratifs et dans le traitement des déchets ;
- lors de la seconde visite, intervenue dans le cadre de l'instruction d'une plainte, elle avait déjà remédié à tous les dysfonctionnements comme en atteste le rapport du 10 janvier 2007 ce qui montre sa bonne foi ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2010 :
- le rapport de M. Wiernasz, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;
Sur la légalité de la décision du 11 janvier 2007 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 4234-1 du code de la santé publique : L'action disciplinaire contre un pharmacien ne peut être introduite que par le ministre chargé de la santé, le ministre chargé de la sécurité sociale, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour les pharmaciens relevant de leur contrôle respectif, le préfet, le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, le procureur de la République, le président du Conseil national, d'un conseil central ou d'un conseil régional de l'ordre des pharmaciens ou un pharmacien inscrit à l'un des tableaux de l'ordre... ; qu'aux termes de l'article R. 4234-5 du même code : La comparution en chambre de discipline est obligatoire si elle est demandée expressément par le ministre chargé de la santé, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments pour les pharmaciens relevant de leur contrôle respectif ou le procureur de la République. Dans tous les autres cas, le président du conseil intéressé saisit son conseil de l'affaire. / Si le conseil décide de ne pas traduire en chambre de discipline, cette décision est notifiée ... au pharmacien poursuivi, au plaignant ... ;
Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un pharmacien en chambre de discipline, il appartient au conseil régional de l'ordre des pharmaciens, après avoir procédé à l'instruction prévue par les articles R. 4234-2 à R. 4234-4 du code de la santé publique, de décider des suites à donner à la plainte ; qu'il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors d'une visite de la pharmacie de Mme A le 5 septembre 2006, le pharmacien inspecteur de santé publique a relevé des irrégularités dont il a dressé un rapport détaillé dans lequel il a noté que les médicaments retournés par les patients étaient entreposés dans la zone de stockage des médicaments destinés à la vente, que des produits inflammables étaient stockés à même le sol, que le plan de travail était encombré par des commandes en attente de rangement et un sac contenant des médicaments rapportés, que la balance n'était pas adaptée aux préparations pharmaceutiques, que sur les préparations réalisées à l'avance, les dates de réalisation et de péremption n'étaient pas indiquées, que le registre des ordonnanciers ne comportait pas systématiquement l'adresse du patient et le nom du prescripteur, que les registres des médicaments dérivés du sang et des stupéfiants n'étaient ni cotés, ni paraphés ; que toutefois, il n'est pas contesté, d'une part, que lors de la visite du pharmacien inspecteur, la requérante avait entrepris le nettoyage de son officine et, d'autre part, qu'à la date où le conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Champagne-Ardenne a pris sa décision de ne pas engager de poursuites disciplinaires, Mme A avait remédié aux différents dysfonctionnements qui avaient été constatés dans la tenue et l'organisation de son officine et, au surplus, avait, selon les termes du rapport du 10 janvier 2007 effectué pour le conseil régional de l'ordre des pharmaciens dans le cadre de l'instruction de la plainte, perçu l'intérêt de mettre en place une démarche qualité ; que, dans ces conditions, et compte tenu du large pouvoir d'appréciation laissé au conseil régional de l'ordre, ce dernier n'a pas commis d'erreur manifeste en décidant de ne pas traduire l'intéressée en chambre de discipline ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Champagne-Ardenne du 11 janvier 2007 ;
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 novembre 2008 est annulé.
Article 2 La demande présentée par le préfet de la région de Champagne-Ardenne devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1000 euros à Mme A au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Anne A, au ministre de la santé et des sports, au conseil régional de l'ordre des pharmaciens de Champagne-Ardenne et au conseil national de l'ordre des pharmaciens.
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