Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 avril 2007, présentée pour la COMMUNE DE CHOOZ (08600) par la SCP d'avocats Ledoux-Ferry-Yahiaoui-Riou-Jacques ; la COMMUNE DE CHOOZ demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0201150 du 8 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée, à la demande de M. X, a indemniser ce dernier suite à l'accident dont il a été victime le 31 mars 2001 sur le trottoir devant le 14 rue Paul Emile Janson ;
2°) de rejeter la demande formée par M. X devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société SADE et de condamner ladite société à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
Elle soutient que :
- l'existence d'un défaut d'entretien normal n'est pas avérée ; une barrière signalait la présence des travaux ;
- le lien de causalité entre le défaut d'entretien normal affectant le trottoir au droit du 14 rue Paul Emile Janson et l'entorse de M. X n'est pas établi ; il est surprenant que la victime, chauffagiste, soit intervenue un samedi chez un client et qu'elle ne soit pas en mesure de produire une facture relative à cette intervention ; il est étonnant que des travaux non encore effectués aient été réglés par anticipation ; de plus, M. X a déclaré avoir réalisé des travaux chez son frère le 31 mars ; les témoignages des clients sont sujets à caution ; le certificat médical établi par le médecin de famille prescrivant l'arrêt de travail date du 23 avril 2001 ; de plus, on peut s'étonner que M. X ne se soit rendu chez son médecin traitant qu'après avoir été plâtré à l'hôpital ;
- M. X ne peut prétendre être indemnisé de la perte de son chiffre d'affaires mais seulement de la perte de son résultat net d'exploitation ;
- le tribunal a rejeté à tort son appel en garantie dirigé contre la société SADE ; la réception des travaux n'exonère la responsabilité de l'entreprise de travaux publics que pour les dommages causés postérieurement à la réception ; l'accident a eu lieu le 31 mars 2001, soit antérieurement à la réception des travaux ; il revenait à la société SADE de signaler les travaux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires, enregistrés les 29 juin 2007 et 3 décembre 2008, présentés par le Régime social des indépendants de la région Champagne-Ardenne (RSI), dont le siège social est situé 16 rue du Clou dans le Fer à Reims (51000), qui conclut, dans l'hypothèse où la COMMUNE DE CHOOZ serait reconnue responsable du préjudice de M. X, à la condamnation de l'appelante à lui verser une somme de 282,93 € correspondant aux prestations servies à M. X et aux frais de gestion conformément à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, avec intérêts au taux légal à compter du jour du 28 juin 2007 ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er août 2007, présenté pour M. X par Me Pruvot ;
M. X conclut :
- d'une part, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE CHOOZ une somme de 1 600 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
A cette fin, il soutient que :
- le défaut d'entretien normal est avéré ; des photos sont versées au dossier ; les témoins de l'accident attestent que le trou à l'origine de l'entorse avait une profondeur de dix centimètres ;
- le lien de causalité entre l'entorse qu'il a contractée et la tranchée mal rebouchée est établi par les témoignages datés de M. et Mme Y ; les travaux réalisés avaient fait l'objet d'une facturation et d'un paiement anticipés ;
- il a subi des soins à la clinique de Givet le 31 mars 2001 pour soigner une entorse au 3ème degré du ligament latéral externe de la cheville droite ;
- la commune appelante a reconnu sa responsabilité ;
- il n'a commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la COMMUNE DE CHOOZ ;
- d'autre, part, par voie d'appel incident, à la réformation du jugement en condamnant la COMMUNE DE CHOOZ à réparer intégralement les conséquences dommageables de l'accident qu'il a subi le 31 mars 2001 et à lui verser une somme de 20 381 euros ;
A cette fin, il soutient que le montant du préjudice a été sous-évalué par le tribunal ; il avait droit à être indemnisé de l'intégralité de sa perte de chiffre d'affaires pendant sa période d'incapacité temporaire totale, soit 10 921 € ; il avait droit à être indemnisé de l'ensemble de ses préjudice à hauteur de 20 381 € ;
Vu les mémoires enregistrés les 26 décembre 2007 et 29 août 2008, présentés pour la société SADE, Compagnie générale de travaux d'hydraulique, par la SCP d'avocats Haumesser-Traverse-Didelot ; la société SADE demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions d'appel en garantie de la COMMUNE DE CHOOZ dirigées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel incident de M. X ;
3°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le maître de l'ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle d'un constructeur pour des dommages causés au tiers antérieurement à la réception définitive sans réserve des travaux ; en l'espèce, la réception des travaux a eu lieu sans réserve le 23 novembre 2001 avec effet au 10 octobre 2001 ; or, l'accident est survenu le 31 mars 2001 et la COMMUNE DE CHOOZ en a eu connaissance au plus tard le 2 mai 2001 ;
- l'existence d'un défaut d'entretien normal n'est pas avérée ; les photos produites non datées ne démontrent rien ; de toute façon, l'entreprise n'est pas tenue de signaler des dangers évidents sur un chantier ;
- le lien de causalité entre l'accident et le prétendu défaut d'entretien normal n'est pas établi ; les témoignages ne sont pas dignes de foi ;
