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15/10/2009 | FRANCE | N°08NC00354

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2009, 08NC00354


Vu I°), sous le n° 08NC00354, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 mars 2008, complétée par mémoires enregistrés les 16 janvier et 16 mars 2009, présentée pour Mme Jeannine A, demeurant ..., et ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par la société d'avocats M et R ; Mme A et ELECTRICITE DE FRANCE demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403405 du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a prescrit une expertise médicale complémentaire consécutivement à l'accident médical q

u'a subi Mme A le 3 septembre 2002 au sein des Hôpitaux universitaires de St...

Vu I°), sous le n° 08NC00354, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 mars 2008, complétée par mémoires enregistrés les 16 janvier et 16 mars 2009, présentée pour Mme Jeannine A, demeurant ..., et ELECTRICITE DE FRANCE, dont le siège est 22-30 avenue de Wagram à Paris (75008), par la société d'avocats M et R ; Mme A et ELECTRICITE DE FRANCE demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403405 du 11 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a prescrit une expertise médicale complémentaire consécutivement à l'accident médical qu'a subi Mme A le 3 septembre 2002 au sein des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à payer à Mme A une somme de 39 625 euros et à ELECTRICITE DE FRANCE une somme de 23 709,28 euros, ces sommes portant intérêts à compter du 22 mai 2003, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à payer à Mme A une somme de 640 euros au titre des frais d'expertise qu'elle a exposés dans le cadre de la procédure de référé expertise enregistrée devant le tribunal sous le n° 0403406 ;

4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, de substituer l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Ils soutiennent que :

- les préjudices invoqués révèlent une faute dans l'organisation du service public hospitalier ; le positionnement de Mme A durant l'opération était forcément inapproprié ;

- les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont commis une faute constituée par un défaut d'information de Mme A sur les conséquences et suites possibles de l'intervention du 3 septembre 2002 ; ils devaient l'informer même si le risque est exceptionnel ; elle n'aurait jamais accepté de subir l'opération si elle avait connu le risque d'étirement plexuel ;

- la responsabilité sans faute au titre de la solidarité nationale doit jouer dès lors, d'une part, que, comme l'a établi l'expert, le déficit neurologique n'est pas la conséquence de l'état de santé initial de Mme A et n'était pas conditionné non plus par l'évolution que celui-ci aurait dû connaître après l'intervention chirurgicale et, d'autre part, qu'elle a subi une incapacité temporaire totale de plus de six mois ;

- la responsabilité sans faute est ouverte au bénéfice d'EDF et pas seulement à celui de Mme A ;

- les préjudices sont évalués à 39 625 € pour Mme A et à 23 709,28 euros pour EDF, son employeur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2008, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado, qui concluent au rejet de la requête ;

Ils soutiennent que :

- le tribunal a épuisé sa compétence en statuant sur la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg par le jugement avant dire droit du 11 décembre 2007 ; l'expertise n'a été prescrite qu'en vue de déterminer si Mme A pouvait être indemnisée au titre de la solidarité nationale ; le moyen tiré du défaut d'information de la patiente n'a pas été soulevé avant que n'intervienne le jugement avant dire droit et n'est pas d'ordre public ; il relève de la même cause juridique que celui soulevé dès la requête introductive d'instance et sur lequel il a été statué par le jugement avant dire droit ;

- le tribunal n'avait pas à examiner sa responsabilité sans faute au titre de la solidarité nationale dès lors que l'article L. 1142-1 du code de la santé publique a créé un régime légal de responsabilité relevant de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité ;

- en tout état de cause, même informée, Mme A n'aurait pas renoncé à l'intervention eu égard au risque minime encouru ; elle n'a donc pas été victime d'une perte de chance ; au surplus, le devoir d'information du patient ne concerne que les complications qui génèrent un véritable risque d'invalidité ; or, Mme A n'est atteinte que d'une incapacité permanente partielle de 5 % ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2009, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par Me Welsch ; l'ONIAM conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre lui ;

Il soutient que :

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale fixées par les articles L. 1142-1 II et D. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies ;

- les préjudices dont Mme A demande réparation sont consécutifs à la faute commise dans le positionnement de la patiente ; or, la responsabilité pour faute est exclusive de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale ; l'expert souligne les manoeuvres d'écartement probablement vigoureux du site opératoire ; il y a donc eu maladresse fautive ; de la même manière, le manquement au devoir d'information de la patiente, prévu par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, est fautif et engage la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

- Mme A n'a pas subi des conséquences anormales au sens des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; l'état de santé fragile de Mme A et la nature de l'opération pratiquée rendaient prévisibles la complication ;

