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05/05/2010 | FRANCE | N°09NC01252

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 mai 2010, 09NC01252


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 août 2009, complétée par mémoire enregistré le 23 mars 2010, présentée pour M. Joshua A, demeurant ..., par Me Schreckenberg ;

M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours ;

2°) subsidiairement, d'annuler le jugement n° 0700906 du 16 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mars 2007 par laquelle le directeur par intérim du centre hospital

ier Jean Monnet d'Epinal l'a licencié et d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 août 2009, complétée par mémoire enregistré le 23 mars 2010, présentée pour M. Joshua A, demeurant ..., par Me Schreckenberg ;

M. A demande à la Cour :

1°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours ;

2°) subsidiairement, d'annuler le jugement n° 0700906 du 16 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mars 2007 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal l'a licencié et d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Jean Monnet une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ; il a été convoqué le 21 mars à un entretien préalable au licenciement ; il n'a reçu la convocation que le 22 mars alors que l'entretien avait lieu le 27 mars ; la communication du dossier n'a eu lieu que le 27 mars alors que son conseil en avait fait la demande dès le 12 mars ; il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense même s'il savait depuis le 5 mars qu'une procédure disciplinaire allait être engagée à son encontre ; il n'a eu connaissance du résumé du rapport de l'autorité de sûreté nucléaire que le 22 mars 2007 ;

- le licenciement repose sur les affirmations des rapports de l'IGAS et de l'autorité de sûreté nucléaire, établis non contradictoirement, qui sont erronées ; l'instance pénale en cours le démontrera ; la Cour devrait surseoir à statuer ;

- il n'a commis aucune faute ; les recommandations de l'AIEA prévoient un radiophysicien pour 350 à 400 malades traités ; or, il était seul pour traiter 750 à 800 cas par an ; aucun recrutement pourtant sollicité n'avait été effectué ; il était même mis à disposition de la clinique privée La ligne bleue aux termes d'une convention (20 heures/mois) ;

- le matériel du service de radiothérapie était insuffisant ;

- les coins dynamiques étaient déjà utilisés ailleurs ; le nouveau logiciel de dosimétrie en place depuis 2000 permettait d'y avoir recours ; il s'est borné à utiliser une technique courante après avoir effectué des tests et des études préliminaires sur fantômes ; il n'avait pas à informer les médecins radiothérapeutes qui, au surplus, ne pouvaient ignorer l'utilisation des coins dynamiques ; les manipulateurs ne travaillaient pas sous sa responsabilité ; ils n'avaient pas à les former ; il n'est pas responsable de la formation continue du personnel de l'établissement ; pour autant, il a formé certains manipulateurs dosimétristes sur l'utilisation du coin dynamique ; il a procédé à un calcul indépendant du nombre d'unités moniteur qui n'était pourtant pas une obligation ; il n'avait pas à déclarer l'accident lors de la visite de l'autorité de sûreté nucléaire du 17 mai 2006 ; cette responsabilité incombait au directeur, au chef de service ou au détenteur de l'autorisation en application des dispositions du code de la santé publique ; .

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2009, présenté par le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- M. A a vu ses droits de la défense préservés ; il n'existe aucun rapport émanant de l'autorité de sûreté nucléaire mais un rapport conjoint de cette autorité et de l'IGAS ; il a été informé dès le 5 mars 2007, soit 22 jours avant l'entretien de l'engagement d'une procédure disciplinaire et des griefs qui lui étaient faits ; il est seul responsable de la date tardive à laquelle lui a été communiqué son dossier ; les fautes reprochées à M. A sont contenues dans le rapport de l'IGAS qui lui a été communiqué le 5 mars ;

- la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale ;

- la circonstance que d'autres personnes soient mises en cause dans l'accident de radiothérapie n'exonère pas M. A de sa responsabilité disciplinaire ; de la même manière, l'IGAS a souligné le bon équipement du service de radiothérapie de l'établissement ;

- M. A a commis diverses fautes ; la technique mise en oeuvre par M. A ne permet pas de vérifier que la dose de rayons prescrite par le radiothérapeute était administrée au patient ; il est responsable de la définition des protocoles d'irradiation ; il a supprimé les lignes de défense ; il devait s'assurer de la formation des manipulateurs au titre de sa mission de sécurité ; il ne lui revenait pas de l'assurer lui-même ; il n'a pas informé des accidents l'autorité de sûreté nucléaire lors de sa visite du 17 mai 2006 ;

