La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2010 | FRANCE | N°09NC00742

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 avril 2010, 09NC00742


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 mai 2009 pour la photocopie et le 22 mai 2009 pour l'original, présentée pour la COMMUNE DE FLORIMONT, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, ..., par Me Rouquet ; la COMMUNE DE FLORIMONT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800038 en date du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser une somme de 50 187,60 euros à la société Aviva Assurances en réparation du préjudice subi par M. et Mme , dans les droits desquel

s elle est subrogée, à la suite des inondations que leur habitation a subi...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 19 mai 2009 pour la photocopie et le 22 mai 2009 pour l'original, présentée pour la COMMUNE DE FLORIMONT, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville, ..., par Me Rouquet ; la COMMUNE DE FLORIMONT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800038 en date du 19 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamnée à verser une somme de 50 187,60 euros à la société Aviva Assurances en réparation du préjudice subi par M. et Mme , dans les droits desquels elle est subrogée, à la suite des inondations que leur habitation a subies ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Aviva Assurances devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la société Aviva Assurances sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La COMMUNE DE FLORIMONT soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu sa responsabilité sur le terrain des dommages de travaux publics ; à aucun moment, l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Belfort n'a émis l'hypothèse qu'un ouvrage public serait à l'origine du sinistre ;

- son éventuelle responsabilité n'a été évoquée qu'au stade de la délivrance du permis de construire pour n'avoir pas attiré l'attention des constructeurs sur les risques d'inondation ;

- les causes exclusives des inondations du sous-sol de l'habitation sont le non-respect des prescriptions du certificat d'urbanisme et des cotes de hauteur de la construction par rapport au niveau du sol prescrites par le permis de construire ;

- le jugement du Tribunal de grande instance de Belfort en date du 27 mars 2007 a retenu la seule responsabilité de l'entreprise de construction ;

- aucune habitation voisine de celle des époux n'a jamais subi d'inondation ;

- le certificat d'urbanisme du 28 avril 1999 et le permis de construire du 15 juillet 1999 ont été délivrés au nom de l'Etat ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2009, présenté pour la société Aviva Assurances par la SCPA ; elle conclut au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à la condamnation de la COMMUNE DE FLORIMONT à réparer l'intégralité du dommage, en lui versant une somme de 100 374, 12 euros, enfin, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE FLORIMONT sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- les désordres ont été causés par les eaux de ruissellement en provenance de la voie publique qui ont inondé le terrain des époux et le sous-sol de leur maison en période de fortes précipitations ;

- des inondations sont survenues les 4 mars 2001 et 15 novembre 2002 ;

- l'expert judiciaire a confirmé, dans une correspondance en date du 18 mars 2003 adressée au maire de la commune, que les eaux de ruissellement en provenance de la voie publique se déversaient sur la propriété des époux ;

- un article de presse du 16 novembre 2002 mentionne ces ruissellements sur les propriétés riveraines de la voie ;

- les eaux de ruissellement ne sont ni canalisées par des bordures de trottoir implantées sur le côté de la route, ni recueillies par des exutoires ;

- la COMMUNE DE FLORIMONT n'a pas pris les mesures que les dispositions de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales lui imposaient d'adopter ; elle a seulement diligenté en 2002 une étude en vue d'assurer les travaux de pose d'un collecteur et de bordures de trottoirs pour canaliser ces eaux ;

- la responsabilité de la commune est également engagée pour n'avoir pas informé les époux des risques d'inondabilité de leur terrain, alors qu'un plan de prévention des risques d'inondation était en cours d'élaboration au moment de la délivrance du permis de construire et que le permis de construire n'est assorti d'aucune prescription spéciale concernant l'implantation de la maison ;

- elle avait déjà mis en cause la responsabilité de la commune dans le cadre de la procédure judiciaire, s'agissant d'un dommage permanent de travaux publics ;

- des contraintes techniques et juridiques ont obligé le constructeur à implanter la maison dans la partie médiane du terrain, du fait de la proximité d'une cuve à eau sur la parcelle voisine, de deux servitudes et du passage d'une ligne à haute tension ;