- le préjudice subi ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour ouvrir droit à indemnisation ; Mme A n'est atteinte que d'une incapacité permanente partielle résiduelle de 5 % ; son incapacité temporaire de travail arrêtée par l'expert du 2 septembre 2002 au 31 mars 2003 n'est pas imputable au seul accident médical ; l'opération aurait de toute façon généré une période d'incapacité temporaire totale et cette durée ne saurait être fixée en deçà de deux mois ; les cas d'ouverture à titre exceptionnel de la responsabilité de l'ONIAM prévus aux 1° et 2° de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ne sauraient être considérés comme acquis ;

- en tout état de cause, il ne peut être condamné à l'égard d'ELECTRICITE DE FRANCE en application des dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ; au surplus, les prétentions indemnitaires de Mme A sont excessives ;

Vu la correspondance adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse la mettant en demeure de produire ses observations ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 28 août 2009 à 16 heures ;

Vu II°), sous le n° 08NC01262, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 août 2008, complétée par mémoires enregistrés les 16 mars et 17 juillet 2009, présentée pour Mme Jeannine A, demeurant ..., et ELECTRICITE DE FRANCE, par la société d'avocats M et R ; Mme A et ELECTRICITE DE FRANCE demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0403405 du 24 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les préjudices subis par Mme A consécutivement à l'accident médical survenu le 3 septembre 2002 ;

2°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à payer à Mme A une somme de 39 625 euros et à ELECTRICITE DE FRANCE une somme de 23 457,59 euros, ces sommes portant intérêts à compter du 22 mai 2003, lesdits intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à payer à Mme A une somme de 640 euros au titre des frais d'expertise qu'elle a exposés dans le cadre de la procédure de référé expertise devant le tribunal enregistrée sous le n° 0403406 ;

4°) de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) à titre subsidiaire, de substituer l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Ils soutiennent que :

- le Tribunal a méconnu la portée de sa compétence en refusant d'examiner le moyen tiré de la faute commise par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg qui n'ont pas informé Mme A des risques qu'elle encourait ; ils étaient recevables postérieurement au premier jugement avant dire droit à soulever d'autres moyens se rattachant à la même cause juridique ;

- le tribunal a omis de statuer sur la responsabilité sans faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui était pourtant recherchée ;

- les préjudices invoqués révèlent une faute dans l'organisation du service public hospitalier ; le positionnement de Mme A durant l'opération était forcément inapproprié ;

- les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ont commis une faute constituée par un défaut d'information de Mme A sur les conséquences et suites possibles de l'intervention du 3 septembre 2002 ; ils devaient l'informer même si le risque est exceptionnel ; elle n'aurait jamais accepté de subir l'opération si elle avait connu le risque d'étirement plexuel ;

- la responsabilité sans faute au titre de la solidarité nationale doit jouer dès lors, d'une part, que, comme l'a établi l'expert, le déficit neurologique n'est pas la conséquence de l'état de santé initial de Mme A, qui était guérie de son cancer, et n'était pas conditionné non plus par l'évolution que celui-ci aurait dû connaître après l'intervention chirurgicale et, d'autre part, qu'elle a subi une incapacité temporaire totale de plus de six mois ;

- la responsabilité sans faute est ouverte au bénéfice d'EDF et pas seulement à celui de Mme A ; EDF intervient en qualité d'employeur de Mme A et d'organisme spécial de sécurité sociale ;

- les préjudices sont évalués à 39 625 € pour Mme A et à 23 457,59 € pour EDF ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 janvier 2009, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) par Me Welsch ; l'ONIAM conclut au rejet de la requête en ce qu'elle est dirigée contre lui ;

Il soutient que :

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale fixées par les articles L. 1142-1 II et D. 1142-1 du code de la santé publique ne sont pas remplies ;

- les préjudices dont Mme A demande réparation sont consécutifs à la faute commise dans le positionnement de la patiente ; or, la responsabilité pour faute est exclusive de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale ; l'expert souligne les manoeuvres d'écartement probablement vigoureux du site opératoire ; il y a donc eu maladresse fautive ; de la même manière, le manquement au devoir d'information de la patiente prévu par les dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique est fautif et engage la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

- Mme A n'a pas subi des conséquences anormales au sens des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; l'état de santé fragile de Mme A et la nature de l'opération pratiquée rendaient prévisibles la complication ;

- le préjudice subi ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour ouvrir droit à indemnisation ; Mme A n'est atteinte que d'une incapacité permanente partielle résiduelle de 5 % ; son incapacité temporaire de travail arrêtée par l'expert du 2 septembre 2002 au 31 mars 2003 n'est pas imputable au seul accident médical ; l'opération aurait de toute façon généré une période d'incapacité temporaire totale et cette durée ne saurait être fixée en deçà de deux mois ; les cas d'ouverture à titre exceptionnel de la responsabilité de l'ONIAM prévus aux 1° et 2° de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique ne sauraient être considérés comme acquis ;

