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24/09/2009 | FRANCE | N°08NC01316

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2009, 08NC01316


Vu la requête sommaire, enregistrée le 25 août 2008 au greffe de la Cour pour la télécopie et le 26 août 2008 pour l'original, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 novembre 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, dont le siège est BP 153 à Saint-Claude (39206), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600481-0800543 en date du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser une indemnité de 286 538 euros à M. X et la somme de 102 187,92 e

uros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

2°) de...

Vu la requête sommaire, enregistrée le 25 août 2008 au greffe de la Cour pour la télécopie et le 26 août 2008 pour l'original, et le mémoire complémentaire, enregistré le 4 novembre 2008, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, dont le siège est BP 153 à Saint-Claude (39206), par Me Le Prado ; le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600481-0800543 en date du 26 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser une indemnité de 286 538 euros à M. X et la somme de 102 187,92 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X ou, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité à lui verser ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les pièces du dossier ne permettaient pas d'établir que M. X avait refusé d'être transféré dans un service de neurochirurgie d'un centre hospitalier universitaire pour y subir une IRM et qu'il avait quitté l'établissement malgré les mises en garde des praticiens ;

- la preuve de l'information peut être rapportée même en l'absence de document signé par le patient et peut résulter des pièces du dossier, tel que le rapport d'expertise ;

- M. X n'a jamais expressément contesté le fait d'avoir été informé des risques encourus s'il ne se soumettait pas à une IRM ;

- de nombreux éléments contenus dans le rapport d'expertise permettent de conclure que M. X a été informé de l'urgence à passer une IRM ;

- le patient avait déjà refusé de suivre des conseils médicaux en vue d'une opération chirurgicale thoracique ;

- subsidiairement, s'agissant d'une perte de chance, le juge ne doit accorder qu'une fraction du préjudice total ;

- la sortie de M. X n'est pas à l'origine de toutes les lésions subies, l'anévrisme artériel étant déjà présent en juillet 2002 et l'IRM aurait pu seulement prévenir certaines complications ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 octobre 2008, 6 janvier et 3 août 2009, présentés pour M. X par Me Duthoit ; il conclut au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à ce que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE soit condamné à lui verser une indemnité de 911 537,63 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt, à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que la caisse primaire d'assurance maladie du Jura soit appelée en déclaration de jugement commun ; il soutient que :

- la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE doit être retenue pour l'avoir laissé sortir sans l'avoir été averti des risques encourus à ne pas se soumettre à une hospitalisation dès le 10 au 11 juillet 2002 dans un service de neurologie ;

- l'hôpital a ignoré l'article L. 1111-6 du code de la santé publique ;

- la réalité de l'information ne résulte ni du compte rendu d'hospitalisation, ni de l'ordonnance du 11 juillet 2002 remise à sa sortie du centre hospitalier ;

- le courrier du docteur Peyssonneaux ne lui a jamais été communiqué ;

- les propos du docteur Barletta ne sont pas fiables, s'agissant du praticien qui l'a pris en charge ;

- l'examen d'IRM n'a pas été exigé, seulement envisagé ; la situation d'urgence n'a pas été prise en compte dès lors que l'examen de l'IRM était prévu trois mois plus tard ;

- l'hôpital n'a pas respecté les dispositions de la loi du 5 mars 2002 alors en vigueur lui faisant obligation d'informer les patients des conséquences prévisibles en cas de refus de leur part des investigations et traitements proposés ;

- il ne ressort pas du rapport d'expertise qu'il ait été informé par écrit ou même oralement des conséquences prévisibles de son refus ;

- l'autre pathologie dont il était atteint ne présentait aucun caractère impératif ou d'urgence ;

- ses chefs de préjudice doivent être réévalués et être portés à une somme globale de 911 537,63 euros, dont 66 537,63 euros à titre de pertes de salaires, 750 000 euros au titre du déficit fonctionnel, 50 000 euros au titre de pretium doloris, 15 000 euros au titre du préjudice esthétique et 30 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

Vu les mémoires, enregistrés les 14 octobre 2008 et 15 janvier 2009, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône par Me Fort ; elle conclut au rejet de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, à sa condamnation à lui verser la somme de 150 692, 42 euros correspondant à ses débours provisoires, ainsi que la somme de 955 euros en vertu des dispositions de l'ordonnance du 24 janvier 1996, assorties des intérêts légaux à compter de la demande, et à ce que la somme de 700 euros soit mise à sa charge en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône informe la Cour :

- qu'elle s'en remet à sa sagesse pour imputer la totalité ou une fraction du préjudice à l'hôpital ;

