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08/01/2009 | FRANCE | N°06NC00473

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2009, 06NC00473


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2006, complétée par mémoires enregistrés les 18 janvier et 26 novembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE REIMS par Me Duczynski-Lechesne ; la COMMUNE DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100510 du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à payer au cabinet Lannois Assurances une somme de 61 718,98 € en réparation du préjudice subi à raison de son éviction irrégulière de l'attribution du lot n° 1 du marché négocié d'assurances qu'elle a conclu avec le

cabinet Langlet le 12 juillet 2000 ;

2°) de rejeter la demande présentée par ...

Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2006, complétée par mémoires enregistrés les 18 janvier et 26 novembre 2008, présentée pour la COMMUNE DE REIMS par Me Duczynski-Lechesne ; la COMMUNE DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0100510 du 30 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à payer au cabinet Lannois Assurances une somme de 61 718,98 € en réparation du préjudice subi à raison de son éviction irrégulière de l'attribution du lot n° 1 du marché négocié d'assurances qu'elle a conclu avec le cabinet Langlet le 12 juillet 2000 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le cabinet Lannois Assurances devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions à fin d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge du cabinet Lannois Assurances une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'offre formulée par le cabinet Lannois Assurances le 22 juin 2000 pouvait à bon droit être écartée ; d'une part, elle était tardive puisque présentée postérieurement au 5 mai 2000, date limite de dépôt des offres prévue par le règlement de consultation du marché, et modifiait substantiellement l'offre initiale puisque certaines garanties accordées, soi-disant à titre gratuit, étaient supprimées en contrepartie de la baisse de la prime ; d'autre part, elle n'était pas signée par la compagnie d'assurance mais seulement par son mandataire, contrairement à ce que prévoyaient les dispositions des articles 7 et 13 du règlement de consultation ; la signature de la compagnie apéritrice s'imposait dès lors que le titulaire du marché est la compagnie et non son mandataire, qu'il soit agent général ou courtier, conformément aux dispositions de la circulaire assurance du 30 juillet 1999 (NOR : ECOM/9900 646 C) ;

- elle n'a pas confié à la commission d'appel d'offres le choix de son cocontractant ; la commission n'a eu qu'un rôle consultatif ;

- la discussion n'a été rouverte le 20 juin 2000 que sur le coefficient de coassurance ; les candidats ne sont pas libres de modifier spontanément leurs offres ; seule la collectivité mène les discussions au sens de l'article 103 du code des marchés publics ;

- elle pouvait solliciter une confirmation auprès du cabinet Langlet pour s'assurer que l'offre de ce dernier couvrait les objets précieux sans rompre l'égalité entre les candidats ;

- l'ordre de placement exclusif émis le 20 juin 2000 au profit du cabinet Langlet ne visait qu'à lui permettre de chercher des co-assureurs ; elle aurait procédé de même si le cabinet Lannois Assurances avait eu des difficultés à atteindre le coefficient de coassurance de 100 % ;

- à titre subsidiaire, quand bien même elle serait jugée avoir irrégulièrement évincé le cabinet Lannois Assurances du marché, ce dernier n'avait aucune chance d'être retenu dès lors que sa première offre, qui couvrait les mêmes risques que ceux garantis par le cabinet Langlet, proposait un montant de primes supérieur et que le montant des primes proposé constituait le premier critère de sélection des offres aux termes de l'article 14 du règlement de consultation du marché ; de plus, l'offre du cabinet Langlet comprenait la garantie des objets précieux ou de valeur qui faisait partie de son offre de base conformément aux termes de l'article 1.2 du cahier des clauses techniques générales, comme il l'a d'ailleurs confirmé dans un courrier daté du 21 juin 2000 ; l'acte d'engagement produit par le cabinet Langlet ne sollicitait pas de prime supplémentaire pour assurer les objets précieux ; si le cabinet Langlet avait été autorisé à formuler une nouvelle offre suite à la seconde offre du cabinet Lannois Assurances, nul doute qu'il aurait baissé le montant de la prime ; sur les autres critères, les offres des cabinets Langlet et Lannois Assurances étaient identiques ; la circonstance que le cabinet Lannois Assurances gérait depuis de nombreuses années des contrats d'assurances dommages aux biens de la commune ne pouvait permettre de le favoriser ;

