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19/03/2009 | FRANCE | N°07NC01458

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 19 mars 2009, 07NC01458


Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2007, présentée pour M.Daniel X, demeurant ..., par Me Philippides ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0401638 du 30 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement accueilli sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les conséquences dommageables résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 3 mai 2001 dans le service de chirurgie maxilo-faciale et réparatrice de cet établissement en lui accordant une indemnité de

14 063,75 € ;

2° ) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasb...

Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2007, présentée pour M.Daniel X, demeurant ..., par Me Philippides ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0401638 du 30 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement accueilli sa demande tendant à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à réparer les conséquences dommageables résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 3 mai 2001 dans le service de chirurgie maxilo-faciale et réparatrice de cet établissement en lui accordant une indemnité de 14 063,75 € ;

2° ) de condamner les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser une indemnité de 168 683,65 € ;

3°) de mettre la somme de 10 000 € à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient :

- que le défaut d'information concernant les risques de perforation et la perforation effective de racines de ses deux dents est à l'origine directe et exclusive de toutes les suites opératoires et des séquelles qu'il présente aujourd'hui ; qu'il a perdu une chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé ; qu'il n'a pas non plus été informé que des vis avaient dû être posées dans ses racines pour maintenir l'appareil d'ostéosynthèse ;

- que le préjudice subi doit être intégralement réparé ; qu'il doit voir réparer les souffrances endurées par versement de la somme de 13 000 €, le préjudice esthétique par la somme de 5 000 € et le préjudice d'agrément par une somme de 15 000 € ; qu'il a subi un préjudice matériel du fait du fléchissement après 2001 des bénéfices de son entreprise et de la dévalorisation des actions qu'il a cédées en 2004 ; que cette perte de chance doit être réparée par une indemnité de 100 000 € ; qu'il a exposé des frais médicaux d'un montant de 33 927,65 € qui n'ont pas été remboursés par la caisse primaire d'assurance maladie ; qu'il a exposé des frais de taxi d'un montant de 1 756 € ; que tous les soins postérieurs au 21 juin 2006 devront également être pris en compte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2007, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg par la SCP d'avocats Michel, Frey-Michel, Bauer et Berna : elle conclut, par voie d'appel provoqué, à la condamnation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg à lui verser la somme de 76 065,92 € ; elle soutient que cette somme correspond à ses débours ; que son recours s'exerce concomitamment à celui de la victime s'agissant des frais réels qu'elle a exposés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2008, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg par Me Le Prado ; ils concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, ainsi que du jugement avant-dire droit du 22 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg les a déclarés responsables des conséquences dommageables subies par M. X en rapport avec le défaut d'information et au rejet de la demande de première instance de ce dernier et de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg ; ils soutiennent :

- qu'aucun devoir d'information ne pesait sur le centre hospitalier au égard au très faible taux d'incapacité permanente partielle ;

- qu'au surplus, en toute hypothèse, un défaut d'information fautif n'est à l'origine d'aucune perte de chance dès lors qu'il n'y avait aucune alternative thérapeutique ; que le manquement au devoir d'information ne vise que la faute commise antérieurement à l'acte médical envisagé ; que le requérant ne prouve pas que le praticien lui aurait dissimulé que les complications survenues étaient directement liées aux perforations de ses deux dents ; que le praticien n'avait aucune raison de supposer une relation de cause à effet entre les épisodes infectieux post-opératoires et l'atteinte aux racines dentaires par les vis d'ostéosynthèse ; que l'expert présente cette relation comme une hypothèse probable ;

- que, même s'il avait été avisé du risque de perforation des racines par le matériel ostéosynthèse, il est fort improbable que le requérant aurait renoncé à cette intervention, qui restait la seule solution effective pour éviter les complications cardio-vasculaires et cérébrales auxquelles l'expose le syndrome des apnées obstructives du sommeil dont il souffrait ;

- qu' à titre subsidiaire, la fraction d'un 1/5ème du préjudice n'a pas à être majorée ; que M. X n'établit pas avoir subi un préjudice esthétique ni un préjudice d'agrément ; que le pretium doloris a été évalué à un niveau suffisant et conforme à la jurisprudence ; que le requérant n'établit pas le lien de causalité entre les mauvais résultats de son entreprise et l'intervention médicale litigieuse et ne justifie pas le montant avancé ; que la réalisation des actes dont il demande le remboursement a eu lieu après la date de consolidation ; que le remboursement des frais de taxi doit être également écarté, M. X n'établissant pas que ces frais seraient liés à l'intervention chirurgicale et non à sa pathologie initiale ;

