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01/10/2009 | FRANCE | N°09NC00952

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2009, 09NC00952


Vu 1°, enregistrée le 29 juin 2009 sous le N° 09NC00952, la requête, présentée pour la SAS KALOU dont le siège est RN 83 -ZA à Poligny (39800), par Me Doumergue ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de la période du 1ernovembre au 31 décembre 2003 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de

l'article L.

761-1 du code de justice administrative ;

3°) de prononcer la décharge des im...

Vu 1°, enregistrée le 29 juin 2009 sous le N° 09NC00952, la requête, présentée pour la SAS KALOU dont le siège est RN 83 -ZA à Poligny (39800), par Me Doumergue ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de la période du 1ernovembre au 31 décembre 2003 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) subsidiairement d'interroger la Cour de Justice des communautés européennes sur l'interprétation de l'article 87 du traité CE au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'à compter du 1er janvier 2001, la taxe sur les achats de viande a été illégalement mise en oeuvre en infraction de l'article 88-3 CE ; que, même réformée par l'article 35 de la loi 2000-1353 du 30 décembre 2000, cette taxe était constitutive d'une aide d'Etat incompatible avec l'article 87 CE ; qu'elle constitue en outre une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'importation, contraire aux articles 23 CE et 25 CE ( ex 9 et 12) du traité de Rome modifié et méconnaît également le principe général pollueur-payeur ;

Vu 2°, enregistrée le 29 juin 2009 sous le N° 09NC00953 la requête, présentée pour la SAS KALOU, dont le siège est RN 83 - ZA à Poligny 39800), par Me Doumergue ; la société demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 avril 2009 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2003 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) subsidiairement d'interroger la Cour de Justice des Communautés européennes sur l'interprétation de l'article 87 du traité CE au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 € au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle invoque les mêmes moyens que dans la requête N° 09NC00952 susvisée.

Vu les ordonnances attaquées ;

Les requêtes ayant été dispensées d'instruction par le président de la chambre en application des l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2009 :

- le rapport de M. Commenville, président de chambre,

- et les conclusions de Mme Fischer-Hirtz, rapporteur public ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre une même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la recevabilité des conclusions de la requête n° 09NC00953 :

Considérant que, si la société requérante demande à la Cour de la décharger des impositions mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003, il résulte de l'examen de l'ordonnance contestée que celle-ci n'a statué, conformément aux conclusions de la demande, que sur les taxes payées au titre de la période du 1er novembre 2003 au 31 décembre 2003 ; que, par suite, les conclusions relatives aux taxes payées entre le 1er janvier 2001 et le 30 octobre 2003 sont irrecevables ;

Sur le surplus des conclusions des requêtes :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du

1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2001 à 2003, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires ( ...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, que la SAS KALOU n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes demandées par la SAS KALOU aux titres des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS KALOU et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 09NC00952 ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00952
Date de la décision : 01/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Bernard COMMENVILLE
Rapporteur public ?: Mme FISCHER-HIRTZ
Avocat(s) : SELAFA JURISTES ASSOCIES BFC

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-10-01;09nc00952 ?
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