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12/11/2009 | FRANCE | N°08NC01250

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 12 novembre 2009, 08NC01250


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2008, présentée pour Mme Monique A, demeurant ..., par la SCP d'avocats Gaucher-Dieudonné-Niango ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602235 du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'établissement public communal pour personnes handicapées (EPCPH) de Rosières-aux-Salines à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle soutient avoir été l'objet ;

2°) de condamner l'EPCPH

de Rosières-aux-Salines à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son pr...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2008, présentée pour Mme Monique A, demeurant ..., par la SCP d'avocats Gaucher-Dieudonné-Niango ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602235 du 17 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à condamner l'établissement public communal pour personnes handicapées (EPCPH) de Rosières-aux-Salines à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle soutient avoir été l'objet ;

2°) de condamner l'EPCPH de Rosières-aux-Salines à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de condamner l'EPCPH de Rosières-aux-Salines à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits dont elle se prévaut n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral : sa notation a brutalement été réduite en raison des protestations qu'elle a émises du fait de la diminution du personnel infirmier ; son chef d'établissement a multiplié les reproches injustifiés ; il lui a imposé des tâches qui ne sont pas celles d'une infirmière diplômée d'Etat et lui a demandé de procéder à des actes illégaux ; elle a été mutée à Bayon en septembre 2004 ; l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie professionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2008, présenté pour l'établissement public communal pour personnes handicapées (EPCPH) de Rosières-aux-Salines, représenté par la SCP d'avocats Chaudeur-Dugravot-Kolb ;

L'EPCPH de Rosières-aux-Salines demande à la Cour de :

1°) rejeter la requête de Mme A ;

2°) par voie d'appel incident, condamner Mme A à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il subit pour atteinte à son image ;

3°) condamner Mme A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable : la requérante aurait dû se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat, comme l'indiquait le courrier de notification du jugement, et non saisir la Cour administrative d'appel ; Mme A ne présente pas d'éléments nouveaux devant le juge d'appel ;

- les difficultés rencontrées par la requérante en 2002 justifient la baisse de sa

notation ;

- le directeur de l'établissement est responsable du bon fonctionnement du service et peut à ce titre décider d'une réorganisation qu'il estime nécessaires ;

- il peut être demandé à une infirmière, dans l'intérêt des patients, d'effectuer des missions d'aides-soignants, ces derniers pouvant collaborer à la distribution des soins infirmiers ;

- c'est pour répondre aux besoins du service et aux attentes de l'intéressée qu'une nouvelle affectation lui a été proposée à Bayon ; le directeur a accepté de reporter la nouvelle affectation proposée à la demande de l'intéressée ;

- la non imputabilité au service de la maladie de Mme A est établie par les pièces du dossier ;

- le harcèlement vient plutôt de la requérante, qui s'oppose constamment aux décisions de sa direction ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 septembre 2009, présenté pour Mme Monique A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 25 septembre 2009, présenté pour l'établissement public communal pour personnes handicapées (EPCPH) de Rosières-aux-Salines, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 28 septembre 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le décret n° 92-861 du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emploi des infirmiers territoriaux ;

Vu le décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Dieudonné, avocat de Mme A, et de Me Dugravot, avocat de l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative :

Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, dans les litiges énumérés aux 1°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8° et 9° de l'article R. 222-13, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort. Il en va de même pour les litiges visés aux 2° et 3° de cet article, sauf pour les recours comportant des conclusions tendant au versement ou à la décharge de sommes d'un montant supérieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. ... ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, les dispositions du 7ème de l'article R. 222-13 sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 € ; qu'il résulte de ces dispositions que le présent litige, relatif à la situation individuelle d'un agent public, est néanmoins au nombre de ceux relevant de la compétence du juge d'appel, dès lors que la requérante présente des conclusions indemnitaires portant sur un montant excédant 10 000 €, et ce, nonobstant la circonstance que le courrier de notification du jugement attaqué mentionne, par erreur, que les parties ont la possibilité de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'EPCPH de Rosières-aux-Salines :

Sur l'appel principal de Mme A :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 16 juillet 1983 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ... ;

