Vu la requête, enregistrée le 18 février 2007, présentée pour la SOCIETE BUCZEK, dont le siège social est 19 rue Monseigneur Georges Béjot à Reims (51100), par Me Desgrippes ; la SOCIETE BUCZEK demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200697 du 7 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons en Champagne, d'une part, l'a solidairement condamnée avec les maîtres d'oeuvre MM.X et Y, architectes, et la SA Pingat-Ingénierie, la SARL Emebat et la SNC Sotram-Construction à réparer sur le fondement de la garantie décennale les désordres affectant les cabines de douches de l'internat du lycée professionnel Gustave Eiffel appartenant à la région Champagne-Ardenne qui a fait l'objet d'une opération de restructuration et d'extension en 1992 et 1993, à payer les dépens de l'instance et une somme de 900 € à la région Champagne-Ardenne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, à garantir la SNC Sotram-Construction solidairement avec les maîtres d'oeuvre MM.X et Y, architectes, et la SA Pingat-Ingénierie et la SARL Emebat à hauteur de 80% des condamnations précitées ;
2°) de rejeter la demande de la région Champagne-Ardenne devant le tribunal administratif et, subsidiairement, les conclusions en garantie dirigées contre elle ;
3°) subsidiairement, de réformer le jugement en limitant sa responsabilité à 4 % dans la réparation des désordres affectant les douches ou, à tout le moins, à une part qui ne saurait excéder celle de l'entreprise Sotram Construction, de juger que seules 23 douches sur 45 sont concernées par les désordres et que la région Champagne-Ardenne n'a pas justifié son préjudice au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre et des primes d'assurance dommages-ouvrage ;
Elle soutient que :
- les désordres affectant les douches étant apparents lors de la réception, la garantie décennale des constructeurs ne pouvait être engagée ;
- les désordres affectant les douches ne lui sont pas imputables ;
- à supposer qu'elle existe, sa responsabilité est mineure, comme l'expert le reconnaît ; sa part de responsabilité ne peut être supérieure à 4% ou, au plus, à celle de l'entreprise Sotram Construction ;
- la faute du maître d'ouvrage n'a à tort pas été retenue ;
- le montant de la réparation retenue par les premiers juges est excessif ; seules 23 des 45 douches présentaient des désordres lorsque l'expert a procédé à un examen contradictoire des lieux le 27 octobre 1999 ; la région n'a pas justifié des frais de maîtrise d'oeuvre sollicités et de la prime d'assurance dommages-ouvrage ;
- elle n'aurait pas dû être condamnée solidairement à garantir la société Sotram qui, de plus, a sous-traité la pose des carrelages ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires enregistrés le 10 janvier 2008 et 9 février 2009, présentés pour MM.X et Y, architectes, par Me Morel, qui conclut à ce que la Cour :
1°) confirme le jugement en ce qu'il a écarté la responsabilité décennale des constructeurs à raison des désordres affectant l'installation de gaz et jugé que les désordres affectant les douches engageaient la responsabilité décennale des constructeurs ;
2°) réforme le jugement et réduise l'indemnisation accordée à la région Champagne-Ardenne en jugeant que celle-ci ne peut prétendre qu'à la réparation de 23 douches, que le coût de réparation doit être fixé à la somme de 2 321,19 € par douche, que soit imputé une part de responsabilité de 25 % à la région, que les demandes relatives aux frais d'assurance dommages-ouvrage soient rejetées et les frais de maîtrise d'ouvrage fixés à 10 % du montant des travaux, la réparation due à la région étant ainsi limitée à 52 677,29 € ;
3°) condamne solidairement la SA Pingat-Ingénierie, la SARL Emebat, la SNC Sotram-Construction et la SOCIETE BUCZEK à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre ;
4°) mette à la charge solidaire de la SA Pingat-Ingénierie, de la SARL Emebat, de la SNC Sotram-Construction et de la SOCIETE BUCZEK une somme de 5.000 € en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance ;
Ils soutiennent que :
- si les désordres étaient apparents concernant l'installation de gaz, ils ne l'étaient pas pour les douches ;
- l'indemnisation accordée à la région Champagne-Ardenne est excessive ;
- leurs conclusions d'appel en garantie figurant dans leurs mémoires enregistrés les 11 février 2003 et 18 novembre 2004 étaient motivées ; le tribunal ne pouvait les rejeter pour absence de motivation ; les autres constructeurs mis en cause par la région Champagne-Ardenne sont à l'origine des désordres affectant les douches ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 février 2009, présenté pour la société Sotram par Me Hyonne, qui demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête et les conclusions d'appel provoqué de MM.X et Y en tant qu'elles sont dirigées contre elle ;