- M. A était affecté à temps plein au centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal ; il effectuait des heures supplémentaires dans une autre clinique de la ville ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre en date du 8 mars 2010 fixant la clôture de l'instruction au 24 mars 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu l'arrêté du 19 novembre 2004 relatif à la formation, aux missions et aux conditions d'intervention de la personne spécialisée en radiophysique médicale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Alloiteau, pour Mes Schreckenberg - Parniere et Associés, avocats de M. A ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure disciplinaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 40 du décret susvisé du 6 février 1991 : Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité signataire du contrat. L'agent contractuel à l'encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il a également le droit de se faire assister par les défenseurs de son choix. L'intéressé doit être informé par écrit de la procédure engagée et des droits qui lui sont reconnus ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a été destinataire le 5 mars 2007 d'un courrier émanant du directeur du Centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal lui expliquant qu'à la suite de la réception du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales IGAS n° RM 2007.009 A portant sur son rôle et sa responsabilité dans l'accident de radiothérapie d'Epinal, il engageait à son encontre une procédure disciplinaire et que les faits qui lui étaient reprochés étaient précisés dans le rapport joint ; que ledit directeur ajoutait qu'il pouvait obtenir communication de l'intégralité de son dossier et se faire assister des défenseurs de son choix conformément aux dispositions du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; que M. A a ainsi disposé du temps nécessaire pour préparer utilement sa défense, la sanction n'étant adoptée que le 30 mars 2007 ; que la circonstance qu'il n'ait été convoqué que le 21 mars 2007 à un entretien préalable à son licenciement, qui s'est déroulé le 27 mars suivant, entretien dont la tenue n'est d'ailleurs pas exigée par le texte précité, n'a pas été de nature à entacher la procédure disciplinaire d'irrégularité, pas davantage que le fait qu'un rapport de l'autorité de sûreté nucléaire n'aurait été joint qu'à la convocation à l'entretien, dès lors qu'il n'est pas contesté que les griefs faits à l'appelant et fondant la sanction étaient contenus dans le rapport susmentionné de l'IGAS qui lui avait été précédemment communiqué ; qu'enfin, si M. A n'a pris connaissance de l'intégralité de son dossier individuel que le 27 mars 2007, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la sanction prise, de même que le fait, à le supposer établi, que le centre hospitalier n'aurait pas expressément répondu à la demande de son conseil, formulée par lettre du 12 mars 2007, d'être rendu personnellement destinataire du dossier de l'intéressé lors de la convocation de ce dernier en vue d'un entretien à cet effet, dès lors que le requérant avait, comme il a été dit ci-dessus, été lui-même informé, et ce dès le 5 mars 2007, de son droit à communication de son dossier ;

En ce qui concerne le bien-fondé du licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 1333-60 du code la santé publique : Toute personne qui utilise les rayonnements ionisants à des fins médicales doit faire appel à une personne spécialisée d'une part en radiophysique médicale, notamment en dosimétrie, en optimisation, en assurance de qualité, y compris en contrôle de qualité, d'autre part, en radioprotection des personnes exposées à des fins médicales ; qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté susvisé du 19 novembre 2004 : La personne spécialisée en radiophysique médicale s'assure que les équipements, les données et procédés de calcul utilisés pour déterminer et délivrer les doses et activités administrées au patient dans toute procédure d'exposition aux rayonnements ionisants sont appropriés et utilisés selon les dispositions prévues par le code de la santé publique, et notamment aux articles R. 1333-59 à R. 1333-64 ; en particulier, en radiothérapie, elle garantit que la dose de rayonnements reçues par les tissus faisant l'objet de l'exposition correspond à celle prescrite par le médecin demandeur (...) En outre : (...) - elle contribue au développement, au choix et à l'utilisation des techniques et équipements utilisés dans les expositions médicales aux rayonnements ionisants ; (...) - elle participe à l'enseignement et à la formation du personnel médical dans le domaine de la radiophysique médicale ;

Considérant que M. A était employé à plein complet, à compter du 1er octobre 1988, en qualité de radiophysicien, par contrat conclu avec le centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal ; qu'à ce titre, il assurait les fonctions de personne spécialisée en radiothérapie médicale et était la personne compétente en radioprotection ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport susmentionné de l'Inspection générale des affaires sociales IGAS n° RM 2007.009 A portant sur le rôle et la responsabilité de M. A dans l'accident de radiothérapie d'Epinal qu'en mai 2004, il a décidé de modifier la méthode de traitement des cancers de la prostate en utilisant des coins dynamiques à la place des coins statiques sans avertir les radiothérapeutes et les manipulateurs que les doses de rayons administrées aux patients devaient être réduites, les coins dynamiques étant moins absorbants ; que la formation indispensable des manipulateurs, qui, contrairement à ce que soutient l'appelant, relevait de sa compétence, n'a que très partiellement été assurée ; que, par ailleurs, l'adaptation des lignes de défense, indispensable lors de la mise en oeuvre des coins dynamiques, n'a pas été réalisée ; qu'il n'a pas effectué les contrôles, certes rendus complexes par la mauvaise ergonomie du logiciel CADPLAN, qui auraient permis de révéler précocement le surdosage et d'éviter qu'au total 23 patients soient sur-irradiés entre mai 2004 et août 2005 ; qu'enfin, et ceci quand bien même ce signalement aurait pu être opéré par le chef de service de radiothérapie, il n'a pas averti des incidents survenus l'autorité de sûreté nucléaire lors de l'inspection du service de radiothérapie le 17 mai 2006 ; qu'ainsi, M. A a commis des fautes dans l'exercice de ses missions telles qu'elles sont précisément définies par les dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté susvisé du 19 novembre 2004, sans qu'il soit fondé à mettre en cause la mauvaise qualité des installations du service de radiothérapie de l'hôpital, qui n'est pas établie ; que les circonstances que d'autres personnels de l'hôpital, et notamment les praticiens radiothérapeutes, soient également mis en cause dans l'instruction pénale diligentée consécutivement à la sur-irradiation de patients et qu'il ait été le seul radiophysicien au sein de l'hôpital, ce qui ne l'empêchait pourtant pas d'exercer depuis 2003 une mission supplémentaire au service d'une clinique privée de la ville, ne retirent pas aux faits reprochés à M. A leur caractère fautif ; qu'il s'ensuit que le directeur par intérim du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal a pu légalement licencier M. A par décision en date du 30 mars 2007 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue des instances pénales en cours, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 30 mars 2007 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal l'a licencié ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise du centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Joshua A et au centre hospitalier Jean Monnet d'Epinal.

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09NC01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01252
Date de la décision : 05/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-05-05;09nc01252 ?
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