Considérant, en premier lieu, que si Mme A, infirmière employée par le Carrefour d'accompagnement public social - établissement public communal pour personnes handicapées (EPCPH) de Rosières-aux-Salines, soutient avoir fait l'objet de la part de la direction de l'établissement d'un harcèlement moral, caractérisé notamment par une baisse brutale de sa notation en 2002, elle n'établit pas avoir subi des comportements humiliants et menaçants destinés à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, à altérer sa santé physique ou mentale et à compromettre son avenir professionnel ; qu'il n'est en effet pas établi que la baisse de sa notation en 2002 serait imputable aux protestations qu'elle a émises du fait de la diminution du personnel infirmier, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de ses fiches de notation, que dès l'année 2000, l'intéressée rencontrait, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, des problèmes de communication, et que la baisse de notation d'un demi point en 2002 est justifiée par ses difficultés relationnelles ; que le Tribunal administratif de Nancy n'a annulé les notations 2002 et 2004 de Mme A que pour vice de forme, sans remettre en cause les appréciations portées sur le travail de l'intéressée par l'EPCPH ; qu'ainsi, l'abaissement des notes de la requérante n'est pas de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral constitutif d'une faute de l' EPCPH susceptible d'engager la responsabilité de ce dernier ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A soutient que son chef d'établissement a multiplié les reproches injustifiés, notamment dans un courrier du 2 février 2001, il ressort du libellé dudit courrier, seul élément produit par l'appelante pour attester des reproches allégués, que son chef de service lui demandait, ainsi qu'il était fondé à le faire, de s'expliquer sur son absence à une réunion des responsables de la Maison d'Accueil Spécialisée du 18 janvier 2001 ; que le courrier en cause ne saurait, à lui seul, être regardé comme révélant l'existence de reproches répétés et injustifiés manifestant une volonté de nuire à l'appelante ;

Considérant, en troisième lieu, que la direction de l'EPCPH est fondée à demander à une infirmière, dans l'intérêt des patients, d'effectuer ponctuellement des missions relevant des attributions statutaires des aides-soignants ; que les tâches incriminées par l'intéressée soit relèvent de celles susceptibles d'être confiées aux infirmiers en application de l'article 5 du décret susvisé du 11 février 2002, soit ne lui ont été conférées qu'à titre ponctuel afin d'assurer le bon fonctionnement et la continuité du service ; que Mme A ne conteste par ailleurs pas que sa direction a également formulé une telle demande à d'autres infirmières ; qu'en outre, si Mme A prétend que le directeur de l'EPCPH lui a demandé de déléguer la préparation des médicaments aux aides-soignantes, et qu'une telle demande serait illégale, il ne résulte d'aucune disposition réglementaire que les aides-soignants ne peuvent collaborer à la distribution des soins infirmiers, notamment en cas d'absence d'infirmiers au sein de l'établissement ; qu'il s'ensuit que Mme A n'est pas fondée à soutenir que son chef d'établissement lui aurait imposé des tâches ne relevant pas de ses missions, lui aurait demandé de procéder à des actes illégaux et que ces faits caractériseraient un harcèlement moral exercé à son encontre ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme A s'est vu proposer une nouvelle affectation, par courrier du 6 septembre 2004, au Foyer d'Accueil Médicalisé de Bayon, à la fois pour répondre aux besoins du service, consécutivement à la suppression de deux postes d'infirmières en 2003, et aux attentes de l'intéressée qui, après avoir bénéficié d'un congé de longue maladie du 1er juillet 2002 au 31 mars 2004, avait repris son activité depuis le 1er avril 2004 en mi-temps thérapeutique et avait fait valoir que ses horaires ne lui convenaient pas ; que le foyer d'accueil médicalisé de Bayon, qui fait partie de l'EPCPH, est situé à moins de 15 km du lieu de résidence de l'intéressée ; qu'au surplus, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le directeur de l'établissement a rapporté sa décision de mutation, après recours gracieux et recours hiérarchique en date du 15 septembre 2004 ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal a estimé que la proposition de mutation ne pouvait être regardée comme révélant un harcèlement moral de la part de l'administration ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise des 13 novembre 2004 et 2 mars 2005, et de l'avis émis par la commission de réforme du 10 mai 2005, que la maladie de l'intéressée n'est pas imputable au service ; que si le Tribunal administratif de Nancy a, par jugement en date du 27 juin 2006, annulé la décision du 23 juin 2005 refusant de reconnaître comme maladie professionnelle l'affection dont est atteinte Mme A, cette annulation a été prononcée pour vice de procédure ; que ce refus n'est ainsi pas davantage de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral constitutif d'une faute de l'EPCPH susceptible d'engager la responsabilité de ce dernier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur l'appel incident de l'EPCPH de Rosières-aux-Salines :

Considérant que, si l'EPCPH de Rosières-aux-Salines demande à la Cour la condamnation de Mme A à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi pour atteinte à son image, il ne justifie pas de la réalité du préjudice allégué ; que ses conclusions indemnitaires doivent ainsi être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme Monique A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 000 € au titre des frais exposés par l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A et l'appel incident de l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines sont rejetés.

Article 2 : Mme A versera à l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines une somme de 1 000 (mille) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Monique A et à l'établissement public communal pour personnes handicapées de Rosières-aux-Salines.

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N°08NC01250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01250
Date de la décision : 12/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-11-12;08nc01250 ?
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