Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 janvier 2008, complétée par un mémoire enregistré le 1er octobre 2009, présentée pour Mme Danielle A, demeurant ... L'Epine, par la SCP Duterme-Moittié, avocats ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 040523 en date du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 novembre 2003 du préfet de la Marne en tant qu'elle a autorisé M. B à exploiter 35 ha 33 a et 10 ca à l'Epine ;
2°) d'annuler la décision, en date du 19 novembre 2003 du préfet de la Marne ;
3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- son intérêt à agir à l'encontre de la décision attaquée est certain ; elle avait demandé l'autorisation d'exploiter les terres litigieuses mais les services de la préfecture n'y ont pas donné suite ; elle était le preneur en place à la date d'introduction de sa demande ;
- elle remplit les conditions fixées par l'article L. 411-34 du code rural et notamment la participation durant les cinq années précédant son décès à l'exploitation des terres de son époux M. A ;
- le préfet de la Marne a méconnu l'article L. 331-1 du code rural et le schéma directeur départemental en regardant la demande de M. B comme étant prioritaire alors que celui ci a donné de fausses indications de surfaces et empêché une bonne appréciation des priorités ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2009, présenté pour M. B, demeurant ..., par la SCP Fournier-Badré-Hyonne, avocats ; M. B conclut au rejet de la requête et à ce que soient mises à la charge de Mme A une somme de 3 000 euros pour procédure abusive et une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- Mme A n'a jamais justifié avoir déposé de demande concurrente à la sienne ; une demande n'a été formée par l'intéressée qu'à la date de 15 juin 2005 ; la demande qu'elle a déposée en 2003, incomplète, n'a jamais été régularisée et enregistrée ;
- Mme A ne peut être regardée comme preneur en place, qualité qui lui a été déniée par le tribunal paritaire des baux ruraux, dont le jugement a été confirmé en appel ; elle ne peut prétendre avoir participé durant les cinq années précédant son décès à l'exploitation des terres de M. A, cette situation n'ayant pas été reconnue par les juridictions judiciaires ;
- le préfet de la Marne a parfaitement respecté le schéma directeur départemental visant à conforter les exploitations familiales à responsabilité personnelle afin de constituer des exploitations d'une superficie comprise entre 0,65 et 1,4 fois l'unité de référence ; il exploitait 33 ha 93 a 13 ca dont 1 ha 20 a de fruits rouges, soit moins de 0,65 unité de référence ; Mme A ne peut y ajouter les autorisations d'exploiter obtenues postérieurement pour 35 ha 33 a et 90 ha 01 a ;
Vu, enregistré le 5 octobre 2009, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui conclut au rejet de la requête comme non fondée ;
Vu, enregistré le 1er décembre 2009, le mémoire présenté pour Mme A, par la SCP Duterme-Moittié, avocats ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 20 novembre 2009 ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 janvier 2010 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;
- et les observations de Me Duterme, avocate de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour demander l'annulation de la décision en date du 19 novembre 2003 du préfet de la Marne en tant qu'elle a autorisé M. B à exploiter 35 ha 33 a et 10 ca à l'Epine, Mme A faisait valoir qu'elle s'était déclarée candidate à la reprise des terres litigieuses et que cette demande a été soumise à l'examen de la commission départementale des structures agricoles de la Marne ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée établit sa candidature à l'exploitation des terres litigieuses et que, notamment, la décision attaquée susvisée du préfet de la Marne vise cette demande, pour l'écarter ; que Mme A justifiait ainsi d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2007, déclarant irrecevable sa demande pour défaut d'intérêt pour agir, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural applicable aux faits de l'espèce : L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. ; qu'aux termes du schéma directeur départemental des structures de la Marne : A - les orientations ont pour objectifs : 1 pour le secteur polyculture-élevage - (...) 1.2 - conforter par des agrandissements les exploitations familiales à responsabilité personnelle afin de constituer des exploitations d'une superficie comprise entre 0.65 et 1.4 fois l'unité de référence (...) ; 1.3 - maintenir le plus grand nombre d'exploitants en polyculture-élevage et éviter le démembrement ainsi que la disparition des exploitations d'une superficie au moins égale à 0.65 fois l'unité de référence ; 1.4 déterminer les conditions d'accès à la profession agricole des personnes physiques issues d'autres catégories sociales ou professionnelles (...) B - en fonction de ces orientations, les priorités sont ainsi définies : 1 pour le secteur polyculture-élevage : Les autorisations d'exploiter sont accordées selon l'ordre de priorité suivant (...) 1.4 agrandissement des exploitations dont la surface est inférieure à 0,65 fois l'unité de référence pour leur permettre d'atteindre ce seuil ; 1.5 agrandissement dont les exploitations dont la surface est inférieure à 1,4 fois l'unité de référence pour leur permettre d'atteindre ce seuil ; 1.6 autre installation ou agrandissement compte tenu de l'âge, de la situation familiale ou professionnelle du demandeur ; que l'unité de référence en polyculture a été fixée à 100 ha dans le département de la Marne par l'arrêté préfectoral en date du 29 janvier 2001 alors en vigueur ;
Considérant que la décision du 19 novembre 2003 du préfet de la Marne autorisant M. B à exploiter 35 ha 33 a et 10 ca à l'Epine se fonde sur l'orientation 1.2 et les priorités 1.4 et 1.5 du schéma directeur départemental des structures de la Marne ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B, exploitait, au moment de sa demande d'autorisation, 33 ha 93 a 13 ca dont 1 ha 20 a de fruits rouges, soit moins de 0,65 fois l' unité de référence ; qu'ainsi, il relevait de la priorité 1.4 du schéma directeur départemental ; que la candidature de Mme A, qui n'établit pas être exploitante agricole à la date de la décision attaquée, nonobstant le relevé produit émanant de la mutualité sociale agricole, relevait, à supposer même que sa candidature ne fut pas soumise à autorisation, de la priorité 1.6 ; que le préfet de la Marne n'a dès lors pas méconnu les priorités susmentionnées du schéma directeur départemental des structures de la Marne en autorisant, par la décision attaquée, M. B à exploiter à l'Epine 35 ha 33 a et 10 ca appartenant à Mme Morin, ainsi que 90 ha 01 a 60 ca appartenant à Mme C ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que le préfet de la Marne n'aurait pas informé Mme A de sa décision susvisée autorisant M. B à exploiter les terres litigieuses est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A tendant à l'annulation de la décision en date du 19 novembre 2003 du préfet de la Marne doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. B pour procédure abusive :
Considérant que le seul exercice du droit, qui appartient à toute partie à un litige, de relever appel d'un jugement qui lui est défavorable, ne saurait être constitutif d'un abus du droit d'agir en justice ; qu'au surplus, M. B n'établit pas l'existence du préjudice qu'il invoque ; que, par suite, les conclusions sus énoncées ne peuvent qu'être, en tout état de cause, rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 040523 du 8 novembre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B tendant à la condamnation de Mme A pour procédure abusive sont rejetées.
.
Article 4 : Les conclusions de Mme A et de M. B tendant à l'application de l'article L. 761 du code de justice administrative sont rejetées
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Danielle A, à M. B et au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Une copie sera adressée au préfet de la Marne.
''
''
''
''
4
08NC00052