2°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement en limitant l'indemnisation de la région Champagne-Ardenne à 98 % des dommages qu'elle a subis, en diminuant sa part de responsabilité à 4 % des désordres et de condamner MM. X et Y, les sociétés Pingat, Emebat, Norisko et BUCZEK à la garantir à hauteur de 96 % des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge solidaire de MM. X et Y, des sociétés Pingat, Emebat, Norisko et BUCZEK une somme de 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la région Champagne-Ardenne a commis une faute partiellement à l'origine des désordres ;
- sa responsabilité est extrêmement limitée comme l'a constaté l'expert ;
- le tribunal a commis une erreur en ne retenant pas la responsabilité de la société Norisko, qui vient aux droits de la société AIF Services ;
Vu les mémoires, enregistrés les 10 et 25 février 2009, présentés pour la région Champagne-Ardenne par Me Duczynski-Lechesne, qui conclut au rejet de la requête et des appels provoqués des architectes et des sociétés Sotram construction et Pingat et à ce qu'une somme de 3 000 € soit mise à la charge solidaire de la SOCIETE BUCZEK, de MM. X et Y et des sociétés Pingat, Emebat et Sotram, en application de l'article L .761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les désordres n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage ;
- elle n'a commis aucune faute qui aurait aggravé les désordres ;
- les désordres sont pour partie imputables à la société appelante ;
- l'évaluation du coût de reprise des désordres n'est pas excessive ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2009, présenté pour la société Pingat Ingénierie par Me Morer, qui conclut au rejet de la requête, au rejet des conclusions d'appel provoqué des autres parties en tant qu'elles sont dirigées contre elle et, à titre subsidiaire, à ce que MM. X et Y et les sociétés Norisko, BUCZEK, Emebat, Nogas et Sotram la garantissent des condamnations prononcées à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2009 :
- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Sur l'appel principal de la SOCIETE BUCZEK :
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des énonciations du rapport de l'expert désigné en référé que les vices à l'origine des désordres affectant certaines douches des bâtiments E et F du lycée professionnel Gustave Eiffel situé à Reims, rendant, par leur importance, l'internat impropre à sa destination, sont apparus postérieurement à la réception des travaux qui s'est achevée le 18 mai 1994 ; qu'ils ne pouvaient ainsi être regardés comme apparents et couverts par la réception des travaux prononcée sans réserves ; que les infiltrations des parois des douches causant leur pourrissement sont en partie imputables au défaut d'étanchéité du joint mis en place par la SOCIETE BUCZEK, titulaire du lot n° 6 « plomberie », entre le receveur de douche et le pourtour du socle carrelé, l'eau remontant ainsi par capillarité dans les cloisons ; que, par suite, conformément à ce qu'a jugé le tribunal, la région Champagne-Ardenne était fondée à rechercher à raison de ces désordres, en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, la responsabilité des constructeurs et notamment de la SOCIETE BUCZEK, sans que cette dernière soit fondée à se prévaloir de l'imputabilité de l'essentiel des désordres affectant les douches à la SARL Emebat, titulaire du lot n° 5 « menuiserie », qui a utilisé un matériel inapproprié, et à demander en conséquence que sa responsabilité soit écartée ou limitée ; que si la région Champagne-Ardenne a installé des portes aux cabines de douche à la place des rideaux initialement prévus sans prévoir un joint d'étanchéité entre lesdites portes et les cloisons, il résulte des conclusions du rapport de l'expertise que cette initiative n'a pas aggravé les phénomènes d'infiltrations susdécrits ; que le maître d'ouvrage n'a, par suite, pas commis une faute de nature à exonérer les constructeurs d'une partie de leur responsabilité ;
En ce qui concerne la réparation :