- à titre encore plus subsidiaire, le tribunal a, en tout état de cause, surévalué le préjudice subi par le cabinet Lannois Assurances du fait de la non attribution du marché ; d'une part, rien ne dit que le marché n'aurait pas été résilié au bout d'un an, cette possibilité étant ouverte aux deux parties ; d'autre part, si la commune avait négocié avec le cabinet Lannois Assurances, elle l'aurait contraint à se priver d'une partie du bénéfice des commissions ; enfin, le tribunal a sans justification considéré que le cabinet Lannois Assurances aurait eu un bénéfice égal à 10 % des primes encaissées ; le préjudice commercial en terme d'image dû à l'éviction de l'attribution du marché n'est pas démontré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 23 août 2006 et 2 décembre 2008, présentés pour le cabinet Lannois Assurances par Me Riquelme, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête formée par la COMMUNE DE REIMS ;

- par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en rehaussant l'indemnité au paiement de laquelle la COMMUNE DE REIMS a été condamnée et en la portant à 116 307,06 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2000, lesdits intérêts étant capitalisés à compter du 21 juin 2002 ;

- de mettre une somme de 2 500 € à la charge de la COMMUNE DE REIMS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- à titre principal :

- l'offre qu'elle a formulée le 22 juin 2000 ne pouvait être écartée comme l'a jugé à juste titre le tribunal ;

- la nouvelle consultation décidée le 20 juin 2000 par la commission d'appel d'offres ne visait pas seulement à établir quel coefficient de coassurance était prévu par le cabinet Langlet et le cabinet Lannois Assurances, mais autorisait à présenter une nouvelle offre ;

- dans le cadre d'un marché négocié, il est toujours possible de formuler une nouvelle offre lorsque se déroulent les discussions qu'avait rouvertes la commission d'appel d'offres le 20 juin 2000, sans que puisse être opposé à un soumissionnaire la date limite de dépôt des offres initiales ;

- l'offre formulée le 22 juin 2000 n'est qu'une adaptation mineure de l'offre initiale ;

- la négociation lancée le 20 juin 2000 à l'initiative de la commission d'appel d'offres n'a pas respecté l'égalité entre les candidats ; elle n'a concerné que le cabinet Langlet, que la COMMUNE DE REIMS a aussi interrogé pour savoir si sa garantie était acquise pour les biens de valeur ; l'attribution du lot n° 1 au cabinet Langlet avait déjà eu lieu par courrier du 20 juin 2000 ;

- les articles 7 et 13 du règlement de consultation qui régissent le formalisme des offres ne sauraient s'appliquer aux modifications apportées aux offres en cours de négociation ; la signature par la compagnie d'assurance apéritrice était superfétatoire en vertu des dispositions combinées des articles L.511-1 du code des assurances et 1984 du code civil ; il ne saurait être exigé ce formalisme, qui n'a d'ailleurs pas été opposé au cabinet Langlet qui n'a pas produit un nouvel acte d'engagement en bonne et due forme ; de plus, l'offre du 22 juin 2000 était signée par le représentant du cabinet Lannois Assurances ;

- à titre subsidiaire :

- son offre initiale était plus avantageuse que celle de M. X, qui avait été retenue par la commission d'appel d'offres du 6 juin 2000 au regard des critères fixés par l'article 14 du règlement de consultation ; une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;

- son offre initiale était plus avantageuse que celle présentée initialement par le cabinet Langlet au regard des critères fixés par l'article 14 du règlement de consultation. ; l'écart de prix pour l'offre de base était en sa faveur, l'offre de base du cabinet Langlet ne comprenant pas l'option « objet précieux » ; or, l'article 14 du règlement de consultation prévoit que le marché sera attribué au candidat proposant le montant des primes le plus faible à étendue de garanties égale ; le cabinet Lannois Assurances avait inclus des garanties complémentaires dans son offre de base ; son offre de base présentait une coassurance à hauteur de 100 % alors que le cabinet Langlet n'avait une coassurance qu'à hauteur de 35 % ; si on considère que l'offre de base du cabinet Langlet comprenait l'option « objets précieux », ce n'est qu'au prix d'une modification de l'offre intervenue irrégulièrement en cours de négociation comme en témoigne le courrier du 21 juin 2000 ; une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;

