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23/03/2009 | FRANCE | N°07NC00637

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 mars 2009, 07NC00637


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2007, complétée par un mémoire enregistré le 13 juin 2008, présentée pour la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE, dont le siège est 24 rue de la Montat - BP 306 à Saint-Etienne Cedex (42008), par la SCP d'avocats Joseph Aguera et associés ;

La SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502442 en date du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 avril 2005 par laquelle l'inspect

eur du travail lui a refusé l'autorisation de licencier M. Z, ensemble la dé...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 mai 2007, complétée par un mémoire enregistré le 13 juin 2008, présentée pour la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE, dont le siège est 24 rue de la Montat - BP 306 à Saint-Etienne Cedex (42008), par la SCP d'avocats Joseph Aguera et associés ;

La SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502442 en date du 27 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 19 avril 2005 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licencier M. Z, ensemble la décision en date du 20 octobre 2005 par laquelle le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

Elle soutient que :

- la décision du ministre n'est pas suffisamment motivée, ne précisant pas le lien éventuel entra le licenciement et le mandat détenu ;

- le ministre a commis une erreur en estimant que la faute commise n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. Z au motif que celui ci n'était pas l'instigateur du système de remises injustifiées ; le fait qu'il ait profité indûment et en pleine connaissance de cause depuis de nombreuses années d'un système qu'il savait être frauduleux caractérise, compte tenu de son ancienneté, de sa parfaite connaissance des procédures de remises et de la place dans la hiérarchie de l'intéressé, une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- l'employeur n'a eu connaissance des faits fautifs que le 25 février 2005, à la suite d'un audit réalisé dans le magasin du 22 au 25 février 2005 ; il a mis en oeuvre la procédure de licenciement dès le 8 mars 2005 et la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail ne peut ainsi lui être opposée ; en outre le directeur du magasin a également été licencié pour avoir bénéficié de ce système de remises injustifiées ;

- le comportement répréhensible était tout autant proscrit par le règlement intérieur de 1993 que par celui de 2003 ;

- si une procédure de validation par le directeur d'une remise bénéficiant au personnel date de juillet 2005, les informations afférentes aux remises pratiquées ont toujours été exigées ;

- ni les règles internes de fixation des prix ni une prétendue volonté de réduire le personnel ne sont en cause dans cette affaire ;

- les matériels pour lesquels l'intéressé a sollicité et obtenu de fortes remises ont été achetés en période de solde mais n'étaient pas des articles soldés ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 6 août 2007, 17 avril et 24 juillet 2008, présentés pour M. Z demeurant ... par Me Bentz

avocat ; M. Z conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail comme celle du ministre qui la confirme sont parfaitement motivées ;

- les règles relatives aux informations devant apparaître lors des remises ne sont en pratique jamais respectées ; les variations de prix sont anarchiques ; la revente à perte est couramment pratiquée ;

- la procédure de validation par le directeur d'une remise bénéficiant au personnel date de juillet 2005 ;

- les achats litigieux datent du 23 août 2004 et les règles internes de contrôle permettaient à l'employeur d'en avoir connaissance dès le lendemain ; ainsi qu'il résulte de la procédure de licenciement concernant l'ancien directeur, celui ci a été informé d'anomalies dans la pratique des remises dès octobre 2004 ; la prescription prévue par les dispositions de l'article L.122-44 du code du travail doit donc s'appliquer ;

- chacun des achats incriminés a bénéficié d'une remise justifiée et conforme aux règles internes du magasin ; le téléphone était proposé dans les mêmes conditions aux clients du magasin ; les climatiseurs n'était plus vendables à cette période de l'année et devaient être déstockés ; les attestations produites sont contradictoires ;

- le licenciement litigieux a en fait pour objet de se débarrasser de salariés anciens dont le salaire plus élevé pèse sur la rentabilité de l'entreprise ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 2009 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Considérant qu'en vertu des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE exploite un hypermarché Géant situé à Epinal ; que le directeur de cette société a demandé l'autorisation de licencier, pour motif disciplinaire, M. Z, chef de groupe et par ailleurs membre du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, pour avoir bénéficié de remises injustifiées, en dehors de toute procédure ; que par décision du 19 avril 2005, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée au motif que les achats en cause ne peuvent être considérés comme des agissements fautifs ; que le ministre a, par décision du 20 octobre 2005, confirmé cette décision au motif que les achats reprochés ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement ; que la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE demande l'annulation de ces deux décisions ;

Considérant, en premier lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, que le ministre n'était pas tenu de se prononcer sur un lien éventuel entre le licenciement et le mandat, dès lors que le refus d'autorisation de licenciement était fondé sur l'absence de faute d'une gravité suffisante ; que la décision du ministre qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement, répond, ainsi, à l'obligation de motivation imposée par la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'instar d'autres personnels, notamment d'encadrement, du magasin géant Casino d'Epinal, M. Z, employé depuis 1998 dans cet établissement, a acquis divers matériels à des prix dérisoires en profitant d'un système de remises injustifiées pratiqué avec une certaine ampleur au sein de l'établissement ; que l'intéressé a ainsi acquis un téléphone sans fil et un climatiseur pour des montants respectifs de

15 euros et 50 euros, alors que les prix affichés au public étaient de 79 et 299 euros ; que les bons de commande afférents à ces articles ne mentionnaient pas les raisons pour lesquelles les démarques avaient été accordées ; que l'autorisation du directeur, requise par le règlement intérieur pour l'octroi de ces remises n'a pas été sollicitée ; que, toutefois, la responsable du service bazar reconnaît avoir soldé des téléphones et que certains clients auraient bénéficié d'une remise identique à celle qui a profité à M. Z ; qu'en outre, les climatiseurs ont été retirés de la vente et vendus aux membres du personnel au tarif de 50 euros, à la seule initiative de la responsable de service ; que si M. Z a commis une faute en acceptant d'acheter un article sans respecter les procédures de démarque, il ressort des pièces du dossier que le directeur de l'établissement connaissait l'existence d'un système organisé de remises injustifiées en dehors de toute procédure ; que si le système a été développé en concertation avec un certain nombre de membres de l'encadrement du magasin, il n'est pas établi que M. Z aurait participé activement à ce système ; que dans ces conditions, et à supposer même que M. Z serait en seconde place dans l'ordre hiérarchique du supermarché, les premiers juges n'ont pas commis d'erreur en estimant que la faute commise n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. Z prises au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE à M. Z et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

2

07NC00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00637
Date de la décision : 23/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : BENTZ-VIRY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-03-23;07nc00637 ?
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