- l'indemnité sollicitée excède le montant de la condamnation prononcée par le TGI en raison de l'indexation de la somme en principal sur le coût de la construction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 octobre 2009, présenté pour la COMMUNE DE FLORIMONT ; la commune conclut aux mêmes fins que la requête et soutient en outre que :

- l'expert n'évoque pas des eaux de ruissellement ;

- il n'y aurait pas eu d'inondation si le constructeur avait respecté les prescriptions des documents d'urbanisme ;

- l'expert a conclu qu'il aurait été possible de concevoir un autre projet en tenant compte des contraintes existantes ; aucune raison technique valable ne justifie l'implantation basse de la maison ;

- seule la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée si les documents d'urbanisme devaient être regardés comme incomplets ;

- l'appel incident de la société Aviva Assurances est irrecevable, faute de moyens ;

- les dommages subis par les époux se sont produits lors des crues de la rivière ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 13 novembre 2009, présenté pour la société Aviva Assurances, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire en défense et soutient en outre que :

- l'expert a prévu la réalisation de travaux, à caractère provisoire, en provenance de la voie publique ; ainsi, il a évoqué la responsabilité de la commune ;

- la juridiction administrative n'est pas liée par le jugement du TGI de Belfort pour examiner la responsabilité de la commune dans la survenance des désordres ;

Vu la lettre en date du 4 mars 2010 par laquelle les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de relever un moyen d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 mars 2010, présenté pou,r la société Aviva Assurances ; elle soutient que la faute commise par la commune, en n'informant pas les époux des risques d'inondations, a été soulevée en première instance dans son mémoire en réplique du 28 juillet 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Kern, avocat de la COMMUNE DE FLORIMONT, et de Me Teixeira, avocat de la SA Aviva Assurances ;

Sur l'appel principal :

Considérant que M. et Mme ont fait édifier une maison d'habitation par l'entreprise Bat-Imm sur un terrain situé sur le territoire de la COMMUNE DE FLORIMONT et dont la réception a été prononcée le 4 août 2000 ; que le sous-sol de cette habitation a été inondé à trois reprises, le 4 mars 2001, durant l'été 2001 et le 15 novembre 2002 ; que, par jugement du 27 mars 2007, le tribunal de grande instance de Belfort a condamné in solidum l'entreprise Bat-Imm et la société Aviva Assurances, son assureur, à verser à M. et Mme , une indemnité de 78 410 euros indexée sur l'indice du coût de la construction pour réparer les dommages causés à leur habitation par ces inondations ; que la société Aviva Assurances, subrogée dans les droits de M. et Mme , a recherché la responsabilité de la COMMUNE DE FLORIMONT en faisant valoir que les dommages qu'elle a été condamnée à réparer trouvaient leur origine dans l'insuffisance des équipements communaux pour contenir le ruissellement des eaux à partir de la voie publique ; que, par jugement du 19 mars 2009, le Tribunal administratif de Besançon a retenu la responsabilité de la commune sur le fondement des dommages de travaux publics causés aux époux , tout en atténuant celle-ci à hauteur de 50 % à raison de la faute commise par les intéressés, dont l'immeuble ne respectait pas les cotes d'altimétrie fixées par le permis de construire ; que la COMMUNE DE FLORIMONT relève appel de ce jugement en tant qu'il ne l'a pas mise hors de cause cependant que, par voie d'appel incident, la société Aviva Assurances demande la condamnation de la commune à réparer l'intégralité des conséquences dommageables des inondations ;