- son offre initiale était plus avantageuse que celle présentée au final après discussion par le cabinet Langlet au regard des critères fixés par l'article 14 du règlement de consultation ; le cabinet Langlet n'avait réuni la coassurance à hauteur de 100 % que pour l'option offre de base et non pour l'option objet précieux le 26 juin 2000, date à laquelle le conseil municipal lui a attribué le marché ; le fax daté du 26 juin 2000 émanant de la compagnie AXA n'accepte une part de coassurance à hauteur de 30 % que dans le cadre de l'option de base ; le cabinet Lannois Assurances bénéficiait de cette coassurance à 100 % y compris pour les objets précieux dès le 22 juin 2000 ; une erreur manifeste d'appréciation a été commise ;

- son offre étant la seule conforme aux prescriptions du cahier des charges et la plus intéressante, elle aurait dû se voir attribuer le marché ;

- le préjudice subi est supérieur à celui évalué par le tribunal ; le pourcentage de bénéfice s'élève à 12% du volume des primes et non à 10 % ce qui représente sur les 3 années de contrat une somme de 76 622,40 € TTC, qui aurait été majorée en cours d'exécution de marché de 12 % ce qui représente une somme supplémentaire de 9 194,68 € ; ces taux sont inférieurs à ceux pratiqués sur le marché ; le manque à gagner est donc de 85 817,08 € TTC ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préjudice commercial en termes d'image est également très important et doit être évalué à 30 489,80 € TTC ; le préjudice total est donc de 116 307,06 € ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les observations de XMe Riquelme, pour la société Molas et associés, avocat du Cabinet Lannois Assurances,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 8 décembre 2008, présentée pour le cabinet Lannois Assurances ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 104 du code des marchés publics alors applicable : « Les marchés négociés sont passés avec ou sans mise en concurrence. I. Marchés négociés précédés d'une mise en concurrence. Les marchés négociés sont passés après une mise en concurrence préalable dans les cas limitativement énumérés ci-dessous : (...) 8° Pour les marchés de services : a) ayant pour objet des services d'assurances (..) La personne responsable du marché met en compétition, par une consultation écrite au moins sommaire, les candidats susceptibles d'exécuter le marché. En outre (..) elle envoie à la publication quinze jours au moins avant l'engagement de cette consultation un avis d'appel public à la concurrence dans les conditions prévues à l'article 38 » ; qu'aux termes de l'article 103 du même code : « La procédure est dite négociée lorsque la personne responsable du marché engage librement les discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats de son choix et attribue le marché au candidat qu'elle a retenu (..) » ; que l'article 38 du même code prévoit que : (..) II. Les avis d'appel public à la concurrence mentionnent au moins : (..) 6° la date limite de réception des candidatures ou des offres ou, dans le cas d'un marché négocié, la date d'engagement de la consultation (..) » ;

En ce qui concerne la régularité de l'exclusion de la seconde offre du cabinet Lannois Assurances :

