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07/01/2010 | FRANCE | N°08NC00817

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 janvier 2010, 08NC00817


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juin 2008, complétée par mémoire enregistré le 11 février 2009, présentée pour le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, dont le siège est situé 64 rue Defrance à Vincennes (94682), par Me Cassel, avocat ;

Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601484 du 3 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à

lui rembourser la somme de 10 300 euros qu'il a versée à M. en réparation des...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juin 2008, complétée par mémoire enregistré le 11 février 2009, présentée pour le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, dont le siège est situé 64 rue Defrance à Vincennes (94682), par Me Cassel, avocat ;

Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601484 du 3 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 10 300 euros qu'il a versée à M. en réparation des préjudices que celui-ci a subis à la suite de violences dont il a été victime en service ;

2°) d'annuler la décision du 23 juin 2006 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui rembourser ladite somme ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 23 555 euros, avec intérêts de droit, à compter de la demande préalable pour la somme de 10 300 euros, et à compter du 31 août 2007 pour la somme de 13 255 euros ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité ; les premiers juges n'ont pas tenu compte du mémoire en réplique enregistré le 10 mars 2008 par télécopie alors même que la clôture d'instruction n'était pas intervenue ;

- l'Etat est tenu de réparer l'ensemble des préjudices qui sont consécutifs à l'agression dont a été victime M. , conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article 24 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée, repris par l'article 15 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ; les jurisprudences concernant les policiers sont transposables aux militaires ; en application des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale, il est subrogé dans les droits de M. ;

- M. a subi une incapacité permanente partielle de moins de 10% ; comme il n'a pas droit au versement d'une allocation temporaire d'invalidité, son incapacité permanente partielle doit être prise en compte sous une autre forme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 3 septembre 2008 et 9 mars 2009, présentés par le ministre de la défense, qui conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à la réduction des prétentions du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS ;

Il soutient que :

- le droit à réparation de M. ne serait intégral qu'en cas de faute commise par l'Etat ; la jurisprudence Brugnot du Conseil d'Etat qui modifie la règle du forfait de pension va dans ce sens ; l'Etat n'a pas à supporter le préjudice patrimonial subi par son agent, victime d'un accident de service ; les jurisprudences invoquées par le fonds appelant ne sont pas applicables au cas d'espèce dès lors que M. est militaire et non soumis aux dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le préjudice personnel de M. est faible ; il doit être indemnisé à hauteur de 1 250 €, soit 1 000 € au titre des souffrances physiques et 250 € au titre du préjudice esthétique ; l'Etat n'est pas lié par l'accord conclu entre le fonds appelant et M. ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 2009 :

- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M.Collier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Derer, pour le cabinet Cassel, avocat du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS.

Vu, enregistrée le 4 décembre 2009, la note en délibéré présentée pour le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS a produit par télécopie un mémoire en réplique, enregistré au greffe du tribunal le 10 mars 2008, et régularisé le 12 mars suivant, soit avant la clôture d'instruction ; qu'il résulte de la minute du jugement, qui ne vise pas ledit mémoire, que le Tribunal administratif de Besançon n'a pas pris en compte ce mémoire qui comportait des conclusions nouvelles, le fonds requérant ayant rehaussé ses conclusions indemnitaires ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Sur l'étendue des droits du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS :

Considérant qu'aux termes de l'article 706-11 du code de procédure pénale : Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes... ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, repris sous l'article 15 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 : Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, outrages, injures et diffamations dont ils peuvent être l'objet. / L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent faire l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Il est subrogé aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées aux victimes. (...) ;

Considérant que, le 2 juillet 2003, M. , gendarme affecté au peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie de Montbéliard, a été victime du tir d'un forcené retranché à son domicile qui l'a atteint au visage ; que, par ordonnance du 1er décembre 2004, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction près le Tribunal de grande instance de Montbéliard a mis une somme de 10 300 euros à la charge du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI), lequel l'a versée à M. ; que, par réclamation du 27 mars 2006, le FGTI a demandé au ministre de la défense de lui rembourser cette somme ; que, le 23 juin suivant, le ministre de la défense a refusé au motif qu'en l'absence de faute de l'Etat, un militaire victime d'un accident de service n'était susceptible de bénéficier d'une réparation complémentaire que pour les chefs de préjudice de caractère personnel, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ;

