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19/03/2009 | FRANCE | N°08NC00781

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 19 mars 2009, 08NC00781


Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2008, présentée par le PREFET DE LA HAUTE SAÔNE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800189 du 7 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté en date du 23 janvier 2008 refusant à M. Y le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le Bangladesh comme pays de renvoi et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de

rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Besa...

Vu la requête, enregistrée le 30 mai 2008, présentée par le PREFET DE LA HAUTE SAÔNE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800189 du 7 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté en date du 23 janvier 2008 refusant à M. Y le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le Bangladesh comme pays de renvoi et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Y devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Le PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE soutient que :

- le refus de titre de séjour n'a pas été pris à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. Y ne souffre pas d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité ; par suite, la décision obligeant M. Y à quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. Y le titre demandé ;

- le projet de mariage de M. Y avec une ressortissante française ne saurait suffire à caractériser une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de ladite convention ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqué ;

Vu, enregistré le 16 juillet 2008, le mémoire en réponse présenté pour M. Y par Me Bertin ; M. Y conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre principal, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision avec remise sous huit jours d'un récépissé donnant droit au travail ;

3°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour donnant droit au travail et de réexaminer sa demande ;

4°) à la condamnation du préfet à lui verser la somme de 1 100 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour a été pris après une procédure irrégulière dès lors que l'avis du médecin inspecteur de la santé publique est insuffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir discrétionnaire en s'estimant lié par l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il souffre d'une pathologie dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ainsi qu'en attestent des certificats médicaux et un accident médical récent ;

- le refus de titre viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il entretient depuis 2004 une relation stable avec une ressortissante française ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le titre demandé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en violation des stipulations de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le Bangladesh comme pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2009 ;

- le rapport de M. Vincent, président de chambre,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que M. Y, originaire du Bangladesh, est entré irrégulièrement en France le 30 septembre 2000 et a sollicité en vain l'asile politique, qui lui a été refusé par décision du 19 février 2001 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 11 décembre 2001 par la commission des recours des réfugiés ; que l'intéressé a bénéficié à compter de septembre 2003 de titres de séjour délivrés sans discontinuité jusqu'au 27 septembre 2007 en qualité d'étranger malade, dont le PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE a refusé le renouvellement par décision du 28 janvier 2008 ; que si l'intéressé fait valoir la durée de sa présence en France et le caractère régulier de celle-ci pour la plus grande partie, ces circonstances résultent, pour l'essentiel de la période en cause, de la seule obligation de l'administration d'accorder un titre de séjour aux étrangers dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité et qui ne peuvent recevoir les soins appropriés dans leur pays d'origine, et ce sans limitation de durée globale ; que, quelle que soit son importance, la seule durée du séjour en France pour un tel motif ne saurait, s'il y est mis fin dès lors que les conditions prévues à cet effet ne sont plus réunies, caractériser une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que si M. Y ajoute qu'il vit en concubinage depuis 2006 avec une ressortissante française avec laquelle il envisagerait de se marier, qu'il a bénéficié de cours de français à sa demande et d'actions de formation en vue d'un recrutement au sein d'un établissement commercial, suivi d'un contrat d'une durée de six mois, ces seules circonstances ne sont pas de nature à établir que le PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE aurait, par décision attaquée, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il s'ensuit que le PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler sa décision susrappelée, le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur le motif tiré de la violation de ces stipulations ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y devant le Tribunal administratif de Besançon et devant la Cour ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 susvisé relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : (...) Le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; - et la durée prévisible du traitement. Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. ;

Considérant que le médecin inspecteur de santé publique, saisi sur le fondement des dispositions précitées, a émis le 13 décembre 2007 l'avis suivant concernant la demande de renouvellement du titre de séjour de M. Y : Il ne semble pas exister de pathologie nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'offre de soins dans son pays d'origine est probablement insuffisante (pas de fiche pays). La durée des soins sera fonction de l'évolution ;

Considérant que la décision du PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE mentionne que l'avis du médecin inspecteur précise qu'il ne semble pas exister de pathologie nécessitant une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en reprenant mot à mot et par citation expresse la partie de l'avis précité du médecin relative à la gravité de l'affection dont souffre M. Y , au surplus motivé de façon imprécise, le PREFET DE LA HAUTE-SAÔNE a entendu implicitement mais nécessairement se conformer à cet avis sans exercer le pouvoir d'appréciation qui lui appartient et a ainsi méconnu l'étendue de sa propre compétence ; que, par suite, M. Y est fondé, par ce seul motif, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAÔNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 23 janvier 2008 par lequel il a refusé de renouveler le titre de séjour de M. Y, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il résulte des motifs de la décision qui précède qu'il y a lieu, dans un délai d'un mois à compter de la notification de celle-ci, d'enjoindre le PREFET DE LA HAUTE-SAÔNE de délivrer à M. Y une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros que demande M. Y au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE est rejetée.

Article 2 : Le PREFET DE LA HAUTE- SAÔNE est enjoint, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de délivrer à M. Y une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait à nouveau statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat versera à M. Y la somme de 1 100 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Gulam Y.

2

N° 08NC00781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00781
Date de la décision : 19/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-03-19;08nc00781 ?
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