Considérant que pour choisir le titulaire du lot n° 1 «dommages aux biens et risques annexes » du marché d'assurances qu'elle entendait conclure, la COMMUNE DE REIMS a envoyé à la publication un avis d'appel public à la concurrence le 18 février 2000, qui fixait la date d'engagement de la consultation au 3 avril suivant ; qu'ensuite, pour assurer la sélection de son cocontractant, elle a organisé une procédure visant à encadrer sa liberté de choix résultant des dispositions précitées de l'article 103 du code des marchés publics et rédigé à cette fin un règlement de consultation commun aux six lots du contrat d'assurances de la ville ; qu'après avoir sélectionné trois candidats pour engager des discussions, M.X, le cabinet Langlet et le cabinet Lannois Assurances, elle leur a diffusé ce document ainsi qu'un cahier des clauses techniques générales, un cahier des clauses techniques particulières et un cahier des clauses administratives particulières propres au lot n° 1, qui spécifiaient les caractéristiques du marché à conclure ; qu'aux termes de l'article 9 du règlement de consultation, les candidats sélectionnés devaient déposer leur offre « avant le 5 mai 2000 à 16 heures délai de rigueur » ; que les trois candidats ont déposé une offre ; qu'après avoir initialement pressenti le cabinet X, la COMMUNE DE REIMS a rouvert les discussions le 20 juin 2000 et décidé d'attribuer le lot n° 1 au cabinet Langlet par délibération du conseil municipal du 26 juin 2000, après avoir écarté l'offre formulée par le cabinet Lannois Assurances le 22 juin 2000 au motif notamment qu'elle différait de l'offre initialement déposée le 5 mai 2000 ;

Considérant, d'une part, que conformément aux dispositions de l'article 103 du code des marchés publics, il appartient à la personne responsable du marché d'engager des discussions avec les candidats de son choix, sous réserve de respecter l'égalité de traitement entre ces derniers ; qu'il résulte de ces dispositions que les candidats à l'attribution d'un marché négocié ne peuvent spontanément modifier l'offre qu'ils ont déposée au cours des discussions sauf relativement à des clauses du contrat sur lesquelles la personne responsable du marché entend négocier ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, suite au courrier du 19 juin 2000 de M. X, candidat alors pressenti, annonçant qu'il n'avait pu réunir un coefficient de coassurance à hauteur de 100 %, la COMMUNE DE REIMS a, à l'invitation de la commission d'appel d'offre, qui s'est réunie le 20 juin 2000 et dont les termes de l'avis ne sont pas ambigus, rouvert la discussion avec les autres candidats sur ce seul aspect du contrat à conclure ; que, par suite, le cabinet Lannois Assurances ne pouvait à ce stade modifier les autres spécifications de l'offre initiale qu'il avait formulée ;

Considérant, enfin, que, par un courrier daté du 22 juin 2000 adressé à la commune, le cabinet Lannois Assurances a indiqué que « dans le cadre de la procédure de marché négocié pour le lot n° 1 « dommages aux biens » Ville de Reims, nous vous adressons la nouvelle offre ci-après (..)» ; que ladite offre entraînait la modification de deux éléments substantiels de l'offre initiale, le montant de la prime annuelle réclamée étant réduit de 1 396 139 F TTC à 1 349 500 F TTC et la prestation fournie supprimant des garanties complémentaires qu'il avait pourtant proposées gratuitement ; que cette offre ne constituait pas une simple adaptation mineure de son offre initiale dès lors que les modifications portaient sur des éléments du contrat qui constituaient les deux premiers critères d'appréciation des offres tels que définis par l'article 14 du règlement de consultation du marché ;

Considérant qu'il s'ensuit que la COMMUNE DE REIMS pouvait à bon droit, pour ce seul motif, écarter l'offre nouvelle émise de sa propre initiative le 22 juin 2000 par le cabinet Lannois Assurances ; que c'est ainsi à tort que, pour faire droit aux conclusions indemnitaires du cabinet Lannois Assurances tendant à la réparation du préjudice causé par son éviction, les premiers juges ont estimé que la COMMUNE DE REIMS n'avait pu régulièrement écarter sa nouvelle offre sans même l'examiner ;

Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le cabinet Lannois Assurances tant devant le tribunal que devant la Cour :

En ce qui concerne la régularité de la négociation conduite avec le cabinet Langlet :

Considérant que le cabinet Lannois Assurances soutient, à titre subsidiaire, que la COMMUNE DE REIMS n'a pu régulièrement écarter son offre initiale déposée le 5 mai 2000 après l'avoir comparée à celle du cabinet Langlet, qui fut finalement retenue, dès lors que les discussions avec ce dernier auraient été irrégulièrement conduites en ne respectant pas le principe d'égalité de traitement entre les candidats ;