Considérant qu'un militaire victime d'une agression en service a droit au bénéfice de la protection instituée par les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 susvisée, repris sous l'article 15 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 ; qu'au titre de cette protection, il a droit à une indemnité complémentaire réparant son préjudice personnel, et notamment les souffrances physiques et morales ainsi que les préjudices esthétique et d'agrément, endurés du fait de l'agression ; qu'en revanche, quand bien même il n'a pas bénéficié de l'attribution d'une allocation temporaire d'invalidité ou d'une pension d'invalidité réparant l'atteinte à son intégrité physique, il ne peut prétendre à une indemnité complémentaire réparant son entier préjudice que si son préjudice corporel est imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, la subrogation dont bénéficie le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, en vertu des dispositions précitées de l'article 706-11 du code de procédure pénale, ne pouvant s'exercer que dans les même limites, l'appelant, qui n'invoque l'existence d'aucune faute de l'Etat dans la survenance de l'accident dont a été victime M. , le 3 juillet 2003, ne peut prétendre à être remboursé de l'indemnité réparant le préjudice autre que personnel de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 23 juin 2006 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui rembourser les sommes qu'il a versées à M. en réparation de son préjudice autre que personnel ;

Sur le préjudice :

Considérant que la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige auquel elle n'a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, et indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre de provision, d'indemnités ou d'intérêts ; que, par suite, le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS n'est pas fondé à opposer à l'Etat le constat d'accord conclu avec M. et daté du 25 juillet 2007, quand bien même celui-ci a été homologué le 27 août 2007 par le président de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction près le tribunal de grande instance de Montbéliard ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise médicale confiée au Dr , que, le 2 juillet 2003, M. a été atteint au visage par une vingtaine de plombs dont certains ont pénétré les globes oculaires ; que l'intéressé a été victime temporairement d'une incapacité fonctionnelle totale du 2 juillet au 5 octobre 2004, puis partielle du 6 octobre au 9 février 2004 due à la persistance pendant quelque temps d'une gêne liée à ses troubles visuels ; que ces déficits fonctionnels temporaires lui ont causé une perturbation dans ses conditions d'existence dont il sera fait juste appréciation en lui accordant une somme de 2 500 euros ;

Considérant que, postérieurement à la date de consolidation de son état, fixée au 9 février 2004, M. , qui reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 5 %, doit porter des verres correcteurs en raison d'un astigmatisme post-traumatique, ressent une gêne lorsqu'il est exposé à une forte luminosité et quelques douleurs rétro-oculaires inconstantes le soir ; que l'expert a arrêté ses souffrances physiques à 2 et son préjudice esthétique à 0,5 sur une échelle allant de 1 à 7 ; que l'appelant a vu sa carrière professionnelle réorientée, ne pouvant plus pratiquer d'interventions sur le terrain ; qu'il subit également une gêne dans la pratique de la plongée et du VTT et se voit interdire la pratique des sports de combat ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ses chefs de préjudice personnel permanent en les chiffrant à 10 000 euros ; que le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS est, dès lors, fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 12 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2006, date de réception de sa réclamation préalable ;

Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 avril 2008 est annulé.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense en date du 23 juin 2006 refusant de rembourser au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS les sommes que celui-ci a versées à M. en réparation de son préjudice autre que personnel sont rejetées.

Article 3 : L'Etat est condamné à verser au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS la somme de 12 500 euros (douze mille cinq cents euros), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2006.

Article 4 : L'Etat versera au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS devant le Tribunal administratif de Besançon et de ses conclusions formées devant la Cour est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS et au ministre de la défense.

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08NC00777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00817
Date de la décision : 07/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELAFA CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-01-07;08nc00817 ?
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