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08/04/2010 | FRANCE | N°09NC00778

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 avril 2010, 09NC00778


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2009, complétée par mémoire enregistré le 2 mars 2010, présentée pour M. Laurent A, demeurant ..., par Me Kroell ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801038 du 17 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle à lui verser une indemnité de 25 191,51 euros en réparation du préjudice subi du fait des sanctions disciplinaires prises à son encontre ;
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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2009, complétée par mémoire enregistré le 2 mars 2010, présentée pour M. Laurent A, demeurant ..., par Me Kroell ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801038 du 17 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle à lui verser une indemnité de 25 191,51 euros en réparation du préjudice subi du fait des sanctions disciplinaires prises à son encontre ;

2°) de condamner l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle à lui verser une indemnité de 10 649,11 euros au titre du préjudice financier et de 20 000 euros au titre du préjudice moral résultant des sanctions disciplinaires dont il a été l'objet ;

3°) de mettre à la charge de l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il a été laissé sans affectation du 21 septembre au 4 octobre 2007 ;

- la rétrogradation qui lui a été infligée à titre disciplinaire est illégale ; le directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat n'était pas compétent ; les droits de la défense ont été méconnus ; la convocation du conseil de discipline n'est ni datée, ni signée ; le délai de saisine du conseil de discipline n'a pas été respecté ; la sanction ne précisait pas la possibilité de saisir le conseil de discipline de recours ; la sanction est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'une enquête administrative de nature à établir la matérialité des faits ; la rétrogradation s'ajoutait à une autre sanction puisqu'il a été laissé sans affectation du 21 septembre au 4 octobre 2007 ; la faute commise est vénielle ; l'accident n'a sûrement jamais eu lieu ; de plus, il n'était pas seul en charge de veiller au respect des règles de sécurité ; la sanction est disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise ; elle est discriminatoire, la gardienne de l'immeuble n'ayant pas été poursuivie ;

- l'affectation à Briey est illégale dès lors qu'elle est la conséquence de la rétrogradation ; elle constitue une seconde sanction disciplinaire pour une même faute ; elle est disproportionnée au regard de la faute commise ;

- il a subi des préjudices financier et moral ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2009, présenté pour Meurthe-et-Moselle Habitat par Me Filliatre, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires de M. A sont irrecevables dès lors qu'il s'est désisté de ses conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre les décisions des 4 et 12 octobre 2007 ; il s'agit d'un désistement d'action qui est devenu définitif ; M. A ne peut plus soutenir que les décisions sont illégales ;

- le caractère fautif des décisions des 4 et 12 octobre 2007 du directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat n'est pas établi ; le retrait de ces décisions n'est intervenu que dans un souci de clémence et d'apaisement ;

- la décision du 4 octobre 2007 portant rétrogradation n'était pas illégale ; le directeur général d'un EPIC est compétent pour exercer le pouvoir disciplinaire, conformément aux dispositions de l'article R. 421-16 du code de la construction et de l'habitation ; les droits de la défense ont été respectés ; le délai dans lequel a été convoqué le conseil de discipline n'est pas imparti à peine de nullité ; le conseil de discipline a été averti de la suspension dont était l'objet M. A ; rien, et notamment pas l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, n'interdit que faute d'avis du conseil de discipline dans le délais d'un mois, seule une sanction du 1er groupe puisse être prise par l'autorité administrative ; la simple omission dans la sanction de la possibilité de saisir le conseil de discipline de recours n'entache pas d'illégalité la sanction ; la décision est suffisamment motivée ; elle n'est entachée que d'une erreur de plume ; M. A n'a pas été l'objet d'une double sanction disciplinaire, la suspension n'ayant pas ce caractère ; M. A a manqué à ses obligations telles qu'elles découlent de sa fiche de fonctions ; bien qu'ayant reçu une formation à la sécurité, il est resté inerte du 20 au 27 juin 2007 alors que la sécurité de la Tour Turenne, qu'il avait en charge, était en cause ; la rétrogradation n'est pas entachée de disproportion manifeste ;

- le changement d'affectation de M. A était conforme à l'intérêt du service puisque n'existait plus de poste correspondant au nouveau grade de M. A à Longwy ; elle ne constituait pas une sanction disciplinaire supplémentaire ;

- les prétentions pécuniaires de M. A ne sont pas justifiées ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 3 mars 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 décembre 1989 ;

Vu le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Kroell, avocat de M. A, et de Me Filliatre, pour le cabinet Filor-Juri-Fiscal, avocat de Meurthe-et-Moselle Habitat ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Meurthe-et-Moselle Habitat :

Considérant qu'à la suite du retrait des décisions du directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat du 4 octobre 2007 lui infligeant la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe et du 12 octobre 2007 le mutant dans l'intérêt du service sur le secteur de Briey, M. A s'est désisté de ses conclusions d'annulation dirigées contre ces deux décisions, qu'il avait formées devant le Tribunal administratif de Nancy ; que, par ordonnance du 30 avril 2008, le vice-président du tribunal lui a donné acte de ce désistement ; que M. A était, nonobstant ce désistement relatif à ses conclusions d'excès de pouvoir, recevable à rechercher la responsabilité de l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle, dénommé désormais Meurthe-et-Moselle Habitat, à raison des illégalités fautives que constitueraient ces décisions ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'intimé doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : - la rétrogradation (...) ;

