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28/05/2009 | FRANCE | N°08NC00637

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 mai 2009, 08NC00637


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008, présentée pour la SOCIETE LOCATELLI, dont le siège social est 4 rue d'Etrepigney à Rans (39700), par la Selarl Monod-Tallent ; la SOCIETE LOCATELLI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601865 en date du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon à lui verser la somme de 263 638,81 euros hors taxes en règlement du marché de gros oeuvre passé en vue de la construction de l

a maison des microtechniques ;

2°) de condamner la Société anonyme immobil...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2008, présentée pour la SOCIETE LOCATELLI, dont le siège social est 4 rue d'Etrepigney à Rans (39700), par la Selarl Monod-Tallent ; la SOCIETE LOCATELLI demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601865 en date du 28 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon à lui verser la somme de 263 638,81 euros hors taxes en règlement du marché de gros oeuvre passé en vue de la construction de la maison des microtechniques ;

2°) de condamner la Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon à lui verser la somme de 263 638,81 euros hors taxes en règlement dudit marché ;

3°) de mettre à la charge de la Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a contesté le décompte général dans le délai fixé par le cahier des clauses administratives générales ;

- le maître d'ouvrage a apporté de nombreuses modifications aux travaux à réaliser, avant la modification du délai initial d'exécution du marché ; les devis de travaux supplémentaires n'ont jamais été régularisés par avenant ;

- de nombreuses sujétions imprévues ont modifié les conditions d'exécution du marché, entraînant un bouleversement de son économie ; elle a émis systématiquement des réserves écrites ; les surcoûts qu'elle a dû supporter ont été chiffrés avec précision et sont corroborés par des pièces justificatives ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 11 juillet 2008, le mémoire en défense présenté pour la Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon, par Me Paillat ;

La Société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SOCIETE LOCATELLI au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de la SOCIETE LOCATELLI, au motif que le décompte général devait être regardé comme ayant été accepté par elle, faute d'avoir été contesté dans le délai prescrit ;

- la requête est irrecevable pour forclusion, en raison du non-respect du délai d'un mois prévu à l'article 14.4 du cahier des clauses administratives générales ;

- le coût des travaux non prévus au marché a fait l'objet d'un règlement définitif par avenant n° 2, signé par la requérante ;

- les demandes de la SOCIETE LOCATELLI ne sont pas fondées, l'intéressée n'ayant au demeurant, à aucun moment, précisé le contenu et le montant de ses réclamations ;

Vu les autres pièces du dossier, et notamment la correspondance du 27 mars 2009 de la direction Courrier de Franche-Comté de la Poste et les documents y annexés ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2009 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations orales de Me Aubel, pour la SELARL Monod-Tallent, avocat de la SOCIETE LOCATELLI ;

Considérant que, par marché en date du 24 novembre 2003, la société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon (SAIEM B), agissant en qualité de mandataire du maître d'ouvrage, la communauté d'agglomération du Grand Besançon, a attribué à la SOCIETE LOCATELLI le lot n° 2 Gros oeuvre de la construction de la maison des microtechniques à Besançon ; que les parties ont conclu deux avenants, dont le dernier, signé le 1er juillet 2005, a eu pour effet de porter le délai d'exécution des travaux, initialement fixé au 27 novembre 2004, au 7 juillet 2005 ; que la réception des travaux a été prononcée au 7 juillet 2005 par une décision en date du 22 août de la même année ; que la SOCIETE LOCATELLI a saisi le Tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant au paiement d'une somme de 263 638,81 euros hors taxes, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis au titre de l'exécution de ce marché ; que, par jugement du 28 février 2008 dont la SOCIETE LOCATELLI relève appel, le tribunal a rejeté sa demande au motif que le décompte général devait être regardé comme ayant été accepté par l'entreprise, faute pour elle de l'avoir contesté dans les quarante-cinq jours suivant sa notification ;

Sur la forclusion retenue par le tribunal :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, auquel les parties ont entendu se référer : 44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...)/ 45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ; qu'aux termes de l'article 5 du même document : Décompte des délais - Formes des notifications./5.1. Tout délai imparti dans le marché au maître de l'ouvrage, à la personne responsable du marché, au maître d'oeuvre ou à l'entrepreneur commence à courir le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai./5.2. Lorsque le délai est fixé en jours, il s'entend en jours de calendrier et il expire à la fin du dernier jour de la durée prévue. (...)/Lorsque le dernier jour d'un délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prolongé jusqu'à la fin du premier jour ouvrable qui suit. ;

Considérant qu'il est constant que la société LOCATELLI a reçu notification du décompte général du marché litigieux le 6 février 2006, par ordre de service n° 4 en date du 26 janvier 2006 ; que, dès lors, le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 13 précité, applicable en l'espèce, expirait le jeudi 23 mars 2006 à minuit ; qu'ainsi qu'il a été rappelé plus haut, l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales prévoit que l'entrepreneur renvoie le décompte général au maître d'oeuvre ; que s'il ressort des termes de la convention de mandat de maîtrise d'ouvrage le 4 avril 2002 entre la communauté d'agglomération du Grand Besançon et la SAIEM B que la mission de celle-ci portait notamment sur la gestion administrative, financière et comptable de l'opération et notamment sur l'établissement des décomptes généraux et définitifs des entrepreneurs, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas davantage allégué que ces dispositions, contenues dans une convention à laquelle la SOCIETE LOCATELLI n'était pas partie, lui aient été rendues contractuellement applicables, et même que celle-ci en ait reçu officiellement notification ; que la simple mention figurant sur l'ordre de service n° 4 susrappelé en vertu de laquelle un exemplaire du décompte général doit être renvoyé à la SAIEM B ne saurait valoir dérogation aux stipulations précitées de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales, qui demeurent applicables au présent marché en l'absence de toute stipulation des parties en disposant autrement ; qu'ainsi, en admettant même que la clause précitée de la convention de mandat doive être regardée comme traduisant la volonté du maître d'ouvrage de conférer à la SAIEM B compétence exclusive pour recevoir les réclamations de l'entrepreneur en réponse au décompte général qui lui a été notifié, une telle stipulation n'était pas opposable à la SOCIETE LOCATELLI ; que c'est ainsi à tort que, pour rejeter la demande de ladite société au motif que le décompte général aurait été contesté hors délai et était ainsi devenu définitif, le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur la seule circonstance que la SAIEM B n'avait été rendue destinataire du mémoire en réclamation de la SOCIETE LOCATELLI que le 24 mars 2006, soit après expiration du délai de quarante-cinq jours susrappelé ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la SOCIETE LOCATELLI devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur la recevabilité de la réclamation de la SOCIETE LOCATELLI