- en tout état de cause, il ne peut être condamné à l'égard d'EDF en application des dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ; au surplus, les prétentions indemnitaires de Mme A sont excessives ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2009, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado, qui concluent au rejet de la requête ;

Ils soutiennent que :

- le tribunal a épuisé sa compétence en statuant sur la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg par le jugement avant dire droit du 11 décembre 2007 ; l'expertise n'a été prescrite qu'en vue de déterminer si Mme A pouvait être indemnisée au titre de la solidarité nationale ; le défaut d'information de la patiente n'a pas été soulevé avant que n'intervienne le jugement avant-dire droit et ce moyen n'est pas d'ordre public ; il relève de la même cause juridique que celui soulevé dès la requête introductive d'instance et sur lequel il a été statué par le jugement avant dire droit ;

- ils n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité ; la compression du nerf est due à un aléa thérapeutique favorisé par l'état de santé de la patiente ;

- en tout état de cause, même informée, Mme A n'aurait pas renoncé à l'intervention eu égard au risque minime encouru ; elle a accepté de s'exposer à des risques plus importants ; elle n'a donc pas été victime d'une perte de chance ; au surplus, le devoir d'information du patient ne concerne que les complications qui génèrent un véritable risque d'invalidité ou de décès ; or, Mme A n'est atteinte que d'une incapacité permanente partielle de 5 % ;

- les prétentions indemnitaires de Mme A sont excessives ; le préjudice professionnel est inexistant puisqu'elle a décidé elle-même de prendre sa retraite de façon anticipée ;

Vu la correspondance adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse la mettant en demeure de produire ses observations ;

Vu l'ordonnance du président de la troisième chambre de la Cour, fixant la clôture de l'instruction au 28 août 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2009 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Keller, pour la société M et R, avocat de Mme A et d'ELECTRICITE DE FRANCE ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées présentées par Mme A et ELECTRCITE DE FRANCE sont relatives à la réparation d'un même accident médical survenu le 3 septembre 2002 au sein des Hôpitaux universitaires de Strasbourg et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la régularité du jugement du 24 juin 2008 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique : I. Hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...). II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ... n'est pas engagée, un accident médical (..) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte du taux d'incapacité permanente ou de l'incapacité temporaire de travail. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ; que l'article L. 1142-21 du même code prévoit que : Lorsque la juridiction compétente, saisie d'une demande d'indemnisation des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins dans un établissement de santé, estime que les dommages subis sont indemnisables au titre du II de l'article L. 1142-1, l'office est appelé en la cause s'il ne l'avait pas été initialement. Il devient défendeur en la procédure . ;

Considérant, d'une part, que, dans un mémoire enregistré le 9 novembre 2005 devant le Tribunal administratif de Strasbourg, Mme A et EDF ont recherché la responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique ; que, par jugement avant-dire droit du 11 décembre 2007, les premiers juges, après avoir estimé qu'aucune faute médicale ne pouvait être reprochée aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, ont fait application des dispositions précitées de l'article L. 1142-21 du même code et ont substitué aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), appelé en la cause, qui devenait alors seul susceptible d'être condamné sur le fondement juridique invoqué ; que les appelants, qui ne contestent pas l'application de ces dispositions, ne sauraient soutenir qu'en dépit d'une maladresse de rédaction, le tribunal, après avoir écarté la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a dénaturé leurs conclusions en considérant qu'ils recherchaient uniquement la responsabilité sans faute de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale dès lors qu'ils avaient admis que la responsabilité de cet organisme soit substituée à celle des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; que, par suite, en ne statuant pas expressément sur l'éventuelle responsabilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg fondée sur les dispositions l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement du 24 juin 2008 d'une omission à statuer ;

Considérant, d'autre part, que, dans le dispositif de son jugement avant-dire droit du 11 décembre 2007, le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas rejeté les conclusions indemnitaires formées par Mme A et EDF tendant à engager la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, alors pourtant que, comme il vient d'être dit, il les avait déclarées non fondées dans ses motifs, et avait estimé que seule la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale organisée par les dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique pouvait encore éventuellement être recherchée en application des dispositions de l'article L. 1142-21 du même code ; que c'est donc à tort que, dans le jugement rendu dans la même instance le 24 juin 2008, il a déclaré avoir épuisé sa compétence sur ce point et ainsi rejeté les conclusions indemnitaires formées par Mme A et EDF tendant à engager la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg en écartant sans les examiner les nouveaux moyens se rattachant à la même cause juridique soulevés par les requérants ; que le jugement du 24 juin 2008 doit être annulé dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens soulevés postérieurement au jugement avant dire droit du 11 décembre 2007 à l'appui des conclusions présentées devant le Tribunal administratif de Strasbourg par Mme A et EDF tendant à engager la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, et, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres moyens ;