Considérant que M. A, adjoint technique territorial de 1ère classe, était gestionnaire technique de patrimoine employé par l'Office public d'aménagement et de construction de Meurthe-et-Moselle depuis le 1er mars 1975 ; qu'à ce titre, il devait assurer le suivi technique des logements et des parties communes des immeubles qui lui étaient affectés au rang desquels figure la tour Turenne à Longwy ; qu'il résulte des termes clairs de sa fiche de poste qu'il devait contrôler l'état des parties communes, recenser les dysfonctionnements et désordres, affectant notamment la sécurité, et y remédier ; que, le 19 juin 2007, un enfant de 2 ans a chuté dans la cage d'escalier de la tour Turenne en passant entre les barreaux du garde-corps de l'escalier situé au 7ème étage, l'absence d'un barreau laissant un espace de 23 centimètres de largeur ; qu'averti le 20 juin suivant de cet état de fait par la gardienne d'immeuble, M. A n'a pas réagi jusqu'au 26 juin 2007, date à laquelle il a entrepris de sécuriser le site ; qu'après l'avoir suspendu de mi-juillet au 21 septembre 2007 puis laissé sans affectation, par décision du 4 octobre 2007, le directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat a pris à son encontre la sanction disciplinaire de rétrogradation au grade d'adjoint technique principal de 2ème classe en raison des carences dont il a fait preuve, à compter de sa connaissance le 20 juin 2007 dudit accident, dans l'information de sa hiérarchie et ... dans son devoir de prévention des risques et de mise en sécurité des lieux ; que, par décision du 12 octobre 2007, dans l'intérêt du service, la même autorité a muté M. A sur le secteur de Briey à compter du 12 novembre 2007 en qualité d'ouvrier technique polyvalent, poste vacant qui correspondait à son nouveau grade d'adjoint technique de 2nde classe ;

Considérant que la négligence dont M. A s'est rendu coupable, et dont il ne nie pas la réalité, constitue une faute disciplinaire ; que, toutefois, eu égard aux états de service anciens et satisfaisants de M. A, attestés notamment par la bonne notation qui lui a été attribuée au titre de l'année 2006 et par l'absence d'autres incidents allégués qui auraient émaillé sa carrière longue de 32 ans, la sanction de rétrogradation est en revanche disproportionnée au regard de la gravité des faits reprochés à l'intéressé ; que, d'ailleurs, le conseil de discipline, qui a rendu un avis le 21 septembre 2007, n'a proposé l'infliction que d'un avertissement à l'appelant ; qu'au surplus, suite au recours pour excès de pouvoir formé par M. A devant le Tribunal administratif de Nancy, le directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat, qui souhaitait initialement le révoquer, a spontanément, par arrêté du 18 février 2008, retiré la sanction disciplinaire infligée à M. A sans même en reprendre une d'une sévérité moindre ; qu'il s'ensuit que la décision du 4 octobre 2007 infligeant une rétrogradation à M. A était, pour ce motif, illégale ; que le changement d'affectation décidé le 12 octobre 2007 dans l'intérêt du service, en raison de l'absence de poste correspondant au nouveau grade d'adjoint technique territorial de 2nde classe détenu par l'appelant, est, par voie de conséquence, lui-même illégal ; que, d'ailleurs, par décision du 22 février 2008, le directeur général de Meurthe-et-Moselle Habitat a réaffecté M. A sur le secteur de Longwy ; que ces deux décisions portant rétrogradation et mutation sont ainsi fautives et de nature à engager la responsabilité de Meurthe-et-Moselle Habitat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a jugé qu'il n'établissait pas l'existence d'une faute commise par Meurthe-et-Moselle Habitat ;

Sur le préjudice :

Considérant que, domicilié à Longlaville, M. A a été contraint de se rendre à Briey du 12 novembre 2007 à la fin du mois de février 2008 ; que ces déplacements ont généré des frais, partiellement justifiés par les pièces qu'il a produites en première instance, dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à 1 500 euros ; que, par ailleurs, tant la sanction qui lui a été infligée que son changement d'affectation lui ont causé des troubles dans ses conditions d'existence, eu égard notamment à l'état dégradé de santé de sa mère dont il s'occupe, dont il sera fait une juste réparation en lui accordant une somme de 5 000 euros ; qu'en revanche, M. A ne démontre pas avoir dû exposer des frais pour assurer sa défense devant le conseil de discipline, ni subir une perte financière en raison de l'annulation d'un voyage en Italie ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Meurthe-et-Moselle Habitat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Meurthe-et-Moselle Habitat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du 17 mars 2009 du Tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : Meurthe-et-Moselle Habitat est condamné à verser à M. A la somme de 6 500 euros (six mille cinq cents euros) en réparation de ses préjudices.

Article 3 : Meurthe-et-Moselle Habitat versera à M. A une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de Meurthe-et-Moselle Habitat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Laurent A et à Meurthe-et-Moselle Habitat.

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09NC00778


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00778
Date de la décision : 08/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : KROELL O. et J.T.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-04-08;09nc00778 ?
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