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04/02/2009 | FRANCE | N°08NC00220

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 février 2009, 08NC00220


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0705247 en date du 17 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a d'une part annulé l'arrêté en date du 16 octobre 2007 par lequel il a refusé de délivrer à M. Veysel Y un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'autre part lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention « vie priv

e et familiale » ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Veysel Y devant le Tr...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2008, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0705247 en date du 17 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a d'une part annulé l'arrêté en date du 16 octobre 2007 par lequel il a refusé de délivrer à M. Veysel Y un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et d'autre part lui a enjoint de délivrer à l'intéressé un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Veysel Y devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Il soutient que :

- le Tribunal a commis une erreur de droit en lui enjoignant de délivrer à M. Y un titre dès lors qu'il ne remplit pas les conditions légales pour l'obtenir ;

- c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'en refusant à M. Y un titre de séjour il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2008, présenté pour M. Y, demeurant 28 rue Schwilgue à Mulhouse (68200), par Me Sedira ;

Il conclut :

- au rejet de la requête,

- à la confirmation du dispositif de première instance,

- à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- qu'il remplit les conditions prévues aux dispositions de l'article L. 313-13 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'en tout état de cause, la jurisprudence admet l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors même que l'étranger pourrait bénéficier du regroupement familial ;

- que l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant fait obstacle à ce qu'il soit séparé de son enfant ;

- qu'eu égard à la durée et à la stabilité de son union avec une ressortissante turque en situation régulière en France, l'arrêté du préfet portait à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, en date du 17 juin 2008, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy admettant M. Y au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 :

- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,

- les observations de Me Sedira, avocat de M. Y,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que M. Y soit susceptible de bénéficier du regroupement familial ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitées ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y s'est marié le 14 octobre 2006 avec une compatriote turque, titulaire d'une carte de résident de dix ans, dont la famille réside régulièrement en France et avec laquelle il a eu un enfant né en France le 27 octobre 2006 ; que son épouse, suite à un accident de la circulation, s'est vue reconnaître la qualité d'handicapée, avec un classement en catégorie C et un taux d'invalidité de 80 % ; que dans ces conditions, alors même que le mariage était, à la date de la décision contestée, récent et que M. Y aurait pu solliciter le bénéfice du regroupement familiale, c'est à bon droit, compte tenu de l'importance de la présence de M. Y au soutien de sa famille, non contestée, que le Tribunal a annulé la décision attaquée au motif qu'elle portait une atteinte excessive au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'exécution d'un jugement annulant un refus de titre de séjour au motif que ce refus porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des exigences de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique au moins, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; que par suite, le Tribunal, en l'absence d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, n'a commis aucune erreur de droit en enjoignant au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. Y un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » alors même que l'intéressé ne remplit pas les conditions légales pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-11 7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 16 octobre 2007 ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi, et lui a enjoint de délivrer à M. Y une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » ; que, par suite, sa requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, M. Y n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. Y n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. Y tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Veysel Y et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 08NC00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00220
Date de la décision : 04/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Véronique GHISU-DEPARIS
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SEDIRA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-02-04;08nc00220 ?
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