Considérant qu'il résulte des termes de la correspondance susvisée de la Poste en date du 27 mars 2009 que la formule livré conforme , figurant sur le suivi chronopost produit devant les premiers juges par la SOCIETE LOCATELLI, ainsi que sur le document annoté par ses soins relatif à la notification adressée au cabinet Lamboley et annexé à ladite correspondance, que le colis contenant le mémoire en réclamation de l'entreprise a été déposé dans la boîte aux lettres du maître d'oeuvre, le cabinet Lamboley, dans la journée du 23 mars 2006, soit dans le délai de quarante-cinq jours prévu par les stipulations précitées de l'article 13-44 du cahier des clauses administratives générales ; qu'ainsi la SOCIETE LOCATELLI doit être regardée comme ayant régulièrement notifié son mémoire en réclamation ;

Sur le bien-fondé de la réclamation :

Considérant, en premier lieu, que le marché en date du 24 novembre 2003 a été établi à prix global et forfaitaire ; qu'il s'ensuit que la SOCIETE LOCATELLI n'est fondée à réclamer un supplément de prix qu'en cas de bouleversement de l'économie du contrat, ou si les surcoûts exposés sont le fait du maître de l'ouvrage ; que si la société requérante soutient avoir été confrontée à divers aléas techniques, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que le révèle d'ailleurs le montant de sa réclamation par rapport au montant du marché initial, que les sujétions imprévues qu'elle invoque, liées à des problèmes de conception, aux intempéries, à des problèmes de coordination imputables au maître d'oeuvre, à des retards pris par les différents corps de métier et à des modifications de plannings d'exécution auraient modifié les conditions d'exécution du marché de manière telle qu'elles auraient eu pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat ; que si ladite société invoque également l'existence d'aléas économiques, et notamment l'augmentation du prix de l'acier, elle ne justifie pas davantage, eu égard à ce qui vient d'être dit, que les difficultés rencontrées de ce fait dans l'exécution du marché, à supposer qu'elles aient revêtu un caractère exceptionnel et imprévisible, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, auraient eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

Considérant en deuxième lieu que, si la SOCIETE LOCATELLI soutient que le maître d'ouvrage a apporté plusieurs modifications aux travaux à réaliser et que les devis de travaux supplémentaires n'ont jamais été régularisés par avenant, cette dernière circonstance, à la supposer exacte, ne dispensait pas l'entreprise d'inclure dans son projet de décompte final les sommes correspondant aux travaux supplémentaires dont elle estimait devoir requérir le paiement ; qu'il est constant qu'elle n'a pas procédé à cette inclusion ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'entreprise aurait avisé le maître d'oeuvre de la date probable du dépassement du montant initial du marché, aux fins obtenir la signature d'un avenant ou l'ordre de poursuivre les travaux nécessaires, ainsi qu'elle était tenue de le faire en application de l'article 15 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ; qu'il résulte au surplus de l'instruction que, comme il a été dit ci-dessus, les parties ont conclu deux avenants, dont le dernier, signé par la SOCIETE LOCATELLI le 1er juillet 2005, a eu notamment pour objet d'assurer le règlement définitif du coût des travaux non prévus au marché ; que, dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'entreprise a ajouté, à côté de sa signature apposée sur l'avenant, une remarque manuscrite indiquant : sous réserve suivante : le présent avenant ne couvre pas l'ensemble des sommes dues du fait des travaux réalisés au titre du marché et ne peut emporter renonciation à recours , la SOCIETE LOCATELLI n'est pas fondée à réclamer le paiement des travaux supplémentaires effectués ;

Considérant en troisième lieu, que, si la société requérante allègue divers surcoûts, liés à la prolongation de la durée du marché, à la location de grues complémentaires et d'une tour escalier, à l'augmentation du prix des métaux, et à des pertes de rentabilité du fait de l'impossibilité de réaliser l'escalier et les dalles du hall, et du fait de la démobilisation des équipes spécialisées à l'avancement des bâtiments, il ne ressort pas des pièces produites devant le tribunal ou devant la Cour que lesdits surcoûts seraient imputables au fait du maître d'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la SAIEM B tirée de l'application en l'espèce de l'article 14-4 du cahier des clauses administratives générales relatif au règlement du prix des travaux non prévus, que la SOCIETE LOCATELLI n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE LOCATELLI demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par la société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon au titre de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE LOCATELLI une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE LOCATELLI est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE LOCATELLI versera à la société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE LOCATELLI et à la société anonyme immobilière d'économie mixte de la ville de Besançon

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N° 08NC00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00637
Date de la décision : 28/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL MONOD - TALLENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-05-28;08nc00637 ?
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