La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2010 | FRANCE | N°08NC01480

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 11 février 2010, 08NC01480


Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2008, et les mémoires complémentaires enregistrés le 16 décembre 2009 et le 15 janvier 2010, présentés pour la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, à Aubigny-Les-Pothées (08150), par la SELARL Huglo, Lepage et associés ;

La COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0502727, 0600609, 0701299 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 6 août 2008 en tant qu'il a rejeté les recours en

annulation dirigés contre les décisions implicites de rejet des demandes indemnita...

Vu la requête, enregistrée le 3 octobre 2008, et les mémoires complémentaires enregistrés le 16 décembre 2009 et le 15 janvier 2010, présentés pour la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, à Aubigny-Les-Pothées (08150), par la SELARL Huglo, Lepage et associés ;

La COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES demande à la Cour :

1°) d'annuler les jugements n° 0502727, 0600609, 0701299 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 6 août 2008 en tant qu'il a rejeté les recours en annulation dirigés contre les décisions implicites de rejet des demandes indemnitaires adressées respectivement à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières et à la commune de Charleville-Mézières ;

2°) à titre principal, annuler les décisions de rejet de ses demandes indemnitaires et condamner, sur le fondement de la responsabilité pour faute et, à titre subsidiaire, sans faute, la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières à lui verser la somme de 9 707 339,20 € de dommages et intérêts ou, si la Cour estimait que la commune de Charleville-Mézières restait responsable pour la période antérieure à 2005, de condamner cette dernière à lui verser la somme de 8 030 000 € de dommages et intérêts et de réduire en conséquence l'indemnité due par la communauté d'agglomération à la somme de 1 677 391,20 € ;

3°) le versement des intérêts légaux de ces sommes à compter de la réception de la demande préalable et la capitalisation de ces intérêts due à l'expiration d'une année à compter de l'introduction du recours en annulation ;

4°) de condamner la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières et la commune de Charleville-Mézières à lui verser, chacune, la somme de 5 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la convention du 16 décembre 1935 est caduque dès lors qu'elle ne prévoit pas de terme et que ses conditions d'exécution ont complètement été modifiées ;

- l'absence de terme au sein de la convention méconnaît les principes fondamentaux du Traité de la communauté, le principe de non-discrimination et porte atteinte aux principes régissant le domaine public ;

- la communauté d'agglomération a irrégulièrement prélevé de l'eau potable, a occupé illégalement les ouvrages appartenant au domaine public de la commune et a réalisé des travaux sans autorisation ;

- elle a subi un préjudice du fait de la non-perception de la redevance d'occupation du domaine public dont la réparation se monte à 12 600 € ;

- la communauté d'agglomération n'a pas maintenu en bon état les équipements de la Grande Fontaine et le branchement au réseau d'alimentation de la commune, ce qui nécessitera une remise en état de ces ouvrages pour laquelle elle demande à être indemnisée par le versement de la somme de 30 000 € ;

- l'utilisation de la source par la communauté d'agglomération a bouleversé l'économie de la convention conclue en 1935 justifiant une indemnisation ;

- elle subit un préjudice anormal et spécial du fait du prélèvement par la communauté d'agglomération, dont elle n'est pas membre, d'une quantité importante de l'eau émanant de ses ouvrages ;

- si la communauté de communes ne devait pas être regardée comme s'étant substituée en totalité à la commune, il convient d'opérer un partage de responsabilité entre l'établissement public et la collectivité ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu les observations, enregistrées le 10 février 2009, présentées pour l'Etat par le préfet des Ardennes ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 08 décembre 2009, présenté pour la commune de Charleville-Mézières, représentée par son maire, par Me Pugeault ; elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES le paiement de la somme de 20 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, dirigée contre elle, la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 08 décembre 2009, présenté pour la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières représentée par son maire, par Me Pugeault ; elle conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES le paiement de la somme de 20 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité CE ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2010 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Benech, avocat de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES ;