Sur la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg :

Considérant, en premier lieu, que Mme A soutient que l'étirement plexuel dont elle a été victime lors l'opération de reconstruction mammaire qu'elle a subie le 3 septembre 2002 serait dû à son positionnement inadéquat sur la table d'opération ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert déposé le 11 juillet 2005 que l'installation de Mme A sur la table d'opération a été vérifiée personnellement par le chirurgien et que de multiples précautions ont été prises par l'ensemble de l'équipe médicale afin d'assurer la stabilité et le confort de la patiente ; que, par suite, le déficit neurologique au niveau du bras droit qui s'est manifesté postérieurement à l'opération constitue un aléa thérapeutique, dont la survenance a été favorisée par la durée de l'opération et l'état de santé de Mme A, et ne saurait révéler une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : Toute personne a le droit d'être informée de son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (..) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme A n'a pas été informée du risque prévisible d'étirement du plexus brachial lors de l'intervention de reconstruction mammaire pratiquée le 3 septembre 2002 ; que, toutefois, le risque qui s'est finalement réalisé, qui n'a entraîné aucun préjudice esthétique et n'a occasionné qu'un faible déficit fonctionnel permanent chiffré par l'expert à 5% et des douleurs physiques légères, n'est pas d'une gravité telle qu'il devait lui être signalé ; qu'en outre, il n'est pas soutenu et il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le risque de déficit neurologique au niveau du bras droit dû à l'étirement positionnel per-opératoire aurait une occurrence de réalisation supérieure à un cas sur mille à mille cinq cents ; que, dans ces circonstances, aucun manquement fautif au devoir d'information du patient ne saurait être reproché aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A et EDF ne sont pas fondés à demander la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes autres que médicales commises par le service public hospitalier ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant qu'aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique :

(..) Un accident médical (..) présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical (..) est au moins égal à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois (..) ;

Considérant que l'opération susmentionnée subie le 3 septembre 2002 par Mme A, d'une durée de quatre heures, consistait en la création d'un lambeau musculo-cutané de grand dorsal avec implantation d'une prothèse de silicone ; que, quand bien même elle n'aurait fait l'objet d'aucune complication, cette intervention aurait généré une incapacité temporaire de travail de plusieurs mois, la patiente ayant d'ailleurs déclaré à l'expert qu'il était prévu qu'elle reprenne son travail vers la fin de l'année 2002 ; qu'ainsi, nonobstant les conclusions du rapport complémentaire de l'expert, il n'est pas démontré que l'accident médical dont a été victime Mme A, qui a conduit à ce que son incapacité temporaire de travail se prolonge jusqu'au 31 mars 2003, présentait un caractère de gravité suffisant et entrait dans les prévisions des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article D 1142-1 du code la santé publique pour ouvrir droit à l'appelante à la réparation par l'ONIAM de ses préjudices au titre de la solidarité nationale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A et EDF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande indemnitaire dirigée contre l'ONIAM ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que l'article 2 du jugement du 24 juin 2008 du Tribunal administratif de Strasbourg a mis à la charge de Mme A et d'EDF les frais d'expertise taxés et liquidés à 640 euros et 10 euros par deux ordonnances du président du tribunal en date du 20 juillet 2005 et du 7 mars 2008 ; qu'à hauteur d'appel, Mme A, qui demande à être remboursée des frais de la première expertise réalisée par le Docteur Saint-Eve prescrite par ordonnance du président du tribunal du 18 octobre 2004 et dont les frais liquidés et fixés à 640 euros ont été mis à sa seule charge par ordonnance du 20 juillet 2005, ne conteste aucune disposition du jugement attaqué ; que, dès lors, ses conclusions doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A et ELECTRICITE DE FRANCE au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg du 24 juin 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A et d'ELECTRICITE DE FRANCE tendant à engager la responsabilité pour faute des Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Article 2 : La demande de Mme A et d'ELECTRICITE DE FRANCE formée devant le Tribunal administratif de Strasbourg tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les préjudices qu'ils ont subis à raison des fautes commises par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme A et d'ELECTRICITE DE FRANCE est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié Mme Jeannine A, à ELECTRICITE DE FRANCE, aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Mulhouse.

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N° 08NC00354 ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00354
Date de la décision : 15/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : MARCHESSOU VIGUIER MARTINEZ-WHITE SCHMITT (M et R) SELAS ; MARCHESSOU VIGUIER MARTINEZ-WHITE SCHMITT (M et R) SELAS ; MARCHESSOU VIGUIER MARTINEZ-WHITE SCHMITT (M et R) SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-10-15;08nc00354 ?
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