- que sa créance provisoire s'élève au 24 décembre 2008 à 150 692,42 euros et que des soins post-consolidation sont nécessaires ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 août 2009, présenté pour le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE ; il fait valoir que les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ne peuvent être accueillies en l'absence de faute qui lui soit imputable ; les prestations de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ne sont pas en outre clairement identifiées ; que si une faute devait être retenue, et compte tenu qu'une fraction du préjudice total doit être réparée pour la perte de chance, les droits de la caisse devront être réduits dans la même proportion ; la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ne rapporte pas la preuve de la majoration de ses créances ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 31 août 2009, par lequel la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône conclut à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE à lui verser la somme de 312 750,15 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 septembre 2009 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Fort, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône ;

Considérant que M. X, alors âgé de 28 ans, a été admis le 7 juillet 2002 aux urgences du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE à la suite de céphalées persistantes et d'un malaise sans perte de connaissance survenu le 5 juillet 2002, puis transféré au service de médecine interne de cet hôpital où il restera jusqu'au 11 juillet 2002 ; que la ponction lombaire pratiquée ayant relevé des traces de sang dans le liquide rachidien, un scanner crânien a été pratiqué à l'hôpital de Lons-Le-Saunier le 10 juillet 2002 dans lequel il avait été transféré dans l'intervalle à cette fin ; que cet examen a révélé des petites hyperdensités au niveau des sillons corticaux fronto-pariétaux droits et la présence de sang dans les espaces sous-arachnoïdiens droits, mais a écarté tout syndrome de masse, ainsi que toute déviation des sutures médianes et toute pathologie évidente des gros vaisseaux ou des espaces méningés ; qu'après avoir été examiné par le médecin neurologiste de l'établissement de Lons-Le-Saunier, le requérant a quitté le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE le 11 juillet 2002, muni d'une ordonnance prescrivant du Di-Antalvic en cas de douleurs et recommandant à M. X de consulter un médecin en cas de céphalées, vomissements, troubles visuels et fièvre ; que, le même jour, le praticien hospitalier qui avait pris en charge M. X au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE a demandé par télécopie un examen IRM au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse en mentionnant qu' une IRM cérébrale s'impose pour écarter une anomalie vasculaire sous-jacente type anévrisme ; qu'à la suite de cette transmission, M. X a reçu après sa sortie une convocation pour subir cet examen au service d'imagerie médicale du CHG de Bourg-en-Bresse le 22 octobre 2002 ; qu'enfin, M. X a été victime dès le 22 juillet 2002 de violentes céphalées suivies d'une rupture d'un anévrisme de l'artère moyenne gauche et d'un coma ; qu'il est désormais affecté d'une invalidité permanente de 75 % consécutive à l'hémiparésie gauche et de troubles épileptiques ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi par le docteur Y, neurologue, désigné par ordonnance en date du 26 août 2004, que M. X a bien été informé du diagnostic retenu après le scanner pratiqué le 10 juillet 2002 et de la nécessité d'être transféré au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse pour qu'il y soit procédé en urgence à un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) ; qu'il résulte toutefois du compte rendu d'hospitalisation du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE que M. X avait, pour des motifs personnels, fait le choix de subir les examens complémentaires en externe et qu'il n'est pas contesté que, dans ce cas, les délais d'attente pour procéder à un tel examen sont plus longs ; qu'ensuite, si l'intéressé soutient ne pas avoir été informé du risque de graves conséquences en cas de report de cet examen, il n'a pas contesté formellement devant l'expert avoir été informé de la confirmation d'un diagnostic d'hémorragie méningée par le scanner du 10 juillet 2002 et de la nécessité de son transfert dans un service de neurologie ou de neurochirurgie au centre hospitalier de Bourg-en-Bresse ; qu'enfin, le neurologue du centre hospitalier de Lons-Le-Saunier a indiqué, dans une correspondance du 8 septembre 2004 adressée à son confrère du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, et dont le caractère tardif ne remet pas en cause la force probante, que lors de son entretien avec M. X, celui-ci avait refusé de façon catégorique toute hypothèse d'hospitalisation pour procéder à l'IRM et qu'il n'était pas parvenu à lui faire prendre conscience de la gravité de son état ; qu'en dernier lieu, il n'est pas contesté que M. X n'était pas alors affecté de troubles qui auraient pu altérer son discernement, l'hémorragie méningée isolée survenue en juillet 2002 n'ayant pas porté atteinte à sa capacité de jugement et de raisonnement ; que, dans ces circonstances, le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité au regard de l'accident cérébral dont M. X a été ultérieurement victime ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Besançon ; que, par suite, les conclusions d'appel incident présentées par M X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône doivent être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros, à la charge de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 26 juin 2008 est annulé.

Article 2 : La demande de M. X présentée devant le Tribunal administratif de Besançon et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône sont rejetées.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 (mille) euros, sont mis à la charge de M. X.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE SAINT-CLAUDE, à M. Abdelkader X et aux caisses primaires d'assurance maladie du Jura et de la Haute-Saône.

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N° 08NC01316


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC01316
Date de la décision : 24/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET ANDRE ET SIMON DUTHOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-09-24;08nc01316 ?
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