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22/01/2009 | FRANCE | N°08NC00373

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 janvier 2009, 08NC00373


Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2008, présentée pour M. Arsène X, demeurant chez Mlle Lita Y, à ..., par Me Bilendo ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702414 du 8 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 août 2007 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit a

rrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer le titre de séjour qu'il sol...

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2008, présentée pour M. Arsène X, demeurant chez Mlle Lita Y, à ..., par Me Bilendo ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702414 du 8 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 août 2007 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il remplissait les conditions prévues par l'article L. 313-11, 6°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour en qualité de père d'un enfant français résidant en France ;

- c'est en effet à tort que les premiers juges lui ont opposé la circonstance qu'il n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, Yoan Y, depuis au moins deux ans, alors que ses obligations à l'égard de cet enfant ne pouvaient être appréciées qu'à compter du 26 février 2006, date à laquelle il l'a reconnu ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens invoqué dans celle-ci n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 août 2008, présenté pour M. X, par Me Grésy ; M. X persiste dans ses conclusions et porte à 3 000 euros sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il demande en outre, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint au préfet de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente qu'il soit à nouveau statué sur sa demande ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car entaché d'une insuffisance de motivation ;

- compte tenu de sa situation personnelle et familiale, et alors même qu'il ne disposait pas d'un visa de long séjour, le préfet aurait dû soumettre sa situation à la commission du titre de séjour et a entaché son arrêté d'un vice de procédure à défaut de l'avoir fait ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée en droit, dans la mesure où elle ne cite pas le texte qui en constitue la base légale ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision refusant de lui accorder un titre de séjour et celle l'obligeant à quitter le territoire français ont été prises en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ces décisions ont également été prises en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- lesdites décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elles entraînent sur sa situation personnelle et familiale, eu égard aux circonstances : qu'il est présent en France depuis le 5 mars 2000, y est bien intégré et n'y trouble pas l'ordre public, qu'il vit maritalement depuis la fin de l'année 2004 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, dont il attend un enfant et qui est la mère d'un enfant de près de 4 ans dont il s'occupe, que l'équilibre de son fils Yoan impose également qu'il soit présent en France et continue à rencontrer les psychologues et les assistantes sociales du service d'aide sociale à l'enfance dans la perspective d'obtenir un droit de visite ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 septembre 2008, présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête au motif que les nouveau moyens présentés pour M. X dans son mémoire complémentaire doivent également être écartés ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 décembre 2008, présenté pour M. X, qui persiste dans ses conclusions et moyens et fait en outre valoir que sa compagne a donné naissance le 19 septembre 2008 à un enfant issu de leur union ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 décembre 2008 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, pour rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par M. X, le Tribunal, contrairement à ce que soutient le requérant, ne s'est pas borné à rappeler les faits allégués par le préfet de l'Aube dans ses écritures, mais a énoncé les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de son jugement qui est, par suite, suffisamment motivé ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit être rejeté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 août 2007 :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que si M. X soutient que le préfet aurait dû soumettre sa situation à la commission du titre de séjour et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée, ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public et se rattachent à la légalité externe de l'arrêté attaqué, reposent sur une cause juridique distincte de celle qui a servi de fondement à la demande présentée par l'intéressé au Tribunal, devant lequel seule la légalité interne de cet arrêté était contestée ; que ces moyens constituent dès lors une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant du moyen tiré de la violation des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit ... 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

Considérant que si M. X a reconnu le 20 février 2006 l'enfant de nationalité française qu'il a eu le 26 juillet 1997 de Mlle Y, les documents qu'il produit, à savoir des attestations dépourvues de tout caractère circonstancié et les photocopies des reçus concernant des versements qu'il aurait effectués à Mlle Y en faveur de leur enfant, ne suffisent pas à établir qu'il contribuait effectivement à l'éducation et à l'entretien de cet enfant, lequel a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine par une mesure de placement, renouvelée par une ordonnance du juge des enfants du 11 juillet 2006 qui n'accorde à Mlle Y qu'un « droit de visite médiatisé ... à raison d'une fois chaque période de vacances scolaires, et ce, à compter du 1er septembre 2006 » ; que les documents produits par M. X, au demeurant tous postérieurs à la date de la décision attaquée, qui attestent des contacts pris par lui avec les services en charge de son enfant, ne permettent pas davantage d'établir qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil ; qu'en outre, les premiers juges ont pu, sans commettre d'erreur de droit, considérer que la circonstance que M. X n'avait reconnu son fils que le 20 février 2006 ne faisait pas obstacle à ce que lui soit opposée la condition, prévue par l'article L. 313-11, 6°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon laquelle la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant doit avoir été assurée depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, condition que le requérant ne remplissait en tout état de cause pas à la date du 24 octobre 2007 à laquelle a été pris l'arrêté contesté ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aube aurait fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant d'accorder un titre de séjour à M. X sur leur fondement ;

S'agissant du moyen tiré de l'atteinte à la vie privée et familiale :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que si M. X, qui est entré en France le 5 mars 2000, fait valoir qu'il y est bien intégré et n'y trouble pas l'ordre public et soutient qu'il vit maritalement depuis la fin de l'année 2004 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, dont il attend un enfant et qui est la mère d'un enfant de près de 4 ans dont il s'occupe, il n'établit pas l'ancienneté de cette relation par les attestations non circonstanciées qu'il produit et qui ont été établies postérieurement à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris ; que la circonstance, postérieure à l'arrêté attaqué, que la compagne de M. X a donné naissance le 19 septembre 2008 à un enfant issu de leur union, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, l'arrêté du préfet de l'Aube en date du 24 octobre 2007 n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant que, compte tenu des circonstances de l'espèce rappelées ci-dessus, l'arrêté contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. X ;

S'agissant du moyen tiré de l'atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990, « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'entretenait pas, à la date de l'arrêté attaqué, de contacts directs avec l'enfant qu'il a eu de Mlle Y et qu'il n'a reconnu que le 20 février 2006, lequel, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avait été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine sans qu'un droit de visite soit accordé à son père ; que, dans ces circonstances, l'arrêté contesté, par lequel le préfet de l'Aube a refusé d'accorder au requérant un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 août 2007 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Arsène X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 08NC00373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08NC00373
Date de la décision : 22/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : BILENDO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-01-22;08nc00373 ?
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