Sur la responsabilité de la commune de Charleville-Mézières :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur : Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice. (...) Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés. Il entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5.(...) ; qu'aux termes de l'article L. 1321-5 du même code : Lorsque la collectivité antérieurement compétente était locataire des biens mis à disposition, la collectivité bénéficiaire du transfert de compétences succède à tous ses droits et obligations. Elle est substituée à la collectivité antérieurement compétente dans les contrats de toute nature que cette dernière avait conclu pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens mis à disposition ainsi que pour le fonctionnement des services. La collectivité antérieurement compétente constate cette substitution et la notifie à ses cocontractants. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la compétence eau de la commune de Charleville-Mézières a été transférée à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières à compter du 1er janvier 2005 ; que cette dévolution a emporté transfert des droits et obligations qui y sont attachés ; que la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES ne peut dès lors plus rechercher la responsabilité de la commune de Charleville-Mézières du fait du fonctionnement de ce service, même pour des faits antérieurs au 1er janvier 2005 ; que les conclusions de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES tendant à la condamnation de la commune de Charleville-Mézières à raison du service de distribution d'eau sont par suite mal dirigées et doivent être, pour ce motif, rejetées;

Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières :

Sur la responsabilité pour faute :

En ce qui concerne le prélèvement des eaux de Grande Fontaine :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une convention signée le 16 novembre 1935, approuvée par le préfet le 18 décembre 1935, la COMMUNE D'AUBIGNY et la commune de Charleville ont convenu que les immeubles et installations, réalisés par la COMMUNE D'AUBIGNY en vue de son alimentation en eau désignés : commune d'AUBIGNY, section B-Le Pré des saules- n° 93 p- et section C - Au dessus de la Grand Fontaine - nos 391 p ; 392 p ; 393 p - drains et galerie de captages - mur d'arrêt, regard de captage des eaux de la Grande Fontaine, regard de batterie du bélier, regard du bélier, conduite d'alimentation du regard de batterie, conduite de batterie, bélier hydraulique et ses accessoires, conduite de refoulement jusqu'au réservoir d'AUBIGNY seraient gérés par la commune de Charleville; qu'en contrepartie, cette commune s'est engagée à maintenir les ouvrages en bon état, à assurer l'alimentation suffisante du réservoir de la COMMUNE D'AUBIGNY et à verser la somme nette et forfaitaire de 125 000 F ; qu'il résulte de l'exposé des motifs de la convention que cette dernière avait pour objet de permettre à la commune de Charleville d'utiliser les eaux de fuite du bélier provenant de Grande Fontaine afin de renforcer son alimentation en eau en contrepartie de quoi elle s'engageait à assurer la gestion des équipements de captage et l'alimentation en eau d'AUBIGNY en provenance de cette source ;

Considérant que la commune requérante soutient que c'est irrégulièrement que sont prélevées les eaux de Grande Fontaine, la convention de 1935 étant devenue, selon elle, caduque en raison, d'une part, de l'absence de toute clause fixant un terme à sa durée et, d'autre part, de la modification substantielle de son exécution résultant de l'augmentation du prélèvement d'eau imputable à la substitution de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières à la commune de Charleville-Mézières ;

Considérant d'une part, que la convention liant la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES à la commune de Charleville-Mézières a été conclue entre ces deux personnes publiques dans le but d'organiser leurs services publics de distribution d'eau potable, de répartir les prélèvements d'eau de la source de la Grande Fontaine tout en garantissant à la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES l'alimentation de son réservoir ; qu'aucun principe régissant le fonctionnement du service public n'impose qu'une telle convention, qui ne présente pas les caractères d'une délégation de service public au sens de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales précité, comporte un terme déterminé ; que, contrairement à ce que soutient la commune requérante, l'absence de terme au sein de ce type de convention, eu égard à son objet, ne méconnaît ni les principes fondamentaux du traité CE, ni le principe de non discrimination ; qu'elle ne peut enfin faire obstacle à l'application des règles d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité régissant le domaine public ; que par suite, la circonstance que la convention litigieuse ne comporte aucun terme ne l'entache pas de nullité, ni n'est, en tout état de cause, de nature à entraîner sa caducité ;

