Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2007 au greffe de la Cour, présentée pour M. Claude Roger X, demeurant ..., par Me Larère, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500485 en date du 19 octobre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision, en date du 20 décembre 2004, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile et d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal a considéré que l'examen de sa demande d'asile ne relevait pas, en application de l'article 10 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, de la responsabilité de l'Etat français ;
- le préfet de Moselle n'a pas procédé à l'examen requis par les dispositions de l'article 3.2 du règlement (CE) n° 1560/2003 ;
- le Tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa requête alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet a vérifié si sa situation personnelle justifiait l'usage de son pouvoir dérogatoire ;
- la consultation du fichier EURODAC n'était pas nécessaire ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2007, présenté par le préfet de la Moselle ; le préfet conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- M. X ne justifie pas avoir séjourné sur le territoire français pendant une période continue d'au moins cinq mois avant l'introduction de sa demande d'asile ;
- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé en refusant de lui faire bénéficier des dispositions dérogatoires de l'article 3 § 2 du règlement CE n° 343/2003 ;
- le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation el qu'il est prévu par l'article 3 § 2 du règlement CE n° 343/2003 est inopérant ;
- en tout état de cause, la situation de M. X a fait l'objet d'un examen approfondi ;
- le caractère superfétatoire de la consultation du fichier EURODAC est inopérant ;
Vu, en date du 9 mars 2007, modifiée le 4 mai 2007, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Larère pour le représenter ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 ;
- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la loi du 25 juillet 1952 susvisée, en vigueur au jour de la décision contestée : « (...) Sous réserve du respect des dispositions de l'article 33 de la convention de Genève susmentionnée, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : 1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats (...) » ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 susvisé : « - 1. Les États membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'État membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) » ; qu'aux termes de l'article 10 du même texte : « 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, notamment des données visées au chapitre III du règlement (CE) no 2725/2000, que le demandeur d'asile a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. 2. Lorsqu'un État membre ne peut, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 18, paragraphe 3, que le demandeur d'asile qui est entré irrégulièrement sur les territoires des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant l'introduction de sa demande, cet État membre est responsable de l'examen de la demande d'asile. Si le demandeur d'asile a séjourné dans plusieurs États membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'État membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande. » ; qu'en vertu de l'article 15 du même texte : « Tout État membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet État membre examine, à la demande d'un autre État membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir. » ;
Considérant qu'il ressort des termes même de la décision contestée et plus particulièrement de l'utilisation de la mention « en conséquence » que le préfet, en refusant le séjour à M. X au motif que sa demande d'asile relevait de la responsabilité du Luxembourg, s'est abstenu d'apprécier la possibilité pour lui de faire usage de la dérogation prévue au paragraphe 2 de l'article 3 et à l'article 15 précités du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003 qui permet le transfert à l'Etat membre sur lequel l'étranger se trouve de la responsabilité de l'examen de la demande d'asile au sein de l'Union européenne ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à demander l'annulation d'une part, du jugement attaqué et d'autre part, de la décision, en date du 20 décembre 2004, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, d'une part, M. X n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 0500485 en date du 19 octobre 2006 susvisé est annulé.
ARTICLE 2 : La décision, en date du 20 décembre 2004, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé d'admettre M. X au séjour en qualité de demandeur d'asile est annulée.
ARTICLE 3 : Le surplus de la requête de M. X est rejeté.
ARTICLE 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
07NC00853
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