Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier 2008 et 12 mars 2008, présentés pour M. X, demeurant ..., et l'ASSOCIATION PARE-BRISE, dont le siège est 29 rue de la mairie à Blondivet (88260), représentée par son président, par Me Claudot ;
M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601208-0601213 du 23 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2006 par lequel le préfet des Vosges a délivré un permis de construire à la SARL Vosges Eole en vue de l'édification de trois éoliennes et d'un poste de distribution sur un terrain sis au lieu-dit Clochamp sur le territoire de la commune de Dombasle-devant-Darney ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Vosges de produire les avis qu'elle a émis sur ce projet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs ;
- le préfet des Vosges a été dessaisi de la demande de permis de construire en raison de l'intervention d'une décision implicite de rejet de cette demande et il ne pouvait en conséquence accorder le permis de construire sans procéder à une nouvelle instruction ;
- l'enquête publique n'a pas eu une durée suffisante au regard des prescriptions de la circulaire interministérielle du 10 septembre 2003 ;
- le permis de construire litigieux autorise la construction d'éoliennes sur des terrains dont la destination est en principe uniquement agricole, en violation des dispositions du règlement national d'urbanisme ;
- les références cadastrales des parcelles sur lesquelles ont été autorisées les constructions litigieuses, telles qu'indiquées sur les panneaux sur lesquels ont été affiché le permis de construire, ne correspondent ni à celles enregistrées au cadastre ni à celles mentionnées dans l'état des ventes ;
- le projet autorisé a fait l'objet de modifications qui justifiaient le dépôt d'une nouvelle demande de permis et une instruction adaptée et personnalisée, en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme ;
- le préfet ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste dans l'appréciation des risques pour la sécurité, autoriser l'implantation d'une éolienne à moins de 250 mètres de la maison d'habitation de M. X et d'un parc de sculptures attenant fréquenté par le public, compte tenu des risques de projection d'éléments tels que des bris de glace en hiver ;
- le contenu de l'étude d'impact du projet litigieux ne respecte pas les prescriptions de l' étude sur les parcs éoliens dans les paysages vosgiens , réalisée par la direction départementale de l'équipement des Vosges, qui, pour en diminuer l'impact visuel, impose une distance minimale de 500 mètres entre les éoliennes et les habitations et interdit que les éoliennes surplombent un village ou concurrencent un élément repère du paysage ;
- l'étude d'impact du projet litigieux n'est pas suffisamment fine, précise et actuelle, s'agissant de la faune et de la flore, des normes acoustiques, de l'impact paysager du projet et de la prise en compte de l'ensemble des prescriptions existantes ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2009, présenté pour la SARL Vosges Eole, dont le siège est 43 rue Sébastien Bottin à Favières (54115), par Me Niango ;
La SARL Vosges Eole conclut au rejet de la requête et à la condamnation solidaire de l'association requérante et de M. X à lui verser une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice ;
Elle soutient à titre principal que la requête est irrecevable, car elle ne développe aucun moyen d'appel contre le jugement et, à titre subsidiaire, que la requête doit être rejetée au fond, aucun des moyens invoqués n'étant fondé ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé et, en particulier, qu'il ne devait pas être tenu compte dans l'étude d'impact de l'habitation de M. X, dès lors que celle-ci a été édifiée sans autorisation ;
Vu la lettre en date du 3 mars 2009 par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt paraissait susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2009, présenté pour la SARL Vosges Eole, qui persiste dans ses conclusions et moyens et soutient en outre que la jurisprudence admet parfois le principe de la condamnation d'une partie pour citation abusive en justice, même dans le cas du contentieux de l'excès de pouvoir ;
Vu l'ordonnance du 7 avril 2009 portant clôture de l'instruction au 20 mai 2009 à 16 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2009, présenté pour la SARL Vosges Eole, qui persiste dans ses conclusions et moyens et soutient en outre que si l'étude d'impact ne mentionne pas la propriété de M. X, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dès lors que l'intéressé n'établit pas que les constructions en cause auraient bénéficié d'un permis de construire et lui serviraient effectivement d'habitation ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2009, présenté pour M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE, qui persistent dans leurs conclusions, en portant à 5 000 euros la somme qu'ils demandent en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent en outre que :
- leur requête est suffisamment motivée dès lors qu'elle comporte une critique de la position adoptée par les premiers juges ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs en ce qu'il affirme, d'une part, que des mesures d'évaluation de l'impact sonore des éoliennes ont été effectuées sur le site et au niveau des habitations les plus proches et, d'autre part, que la circonstance que la présence d'une construction existante ne ressortirait pas de l'étude d'impact n'est pas de nature à caractériser une insuffisance susceptible de vicier la procédure ;
- les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la SARL Vosges Eole sont irrecevables dans le cadre d'un litige relevant du contentieux de l'excès de pouvoir ;
- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, la décision implicite de rejet de la demande de permis de construire a créé des droits au profit de tiers tels qu'eux et elle ne pouvait donc être retirée que dans le délai de recours contentieux ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en accordant le permis de construire contesté sans avoir pris en considération l'habitation de M. X ;
Vu, enregistrés les 5 et 9 juin 2009, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, les mémoires présentés pour M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2009 :
- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,
- et les observations de Me Niango, avocat de la SARL Vosges Eole ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la SARL Vosges Eole :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, applicable à l'introduction de l'instance devant le juge d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ;
