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08/04/2010 | FRANCE | N°09NC00454

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 avril 2010, 09NC00454


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2009, présentée pour Mme , demeurant ...), par Me Gilles ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700196 du 27 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme 38 317 euros en réparation des divers préjudices qu'elle a subis, ainsi que ses enfants, à la suite d'un signalement pour maltraitance et d'une demande de protection judiciaire, initiés par l'assistante sociale du collège du Haut-de-Penoy à Vandoeuvr

e-lès-Nancy ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 31...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 25 mars 2009, présentée pour Mme , demeurant ...), par Me Gilles ; Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700196 du 27 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme 38 317 euros en réparation des divers préjudices qu'elle a subis, ainsi que ses enfants, à la suite d'un signalement pour maltraitance et d'une demande de protection judiciaire, initiés par l'assistante sociale du collège du Haut-de-Penoy à Vandoeuvre-lès-Nancy ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 38 317 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur certains moyens ; le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la faute que constitue le défaut d'enquête médico-sociale et d'évaluation de la réalité des faits qui devaient précéder le signalement ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que n'existait pas de lien de causalité entre la demande de protection judiciaire présentée le 24 juin 2002 et les préjudices invoqués ; la demande est clairement formulée dans le rapport d'audition des parents qui s'est tenue le 27 mai 2002 ; Mlle est à l'origine de toute la procédure et notamment de la demande de protection judiciaire ;

- Mlle n'avait aucune raison d'opérer un signalement anonyme dès lors qu'elle est protégée par son administration dans l'exercice de ses fonctions ; elle n'avait pas à assister à la réunion qui s'est tenue le 27 mai 2002 ;

- Mlle , l'assistante sociale, a commis une faute de service en ne respectant pas les dispositions de l'article 2 du décret n° 91-783 du 1er août 1991 ; avant d'opérer un signalement à la cellule de l'enfance maltraitée accueil ( CEMA), celle-ci devait apprécier le danger pesant éventuellement sur sa fille Elsa et faire effectuer un examen médico-psychologique et un diagnostic ou une enquête sociale, comme ceci est prescrit par l'éducation nationale et les règles déontologiques ; elle n'a jamais refusé de collaborer ; le seul fait relaté par Noémie Collin, une amie d'Elsa, en mars 2002, n'avait aucun caractère de gravité ; Noémie était revenue le lendemain pour le souligner ; elle a seulement tenté de mettre un coup de pied aux fesses de sa fille qui n'a du reste pas atteint son but ; d'ailleurs, l'assistante sociale n'a réagi qu'en mai 2002 ; le professeur principal d'Elsa a constaté que sa situation avait évolué favorablement au cours de l'année 2002 ; Elsa a nié les faits relatés dans le compte rendu d'entretien qu'elle a eu avec Mlle ; elle l'a précisé à Mme Viana, éducatrice missionnée au cours de l'investigation d'orientation éducative ; le simple fait que Mlle ait bénéficié d'un non-lieu pour dénonciation calomnieuse au sens des dispositions de l'article 226-10 du code pénal est sans emport sur l'existence d'un manquement à ses obligations professionnelles ; Mlle a agi de manière isolée ; elle s'est présentée seule à l'entretien du 27 mai 2002 ; une intervention du médecin scolaire était nécessaire ; elle est prévue par les dispositions des articles L. 541-1 et L. 542-2 du code de l'éducation ; les médecins consultés ultérieurement ont constaté le bon état de santé d'Elsa, qui ne subissait aucune brimade ; d'ailleurs aucune mesure n'a été finalement prise ni par le président du conseil général sur le fondement des dispositions de l'article 68 de la loi

n° 89-487 du 10 juillet 1989, ni par le juge des enfants ;

- la demande de protection judiciaire a été élargie à son fils Florian, qui n'avait fait l'objet d'aucun signalement ;

- le recteur ne peut s'estimer tenu de procéder à un signalement au procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale alors qu'un coup de pied aux fesses ne constitue en aucun cas un délit ; Mlle n'avait pas à signaler une quelconque maltraitance aux services judiciaires ;

- elle a subi des préjudices nombreux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2009, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas à répondre à chacun des arguments de l'appelante ; il n'est tenu que de répondre aux moyens soulevés, ce qu'il a fait, puisqu'il a jugé que Mlle n'avait pas commis de faute de service ;

- le devoir de signalement prévu par l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale devait jouer en l'espèce ; il appartient au juge pénal de qualifier juridiquement les faits ; la cellule de l'enfance maltraitée accueil a pour vocation d'être alertée ;

- le signalement opéré par Mlle à la CEMA n'avait pas à être précédé d'une enquête que la CEMA a justement pour rôle d'organiser, ni même d'une consultation du médecin scolaire ; le caractère anonyme du signalement avait pour objectif de protéger l'enfant qui avait dénoncé les faits ; la participation de l'assistante sociale à l'entretien avec les parents au cours de l'enquête conduite par la CEMA n'est pas fautive ; le signalement était justifié eu égard aux éléments laissant suspecter un cas de maltraitance ; le juge judiciaire a admis que n'existait aucune intention malveillante de la part de Mlle ;

- le signalement opéré le 7 mai 2002 n'est pas à l'origine de la demande de protection judiciaire datée du 26 juin 2002 du président du conseil général au procureur de la République ; les préjudices dont il est demandé réparation ne trouvent, en tout état de cause, pas leur origine dans l'information signalante de Mlle ;

- les demandes effectuées au titre du préjudice moral sont, en tout état de cause, surévaluées ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre portant clôture de l'instruction au 3 mars 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le décret n° 91-783 du 1er août 1991 relatif aux dispositions statutaires communes applicables aux corps d'assistants sociaux de service social des administrations de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Baro, pour Me Gilles, avocat de Mme ;