- que les conclusions de la caisse primaire tendant à sa condamnation à lui verser l'intégralité des débours exposés ne peuvent être accueillies, le préjudice indemnisable ne correspondant qu'à 1/5° du préjudice total ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 20 octobre 2008, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg, qui fait en outre valoir que les frais dont le remboursement est demandé sont directement liés aux conséquences de l'intervention critiquée et non pas à la pathologie étrangère au fait fautif ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2009, présenté pour les Hôpitaux universitaires de Strasbourg ; ils concluent, à titre principal, aux mêmes fins que leurs précédentes écritures, et à titre subsidiaire, à ce que l'indemnité due à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg soit limitée à 6 991,10 € et celle de M. X à

7 602,13 € ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 février 2009, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que sa requête, au rejet de l'appel incident présenté par les Hôpitaux universitaires de Strasbourg et à ce que l'indemnité à lui verser soit portée à 208 483,65 € ;

Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture d'instruction de la présente affaire au 5 février 2009 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2009 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Considérant que M. X, alors âgé de 56 ans, a subi le 3 mai 2001 une intervention chirurgicale en vue de réaliser une ostéotomie maxillo-mandibulaire, un blocage inter-maxillaire et une ostéosynthèse par plaques vissées avec mise en place d'un greffon osseux destinée à traiter un syndrome sévère des apnées obstructives du sommeil ; qu'éprouvant de violentes douleurs et présentant un foyer infectieux dans la mâchoire, M. X a subi une première intervention sous anesthésie locale le 10 juillet 2001 pour soigner l'abcès, une seconde opération le 24 juillet 2001 pour le retrait du matériel d'ostéosynthèse mis en place le

3 mai 2001, l'ablation de deux molaires les 10 et 21 août 2001 et, les douleurs persistant, une dernière intervention en octobre 2001 pour extraire des « séquestres osseux » ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux rapports d'expertise produits à l'instance, que l'intervention a été pratiquée conformément aux connaissances de la science médicale et que les épisodes infectieux dont M. X a été victime ne procèdent pas d'un geste fautif ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'une faute médicale serait à l'origine du préjudice subi ;

Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui n'ont apporté aucune preuve contraire, doivent être regardés comme n'ayant pas informé M. X du risque d'infection et de perforation des racines dentaires à proximité de la plaque d'ostéosynthèse que comportait l'opération envisagée ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager leur responsabilité ;

Considérant toutefois que le défaut d'information, s'il est fautif, n'engage la responsabilité de l'hôpital que dans la mesure où il prive le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l'intervention ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise déposé le 4 décembre 2006, que le syndrome d'apnée du sommeil dont était victime M. X nécessitait impérativement un traitement et qu'à défaut, l'intéressé s'exposait à des complications cardiaques et vasculaires, à un grave état d'asthénie et à un risque de somnolence diurne de nature à le mettre en danger ; qu'il n'existait par ailleurs pas d'alternative thérapeutique moins risquée que l'intervention chirurgicale effectuée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg sont fondés à soutenir, par voie d'appel incident, que la faute qu'ils ont commise n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour M. X de se soustraire au risque qui s'est réalisé et, par suite, à demander l'annulation du jugement avant dire droit par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg les ont déclarés responsables des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie le 3 mai 2001 par M. X, et, par voie de conséquence, du jugement du 30 août 2007 fixant le préjudice indemnisable subi par l'intéressé ; qu'il s'ensuit que les demandes de M. X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg présentées devant le tribunal administratif, ainsi que leurs conclusions présentées devant la Cour tendant à la réformation de ce dernier jugement, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'affaire, de laisser les frais des deux expertises ordonnées en première instance, taxés et liquidés respectivement par ordonnances du président du Tribunal administratif de Strasbourg en date des 14 octobre 2002 et 24 mai 2007 à la somme globale de 1 305 €, à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Strasbourg en date des 22 novembre 2005 et 30 août 2007 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg et la requête d'appel de M. X sont rejetées.

Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel provoqué de la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg sont rejetées.

Article 4 : Les frais d'expertise exposés en première instance, taxés et liquidés à la somme de 1 305 €, sont mis à la charge des Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Daniel X, à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg et aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

.

2

N°07NC01458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01458
Date de la décision : 19/03/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS 4 QUAI STURM 4

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-03-19;07nc01458 ?
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