- la blessure n'est due qu'à la faute d'inattention de M. X, qui venait d'entrer dans l'immeuble et qui connaissait donc l'état des lieux ;
- les sommes réclamées par M. X sont excessives, hors de proportion avec son préjudice réel ; rien ne démontre que la victime a perdu des chantiers pendant cette période ; rien ne prouve qu'il n'ait pas travaillé ; le préjudice économique indemnisé par le tribunal ne repose sur aucun justificatif précis ; les autres chefs de préjudice ont été surestimés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :
- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que, le samedi 31 mars 2001 en fin de matinée, M. X, artisan, soutient s'être tordu la cheville droite et avoir contracté une entorse en sortant de l'immeuble situé 14 rue Paul Emile Janson à Chooz dans lequel il venait d'assurer une intervention pour le compte des locataires, M. et Mme Y ;
Considérant qu'il ressort des témoignages précis et circonstanciés émanant de ces derniers que, nonobstant la circonstance que les travaux effectués par M. X n'aient pas donné lieu à l'établissement d'une facture, la réalité de l'accident survenu au temps et au lieu invoqués par l'intéressé doit être regardée comme établie ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations émanant de M. et Mme Y, que le trottoir incriminé, qui avait été récemment rebouché suite à des travaux réalisés sur le réseau communal d'adduction d'eau par la société SADE, ne présentait pas une planéité parfaite ; qu'il constituait un obstacle excédant ceux qu'un usager normalement attentif peut s'attendre à rencontrer et, de ce fait, révélait un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public de nature à engager la responsabilité de la commune appelante ; que, toutefois, la déclivité affectant le trottoir était parfaitement visible et était connue de M. X, qui était entré dans l'immeuble quelques minutes auparavant, ce qui aurait dû l'inciter à plus de prudence ; qu'ainsi, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, l'accident dont il a été victime n'a pu se produire qu'à raison d'une faute d'inattention de sa part dont les premiers juges ont par ailleurs fait une juste évaluation de sa contribution au dommage subi en estimant qu'elle était de nature à atténuer de moitié la responsabilité de la COMMUNE DE CHOOZ ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que M. X ne peut prétendre être indemnisé que du préjudice économique réel qu'il a subi lors des trois semaines d'incapacité temporaire totale consécutives à son accident ; que c'est ainsi à juste titre que le tribunal lui a accordé à titre d'indemnité une somme correspondant au bénéfice net relatif à cette période d'inactivité professionnelle et non à l'intégralité du chiffre d'affaires dont il a été privé ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice ; que M. X se borne par ailleurs à reprendre à hauteur d'appel les prétentions indemnitaires formulées devant le tribunal sans critiquer aucunement l'évaluation faite par le tribunal de la perte affectant son résultat net d'exploitation ; que son appel incident doit, ainsi, être rejeté ;
Considérant, d'autre part, que le Régime social des indépendants de la région Champagne-Ardenne (RSI), organisme de sécurité sociale, demande à nouveau à hauteur d'appel la condamnation de la COMMUNE DE CHOOZ à lui rembourser le montant des débours qu'il a exposés en lien avec l'accident de M. X, ainsi que l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que, dès lors qu'il a obtenu intégralement satisfaction devant le tribunal et qu'il ne soutient pas avoir exposé de nouveaux débours, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel en garantie formé par la COMMUNE DE CHOOZ à l'encontre de la société Sade :
Considérant que la réception sans réserve des travaux a pour effet de mettre fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, à l'ensemble des rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ; que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs fait, dès lors, obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour les dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ;
Considérant qu'il est constant que la réception des travaux confiés à la société SADE par la COMMUNE DE CHOOZ a eu lieu sans réserve le 23 novembre 2001 avec effet au 10 octobre 2001 ; que, par suite, quand bien même l'accident s'est produit antérieurement à la réception, des travaux, c'est ainsi à juste titre que le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce que la société SADE la garantisse des condamnations prononcées à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CHOOZ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal l'a condamnée à indemniser partiellement M. X suite à l'accident dont il avait été victime le 31 mars 2001 sur le trottoir devant le 14 rue Paul Emile Janson et a rejeté ses conclusions en garantie dirigées contre la société Sade ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE CHOOZ une somme de 1 000 euros à verser respectivement à M. X et à la société SADE au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée de la COMMUNE DE CHOOZ est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE CHOOZ versera respectivement à M. X et à la société SADE une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : L'appel incident de M. X et les conclusions du Régime social des indépendants de la région Champagne-Ardenne (RSI) sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CHOOZ, à M. Denis X, au Régime social des indépendants de la région Champagne-Ardenne (RSI) et à la société SADE.
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N° 07NC00520