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18/02/2010 | FRANCE | N°08NC01722

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 18 février 2010, 08NC01722


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 novembre 2008, présentée pour M. Jeton A, demeurant chez M. B, ..., par Me Roussel ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803498 du 27 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 11 juillet 2008 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'autre part, à ce que le préfet soit enjoint de lui délivre

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 novembre 2008, présentée pour M. Jeton A, demeurant chez M. B, ..., par Me Roussel ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803498 du 27 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 11 juillet 2008 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination, d'autre part, à ce que le préfet soit enjoint de lui délivrer une carte temporaire de séjour en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre le préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte temporaire de séjour en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- il est également insuffisamment motivé ;

- il aurait dû bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, compte tenu des séquelles psychologiques liées aux dangers qu'il encourt dans son pays d'origine ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté litigieux n'avait pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : il est hébergé en Alsace par un compatriote, est complètement coupé du Kosovo, a des attaches fortes en France et dispose d'une promesse d'embauche ;

- l'illégalité du refus de séjour emporte celle de l'obligation de quitter le territoire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision fixant le pays de destination ne violait pas les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il risque d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine, le Kosovo, où il est menacé en raison d'un grave conflit opposant sa famille à un habitant d'un village voisin à propos de l'acquisition d'un terrain ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 février 2009, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que les moyens du requérant ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 23 janvier 2009, admettant M. A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2010 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que M. A, ressortissant du Kosovo, est entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses dires, le 27 octobre 2006 ; qu'il a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, qui lui a été refusé par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 16 février 2008, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 3 juillet suivant ; que le préfet du Haut-Rhin a pris à son encontre, le 11 juillet 2008, d'une part, une décision, assortie de l'obligation de quitter le territoire français, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, une décision fixant le Kosovo, ou tout autre pays où l'intéressé serait légalement admissible, comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que M. Pierre Boltz, directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture du Haut-Rhin, a, par arrêté en date du 21 janvier 2008 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, reçu délégation du préfet du Haut-Rhin pour signer notamment les décisions de refus de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été signé par une personne n'ayant pas régulièrement reçu délégation à cette fin ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé un titre de séjour à M. A comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7... ; qu'il est constant que M. A n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; que l'administration n'était pas tenue d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ; que, par suite, le moyen tiré par l'intéressé de ce que l'administration aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit: (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ; que M. A n'invoque à l'appui de son moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées que des arguments déjà présentés devant le Tribunal administratif de Strasbourg ; que ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges, qui n'ont pas commis d'erreur en estimant que la décision attaquée n'avait pas méconnu les stipulations précitées et n'était pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A, par ailleurs célibataire et sans enfant ; que la circonstance que le requérant dispose désormais d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à lui donner droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation... ; qu'ainsi, le préfet du Haut-Rhin n'était pas tenu de motiver l'obligation de quitter le territoire français à la date de l'arrêté litigieux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A, doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que M. A n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de séjour propre à faire ressortir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; que si le requérant soutient que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions précitées, dès lors qu'il risque d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine, le Kosovo, où il serait menacé en raison d'un grave conflit opposant sa famille à un habitant d'un village voisin à propos de l'acquisition d'un terrain, il ne ressort ni de son récit présenté à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés, ni d'aucune autre pièce versée au dossier que l'intéressé serait personnellement exposé à un risque pour sa vie ou sa liberté ou à des traitements prohibés par les dispositions précitées en cas de retour au Kosovo ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à ce que le préfet soit enjoint de lui délivrer une carte temporaire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent être accueillies ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jeton A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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08NC01722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01722
Date de la décision : 18/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-02-18;08nc01722 ?
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