Considérant, d'une part, que si l'expert a constaté lors de la visite des lieux qu'il a opérée le 27 octobre 1999 que seules 23 des 45 douches installées étaient atteintes d'une humidité telle qu'elles étaient devenues impropres à leur destination, il a clairement affirmé dans son rapport définitif que l'extension à moyen terme du phénomène d'infiltration à l'ensemble des 45 douches était prévisible, les mêmes erreurs de conception et de réalisation ayant été commises ; que, s'agissant de désordres de même origine que ceux dont la région Champagne-Ardenne avait sollicité la réparation, le Tribunal a pu légalement en déduire que la réfection de l'ensemble des 45 cabines de douche concernées entrait dans le champ de la garantie décennale, alors même que l'ensemble de ces sanitaires n'avaient pas été rendus impropres à leur destination pendant le délai de dix ans ayant couru à partir de la réception des travaux en 1994 ;
Considérant, d'autre part, que c'est à bon droit que la région Champagne-Ardenne a intégré dans le préjudice dont elle demandait réparation une somme correspondant aux frais de maîtrise d'oeuvre afférents aux travaux à engager pour remédier auxdits désordres ; qu'en admettant même que la région intimée n'était pas tenue légalement de souscrire l'assurance dommages-ouvrage prévue par l'article L. 242-1 du code des assurances, qui n'est obligatoire que pour les locaux d'habitation, elle pouvait inclure cette prime dans le coût de reprise des désordres, dès lors qu'elle avait assumé une telle charge ; qu'au surplus, la SOCIETE BUCZEK n'établit pas ni même n'allègue que le tribunal aurait fait une évaluation excessive de ces deux chefs de préjudice ;
En ce qui concerne la contribution de la SOCIETE BUCZEK à la charge définitive de la réparation :
Considérant que, quelle que soit la part de responsabilité qu'ait la SOCIETE BUCZEK dans les désordres affectant les cabines de douches, le tribunal a, à juste titre, condamné solidairement les autres constructeurs et la SOCIETE BUCZEK à garantir, à sa demande, la société Sotram-Construction à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ainsi qu'à lui verser 900 € au titre de frais irrépétibles ; qu'il incombait à la société appelante, s'il elle s'y croyait fondée, de former elle-même des conclusions en garantie contre les autres constructeurs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BUCZEK n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée, d'une part, solidairement avec MM. X et Y et les sociétés Pingat, Emebat et Sotram, à payer une somme de 163 008,21 € à la région Champagne-Ardenne en réparation des désordres, à supporter la charge des dépens et à verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, solidairement avec MM. X et Y et les sociétés Pingat et Emebat, à garantir la société Sotram à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les appels provoqués de MM.X et Y, architectes, de la société Pingat Ingénierie et de la société Sotram :
Considérant que MM. X et Y, architectes, et les sociétés Pingat Ingénierie et Sotram ne voyant pas leur situation aggravée par le présent arrêt, leurs conclusions d'appel provoqué dirigées contre la région Champagne-Ardenne et les autres constructeurs, enregistrées postérieurement à l'expiration du délai d'appel, ne sont pas recevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d'une part, qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SOCIETE BUCZEK à payer à la région Champagne-Ardenne une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Sotram en tant qu'elles sont dirigées contre la SOCIETE BUCZEK ; que ladite société n'étant pas partie perdante vis-à-vis de MM. X et Y, contre lesquels elle ne dirige aucune conclusion, ne saurait par ailleurs être condamnée à leur profit sur ce fondement ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions dirigées par la région Champagne-Ardenne à l'encontre de MM. X et Y et des sociétés Sotram et Pingat ; que la société Emebat ne dirigeant aucune conclusion contre elle, ne peut par ailleurs voir mettre à sa charge une somme au titre des frais exposés par la région Champagne-Ardenne et non compris dans les dépens ;
Considérant, enfin, que MM. X et Y et la société Sotram n'étant pas parties perdantes vis-à-vis de chacun d'eux, leurs conclusions réciproques tendant à l'allocation des frais non compris dans les dépens doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la SOCIETE BUCZEK est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE BUCZEK versera une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) à la région Champagne-Ardenne en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE BUCZEK, à MM.X et Y, à la SA Pingat-Ingénierie, à la SARL Emebat, à la SNC Sotram-Construction et à la région Champagne-Ardenne.
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N0°07NC00072