Considérant que les premiers juges ont attribué l'origine des inondations au déversement sur la propriété des époux des eaux de ruissellement en provenance de la rue de Courcelles, voie publique située en amont de leur immeuble, qui ne comprend pas d'installation propre à recueillir les eaux et à en assurer l'écoulement ; que ces désordres ne sont toutefois de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune à l'égard de M. et Mme , qui ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage, que si l'existence d'un lien de causalité est établie entre les dommages subis et cet ouvrage ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert en date du 9 juin 2005 désigné par ordonnance du Tribunal de grande instance de Belfort en date du 25 juillet 2002, que les inondations du sous-sol de l'habitation de M. et Mme trouveraient leur origine dans le déversement des eaux de ruissellement en provenance de la voie publique ; qu'un article de la presse locale, publié le 16 novembre 2002, évoquant les ruissellements d'eau à partir de cette voie publique sur les propriétés riveraines ne peut constituer, en raison de son imprécision, une justification probante du lien de cause à effet entre le défaut d'aménagement allégué de l'ouvrage et le dommage ; que si l'expert a préconisé, dans les travaux à prévoir pour mettre fin aux désordres, de réaliser des travaux, au demeurant peu importants, d'un coût de 990 euros toutes taxes comprises, sur la propriété pour éviter un tel déversement des eaux en provenance de la voie publique, cette mention, qui ne repose sur aucun constat ni aucune démonstration et qui correspond d'une manière générale aux précautions qui doivent être prises pour des terrains exposés à de tels risques, ne peut suffire à elle seule à établir l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et les dommages litigieux ; que, par suite, la COMMUNE DE FLORIMONT est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a retenu sa responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics ;

Sur l'appel incident de la société Aviva Assurances :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE FLORIMONT :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du rapport de l'expert, dont les conclusions ont été reprises par le jugement susrappelé du Tribunal de grande instance de Belfort, que les inondations ayant affecté l'immeuble de M. et Mme , dont il n'est pas contesté qu'il a été le seul à en avoir été victime, sont exclusivement imputables à la méconnaissance des cotes d'altimétrie prévues par le permis de construire, qui l'expose ainsi aux crues de la rivière voisine ; que si la société Aviva Assurances fait valoir que des contraintes de divers ordres auraient amené le constructeur à implanter l'immeuble en partie centrale du terrain alors que le certificat d'urbanisme délivré par le préfet prescrivait une implantation en partie haute, cette circonstance est en tout état de cause insusceptible d'engager la responsabilité de la COMMUNE DE FLORIMONT .

Considérant, en deuxième lieu, que si la société Aviva Assurances invoque la faute de la COMMUNE DE FLORIMONT en tant que le maire, lequel doit pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale, en application du 5° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, aurait fait preuve de carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police, un tel moyen ne peut qu'être écarté, dès lors que, comme il a été dit plus haut, il n'est pas établi que les dommages subis par l'habitation des époux auraient pour origine le défaut d'aménagement de la voie publique ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société Aviva Assurances invoque en appel la faute qu'aurait commise la commune de FLORIMONT en n'informant pas les époux des risques d'inondation, ces prétentions reposent sur une cause juridique distincte de celle tirée du dommage de travaux publics présentée dans le délai du recours contentieux et qui fondait l'action de la société Aviva Assurances devant les premiers juges ; qu'elle constitue une demande nouvelle que la société Aviva assurances n'est pas recevable à présenter pour la première fois devant la Cour ;

Considérant, en dernier lieu, que le permis de construire accordé aux époux ayant été délivré par le maire au nom de l'Etat, le moyen tiré de la faute de la commune pour n'avoir pas assorti le permis de construire de prescriptions spéciales relatives au risque d'inondation ne peut en tout état de cause qu'être écarté ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que la COMMUNE DE FLORIMONT n'étant pas partie perdante dans la présente l'instance, les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'elle soit condamnée à verser à la société Aviva Assurances la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit à la demande présentée sur le fondement des mêmes dispositions par la COMMUNE DE FLORIMONT et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la société Aviva Assurances ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 19 mars 2009 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Aviva Assurances devant le Tribunal administratif de Besançon est rejetée ainsi que son appel incident et ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Aviva Assurances versera une somme de 1 500 euros à la COMMUNE DE FLORIMONT en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE FLORIMONT et à la société Aviva Assurances.

''

''

''

''

2

N°09NC00742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00742
Date de la décision : 08/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : KERN BRUNO SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-04-08;09nc00742 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award