Considérant que la requête sommaire et le mémoire complémentaire dont M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE ont saisi la Cour ne constituent pas la seule reproduction littérale de leurs mémoires de première instance et énoncent à nouveau, de manière précise, les critiques adressées à l'arrêté du 4 mai 2006 dont ils avaient demandé l'annulation au Tribunal administratif de Nancy ; qu'une telle motivation répondant aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir opposée par la SARL Vosges Eole ne peut être accueillie ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Nancy a pu, sans entacher son jugement de contradiction de motifs, considérer, d'une part, que des mesures d'évaluation de l'impact sonore des éoliennes ont été effectuées sur le site et au niveau des habitations les plus proches et, d'autre part, que la circonstance que la présence d'une construction existante ne ressortirait pas de l'étude d'impact n'était en tout état de cause pas de nature à caractériser une insuffisance susceptible de vicier la procédure ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 4 mai 2006 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés par M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE de ce que le préfet des Vosges avait été dessaisi de la demande de permis de construire en raison de l'intervention d'une décision implicite de rejet de cette demande, de ce que les références cadastrales des parcelles sur lesquelles ont été autorisées les constructions litigieuses, telles qu'indiquées sur les panneaux sur lesquels ont été affichés les permis de construire, sont erronées et, enfin, de l'insuffisance de l'étude d'impact en ce qui concerne la faune, la flore et le paysage ; que, s'agissant de ce dernier moyen, si l'association requérante fait valoir en appel que l'étude d'impact n'a pas été accompagnée d'études géologiques suffisantes, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact, qui présente la géologie et l'hydrogéologie du site dans le cadre de l'analyse de l'état initial et qui présente l'impact des fondations sur les sols dans le cadre de l'analyse des impacts sur le milieu physique, satisfait aux exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement en ce que cet article prévoit que l'étude d'impact comporte une analyse de l'état initial du site et de son environnement et une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur le sol et l'eau ;
Considérant toutefois que les dispositions susmentionnées du code de l'environnement prévoient également que l'étude d'impact doit comporter une analyse des effets du projet sur la commodité du voisinage, notamment en ce qui concerne les bruits que le projet peut générer ; que, si l'étude d'impact qui figure au dossier joint à la demande du permis de construire en litige comporte en annexe une estimation des nuisances sonores réalisée par un cabinet spécialisé, il résulte de ce dernier document que les mesures acoustiques sur lesquelles il s'appuie ont été réalisées à partir de six points de mesure situés aux entrées des agglomérations de Dombasle-devant-Darney, Jésonville et Dommartin-lès-Vallois, alors qu'aucune mesure n'a été effectuée à partir de l'habitation de M. X ..., qui se situe pourtant à environ 150 mètres de l'éolienne n° 3 ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X occupe effectivement cette habitation, près de laquelle se trouve un parc de sculptures où il reçoit du public ; que la circonstance, à la supposer établie, que cette construction aurait été édifiée sans autorisation d'urbanisme est sans incidence sur l'obligation dans laquelle se trouvait la SARL Vosges Eole de joindre à sa demande de permis de construire une étude des nuisances sonores de son projet sur la commodité du voisinage ; que, par suite, en tant qu'elle porte sur l'éolienne n° 3, l'étude d'impact doit, pour ce motif, être regardée comme insuffisante ;
Considérant que si les requérants soutiennent que, en raison des modifications dont a fait l'objet le projet autorisé, celui-ci aurait dû faire l'objet d'une nouvelle demande de permis et d'une instruction adaptée et personnalisée, en application de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme , les dispositions en cause, qui se bornent à prévoir les cas dans lesquels des constructions ou travaux doivent être précédés de la délivrance d'un permis de construire, n'imposent pas le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire en cas de modification du projet en cours d'instruction, l'autorité compétente pouvant statuer au vu de la demande dont elle a été initialement saisie, telle que complétée ou modifiée par le demandeur au cours de l'instruction ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de la circulaire interministérielle du 10 septembre 2003, relative à la promotion de l'énergie éolienne terrestre, ou de la méconnaissance des prescriptions de l' étude sur les parcs éoliens dans les paysages vosgiens , réalisée par la direction départementale de l'équipement des Vosges, dès lors que ces documents sont dépourvus de caractère réglementaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme : En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : ... 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs (...) ; que la construction d'éoliennes destinées à produire de l'électricité alimentant le réseau électrique entre dans le champ d'application des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que doit être écarté le moyen tiré par les requérants de ce que l'autorisation de construire des éoliennes sur des terrains dont la destination est en principe uniquement agricole méconnaît les dispositions du règlement national d'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. (...) ; que l'éolienne n° 3 est un ouvrage distinct des deux autres éoliennes dont la construction a été autorisée par le permis de construire contesté ; que les dispositions de ce permis applicables à ladite éolienne sont, dans cette mesure, divisibles des autres dispositions de ce même permis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production de l'avis émis par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Vosges, qui figure au dossier de première instance, M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 4 mai 2006 par le préfet des Vosges à la SARL Vosges Eole , en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3 et, dans cette mesure, à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ... la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ... en l'état du dossier. ; qu'aucun autre moyen que celui tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact n'apparaît, en l'état du dossier, susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3 ;
Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la SARL Vosges Eole :
Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, les conclusions susanalysées, qui sont au surplus présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme que M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner, M. X et l'ASSOCIATION PARE-BRISE à verser à la SARL Vosges Eole la somme que celle-ci demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0601208-0601213 rendu le 23 octobre 2007 par le Tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes de M. X et de l'ASSOCIATION PARE-BRISE tendant à l'annulation du permis de construire accordé le 4 mai 2006 par le préfet des Vosges à la SARL Vosges Eole en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3.
Article 2 : Le permis de construire accordé le 4 mai 2006 par le préfet des Vosges à la SARL Vosges Eole est annulé en tant qu'il porte sur l'éolienne n°3.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à l'ASSOCIATION PARE-BRISE, au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et à la SARL Vosges Eole.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Nancy.
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N° 08NC00126