Considérant, d'autre part, que si le bouleversement de l'économie du contrat est susceptible de constituer une cause de résiliation du contrat ou de permettre une indemnisation de l'aggravation des charges d'un cocontractant à raison d'un fait extérieur aux parties, il ne constitue pas une cause de caducité ; que dès lors, la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que la convention en litige serait devenue pour ce motif caduque ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en procédant au prélèvement des eaux de Grande Fontaine sur la base de la convention du 18 décembre 1935, qui n'est ni entachée de nullité, ni devenue caduque, la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

En ce qui concerne l'occupation du domaine public :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les ouvrages de captage des eaux de Grande Fontaine, en ce qui concerne ceux situés sur les parcelles de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES, sont gérés, comme il a été dit ci-avant, par la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières en application de la convention approuvée le 18 décembre 1935 ; que la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES n'est dans ces conditions, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que ces parcelles seraient occupées irrégulièrement par l'établissement public, ni qu'elle aurait été privée irrégulièrement de la perception d'une redevance non prévue par ladite convention ou par une autre décision ; que s'agissant des ouvrages de captage des eaux de Fontaine Saint-Martin, non visés par la convention mais par la déclaration d'utilité publique du 9 mai 1936, la commune requérante n'établit pas qu'ils seraient situés sur son domaine public alors qu'il résulte de l'instruction que les parcelles concernées par ces ouvrages ont été acquises par la commune de Charleville et que les travaux de captage des eaux ont été réalisés par cette dernière ;

En ce qui concerne le non-respect des clauses de la convention :

Considérant, d'une part, que si la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES fait valoir que la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières aurait réalisé sur les ouvrages de captage concédés des travaux sans autorisation, aucune clause de la convention ne prévoit la nécessité d'une telle autorisation ;

Considérant, d'autre part, que la commune requérante produit dans le dernier état de ses écrits des photos qui attesteraient du mauvais entretien par la communauté d'agglomération des ouvrages dont elle a la gestion en méconnaissance de l'article 2 de la convention du 18 décembre 1935 ; qu'à supposer ce défaut d'entretien établi, la commune entend obtenir réparation des travaux qu'elle a effectués qui ont consisté en la pose d'un branchement électrique provisoire et l'installation d'un débitmètre ; qu'il résulte cependant de l'instruction que ces travaux ont été réalisés dans le cadre de l'expertise contradictoire ordonnée par le président du Tribunal administratif en vue de réaliser une analyse de l'eau au niveau du captage de la Grande Fontaine ; que le lien de causalité entre les fautes alléguées et les dépenses exposées n'est en conséquence pas établi ;

Considérant enfin que la seule circonstance que la porte donnant accès au captage soit fermée au moyen d'un cadenas, par mesure de protection, n'est pas à elle seule de nature à démontrer l'impossibilité pour la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES d'assurer la surveillance des ouvrages concédés ;

Sur la responsabilité sans faute fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques:

Considérant que la circonstance que la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières prélève, dans le cadre de l'exécution du contrat du 18 décembre 1935, qui ne prévoit aucun débit, une quantité d'eau jugée par la commune requérante trop importante, n'est en tout état de cause pas de nature à ouvrir droit à cette dernière, cocontractante, une indemnisation sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à charge de la commune de Charleville-Mézières et de la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières le paiement à la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES de la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la requérante, au bénéfice d'une part de la ville et d'autre part de la communauté d'agglomération, la somme de 2 000 € pour chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES versera à la commune de Charleville-Mézières et à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières, chacune, la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'AUBIGNY LES POTHEES, à la commune de Charleville-Mézières, à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières et au préfet des Ardennes.

''

''

''

''

2

08NC01480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01480
Date de la décision : 11/02/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE et ASSOCIÉS - SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-02-11;08nc01480 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award