Sur la régularité du jugement attaqué:

Considérant que Mme soutient que le jugement serait insuffisamment motivé, dès lors que le tribunal ne se serait pas prononcé sur le moyen tiré des fautes que constitueraient de la part de Mlle , assistante sociale, le défaut d'enquête médico-sociale et d'évaluation de la réalité des faits qui devaient précéder le signalement à la cellule de l'enfance maltraitée, le fait d'avoir elle-même évalué la jeune Elsa alors qu'elle était à l'origine du signalement et le fait d'avoir élargi le signalement au jeune Florian alors que celui-ci n'a jamais été auditionné ni évalué ; que, toutefois, les premiers juges, qui n'ont pas à répondre à chacun des arguments invoqués par l'appelante, ont suffisamment motivé leur décision en précisant, d'une part, que l'assistante sociale n'avait, dans les circonstances de l'espèce, pas commis de faute en procédant à un signalement auprès de la cellule enfance maltraitée accueil , et, d'autre part, que la faute alléguée consistant à ne pas avoir procédé à une vérification des faits et à l'évaluation sociale de la famille de l'enfant, antérieure à la demande de protection judiciaire et à la saisine du juge des enfants par le procureur de la République, n'était pas la cause directe des préjudices subis par la requérante et ses enfants ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles : Le président du conseil général met en place, après concertation avec le représentant de l'Etat, un dispositif permettant de recueillir en permanence les informations relatives aux mineurs maltraités et de répondre aux situations d'urgence, selon les modalités définies en liaison avec l'autorité judiciaire et les services de l'Etat dans le département ; qu'aux termes de l'article L. 226-4 du même code : Lorsqu'un mineur est victime de mauvais traitements ou lorsqu'il est présumé l'être, et qu'il est impossible d'évaluer la situation ou que la famille refuse manifestement d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil général avise sans délai l'autorité judiciaire et, le cas échéant, lui fait connaître les actions déjà menées auprès du mineur et de la famille concernés ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 1er août 1991 : les assistants de service social exercent les fonctions visant à aider les personnes, les familles ou les groupes connaissant des difficultés sociales, à faciliter leur insertion et à rechercher les causes qui compromettent l'équilibre psychologique, économique ou social de ces populations. Ils mènent toutes actions susceptibles de prévenir et de remédier à ces difficultés dans le cadre de la politique d'action sanitaire et sociale du ministère dont ils relèvent ; qu'aux termes de l'article 434-3 du code pénal : Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance ... de mauvais traitements ... infligés à un mineur de quinze ans ... de ne pas informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.. ;

Considérant, d'une part, qu'en mars 2002, Mlle , assistante sociale scolaire au collège du Haut-de-Penoy à Vandoeuvre-lès-Nancy, a été informée par une amie d'Elsa Merle qu'elle avait assisté à des coups portés à celle-ci par sa mère ; qu'elle s'est entretenue avec Elsa, qui a admis le comportement parfois violent de sa mère, même si elle s'est partiellement rétractée ultérieurement ; que, dans ces conditions, conformément aux dispositions précitées de l'article 2 du décret susvisé du 1er août 1991 et de l'article 434-3 du code pénal, elle disposait d'informations présentant un degré suffisamment élevé de vraisemblance pour opérer, le 7 mai 2002, un signalement auprès de la cellule enfance maltraitée accueil, mise en place par le conseil général de Meurthe-et-Moselle conformément aux dispositions précitées de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles et ceci quand bien même, par jugement ultérieur du 13 janvier 2003, le juge des enfants du Tribunal de grande instance de Nancy a décidé qu'il n'y avait pas lieu à intervention au titre de l'assistance éducative à l'égard des enfants Merle ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de conduire une enquête sociale ou de consulter le médecin scolaire avant de procéder à cette démarche ; qu'elle n'a donc pas agi avec précipitation ; qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait méconnu les dispositions d'une plaquette portant sur la protection de l'enfance, qui est en tout état de cause, dépourvue de toute valeur réglementaire ; que, d'ailleurs, par ordonnance du 24 mai 2005 confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Nancy en date du 20 avril 2006, le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Nancy a rendu une ordonnance de non-lieu à la suite de la plainte déposée par les époux , considérant que Mlle ne s'était pas rendue coupable du délit de dénonciation mensongère prévu par l'article 226-10 du code pénal ;

Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit d'informer anonymement la cellule enfance maltraitée accueil mise en place par le conseil général de Meurthe-et-Moselle ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction que

Mlle a procédé de la sorte afin de protéger l'amie d'Elsa qui l'avait informée en mars 2002 et qui avait conscience de la portée de son témoignage ;

Considérant, enfin, qu'il ne peut être reproché à Mlle d'avoir participé le 27 mai 2002, en sa qualité d'assistante sociale scolaire en poste dans le collège fréquenté par Elsa, à une réunion avec les parents d'Elsa, organisée dans le cadre de l'enquête diligentée par les services du conseil général ; qu'elle n'est pas davantage responsable des suites que le président du conseil général de Meurthe-et-Moselle et la procureur de la République ont entendu donner à l'enquête administrative qui avait été conduite ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle n'ayant commis aucune faute de service susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme 38 317 euros en réparation des divers préjudices qu'elle a subis, ainsi que ses enfants, à la suite d'un signalement pour maltraitance et d'une demande de protection judiciaire initiés par l'assistante sociale du collège du Haut-de-Penoy à Vandoeuvre-lès-Nancy ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et au ministre de l'éducation nationale.

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N° 09NC00454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00454
Date de la décision : 08/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-04-08;09nc00454 ?
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