Vu la requête, enregistrée le 11 février 2009, présentée pour
la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS, dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris (75014), par Me Robinet ; la SNCF demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701375 en date du 31 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître sa requête tendant à condamner la société Eurovia Lorraine à lui verser la somme de 16 075,36 € avec intérêt légaux en réparation des dommages causés à ses installations ;
2°) de condamner la société Eurovia Lorraine à lui payer la somme de 16 075,36 € en réparation de son préjudice avec intérêts à compter du 13 août 2007 ;
3°) de mettre à la charge de la société Eurovia Lorraine une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le jugement attaqué doit être annulé en tant que le tribunal a soulevé d'office le moyen tiré de son incompétence sans en informer les parties ;
- que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a fondé sa décision sur la loi du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux juridictions judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité à raison des dommages causés par un véhicule et dirigées contre une personne de droit public, dès lors que son action est dirigée contre la société Eurovia Lorraine, qui est une personne morale de droit privé, et que cette loi ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public, ce qui est le cas en l'espèce ;
- que le marché conclu par la société Eurovia Lorraine avec la commune de Pont-à-Mousson cantonnait les travaux à effectuer au domaine public communal, ladite société ayant illégalement empiété sur le domaine public ferroviaire en étendant ses travaux jusqu'au remblai bordant la route, faisant partie de l'emprise du chemin de fer, au cours desquels elle a sectionné une artère de câbles de communication appartenant à la SNCF ;
- que la société Eurovia Lorraine ne saurait dégager sa responsabilité en invoquant un cas de force majeure, dès lors qu'elle a exécuté ses travaux en violation de l'article 73 du décret du 22 mars 1942 interdisant tout empiètement non autorisé sur les dépendances des voies ferrées, la SNCF n'étant ainsi pas tenue par les dispositions du décret du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains de transport ou de distribution ;
- que sa demande, portant sur un montant de 16 075,36 €, est entièrement fondée, l'accord AGSAA/SNCF étant opposable à la société Eurovia Lorraine, de même que le barème national appliqué par la SNCF concernant le coût de main-d'oeuvre des agents affectés aux tâches autres que la réparation des engins ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2009, présenté par la société Eurovia Lorraine, par Me Bourgaux ;
La société Eurovia Lorraine conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 € soit mise à la charge de la SNCF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que le juge administratif est compétent pour statuer sur la demande de la SNCF, dès lors que la loi du 31 décembre 1957 exclut de son champ d'application les dommages causés au domaine public, ce qui est le cas en l'espèce, les câbles endommagés appartenant à Réseau Ferré de France et faisant ainsi partie de son domaine public ;
- que la demande de la SNCF dirigée à son encontre est infondée, celle-ci ayant commis une faute en s'abstenant d'établir un plan de zonage, alors qu'elle n'a elle-même commis aucune faute, les câbles de la SNCF déviant de leur tracé pour pénétrer sur le domaine public communal ;
- que, subsidiairement, le préjudice allégué est surévalué ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 avril 2009, présenté pour la SNCF, qui conclut aux mêmes fins de sa requête et soutient en outre que :
- à supposer même que les plans de circulation des câbles SNCF auraient dû être déposés en mairie, alors qu'ils n'avaient pas à l'être, la société Eurovia Lorraine a fait preuve de négligence en ne sollicitant pas les services du cadastre, qui l'auraient informée de l'existence d'une zone sensible du fait de la proximité des emprises de la SNCF ;
- elle est fondée à demander l'indemnisation de ses frais de surconsommation d'énergie ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 27 avril 2009, présenté pour la société Eurovia Lorraine, qui conclut aux mêmes fins que ses mémoires en défense et soutient en outre que, dès lors que les réseaux exploités à proximité des travaux sont soumis aux dispositions du décret du 14 octobre 1991, la SNCF, exploitant de ces réseaux, devient participant à l'opération de travaux publics et ne peut ainsi solliciter la réparation des dommages causés par l'exécution des travaux que sur le fondement de la responsabilité pour faute ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigées contre une personne de droit public ;
Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2009 :
- le rapport de M.Vincent, président de chambre,
- les conclusions de M.Collier, rapporteur public
- et les observations de Me Robinet, avocat de la SNCF, et de Me Dupied, substituant Me Bourgaux, avocat de la société Eurovia Lorraine ;
Sur la compétence :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, le 24 novembre 2003, une pelle mécanique mise en oeuvre pour l'exécution de travaux d'aménagement de la voie publique réalisés par la société Eurovia Lorraine pour le compte de la commune de Pont-à-Mousson a endommagé des câbles enterrés de communication longeant la voie ferrée et utilisés pour l'exploitation ferroviaire ; que la SNCF demande réparation des conséquences dommageables de cet accident en se prévalant de sa qualité de tiers par rapport aux travaux publics en cause ;
Sur la compétence juridictionnelle :
Considérant que si l'alinéa 1er de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1957 susvisée dispose que : ... les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque , le 3ème alinéa du même article prévoit que la présente disposition ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public ; qu'aux termes de l'article 5 de la loi susvisée du 13 février 1997 : Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'Etat et gérés par la SNCF sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau Ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies..., les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunication liées aux infrastructures... ; qu'en l'absence de toute disposition législative contraire, les câbles de communication endommagés, affectés au service public dont la SNCF a la charge, font partie du domaine public de Réseau Ferré de France ;
Considérant que les dommages provoqués par l'action de la pelle mécanique doivent être ainsi regardés comme occasionnés au domaine public, au sens des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit qu'alors même que cet engin de chantier constitue un véhicule au sens de la loi du 31 décembre 1957 susvisée, les juridictions de l'ordre administratif sont seules compétentes pour connaître des conclusions de la SNCF tendant à la réparation de son préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNCF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'ainsi ledit jugement doit être annulé ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Nancy pour qu'il y soit statué ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eurovia Lorraine la somme que demande la SNCF au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNCF, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Eurovia Lorraine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 31 décembre 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le Tribunal administratif de Nancy.
Article 3 : Les conclusions de la SNCF et de la société Eurovia Lorraine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANÇAIS et à la société Eurovia Lorraine.
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N0°09NC00186