Considérant, en premier lieu, que si la COMMUNE DE REIMS a émis au profit du cabinet Langlet un ordre de placement exclusif le 20 juin 2000 portant sur le lot n° 1 du marché d'assurances, émanant au demeurant de la direction du domaine et du contentieux de la ville de Reims qui ne peut être regardée comme la personne responsable du marché au sens de l'article 104 du code des marchés publics, ce document ne visait qu'à permettre audit cabinet de chercher des co-assureurs ; qu'il résulte de l'instruction que la ville aurait procédé de la même manière si le cabinet Lannois avait eu des difficultés à atteindre le coefficient de coassurance de 100 % ; que, par suite, le cabinet intimé ne peut prétendre que la commune appelante aurait décidé, avant même qu'il ne formule sa seconde offre, d'attribuer le lot n° 1 du marché au cabinet Langlet ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le cabinet Lannois Assurances soutient qu'il n'a pas été consulté suite à réouverture des discussions visant à s'assurer auprès des deux candidats restant en lice que leur offre respective assurait un placement du risque à hauteur de 100 %, il ne le démontre pas, alors surtout qu'il a adressé au maire de Reims un courrier daté du 22 juin 2000 indiquant qu'il satisfaisait à cette condition et qu'il lui transmettrait les noms des compagnies et la part de chacune dans la coassurance. ;

Considérant, enfin, que si la COMMUNE DE REIMS a, au cours des discussions, interrogé le cabinet Langlet pour s'assurer que son offre couvrait les objets précieux situés dans deux musées de la ville, interrogation à laquelle ledit cabinet a répondu par l'affirmative par courrier daté du 21 juin 2000, cette simple demande de précisions ne s'apparentait pas à une reprise des discussions qui aurait imposé d'élargir l'interrogation au cabinet Lannois Assurances dont, au demeurant, l'offre sur ce point était claire.;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement entre les candidats doit être écarté ;

En ce qui concerne la comparaison de l'offre initiale du cabinet Lannois Assurances avec l'offre du cabinet Langlet :

Considérant qu'aux termes de l'article 14 du règlement de consultation intitulé « modalités d'attribution des lots » : « La personne responsable du marché enregistre le contenu des offres dans toutes les parties essentielles y compris les pièces jointes. Elle élimine les offres ne contenant pas les documents et renseignements demandés à l'article 7 ainsi que celles non conformes à l'objet du marché et elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante après négociation si nécessaire, en tenant compte des critères suivants : 1) montant des primes proposées, 2) l'étendue des garanties, 3) montant des franchises, 4) des moyens consacrés à la gestion du contrat. Par ordre décroissant de valeur (...) » ;

Considérant que le cabinet Lannois Assurances soutient que son offre initiale déposée le 5 mai 2000 n'aurait pas dû être écartée dès lors qu'elle aurait été, au sens des dispositions de l'article 14 du règlement de consultation, plus intéressante que celle du cabinet Langlet finalement retenue après discussions ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'offre de base du cabinet Langlet comprenait la garantie des objets précieux contenus au Musée Saint-Rémi et au Musée des Beaux-Arts à hauteur de respectivement 65 et 450 millions de francs, ainsi que le prescrivaient les dispositions de l'article 1.2 du cahier des clauses techniques particulières ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ledit cabinet l'a d'ailleurs confirmé à la COMMUNE DE REIMS par courrier du 21 juin 2000, expliquant par là même que son offre de base initiale présentait le montant de prime le plus élevé et un taux de coassurance de seulement 35% ; que si l'article 3.2 de l'acte d'engagement intitulé « tarification » présentait une option « objets précieux », cette disposition, relative à la seule présentation formelle des offres, ne visait qu'à permettre au soumissionnaire d'individualiser dans son offre le montant de la prime correspondant à la garantie des objets précieux contenus dans les deux musées suscités ; qu'ainsi, à étendue de garanties équivalentes, les garanties complémentaires offertes sans incidence tarifaire par le cabinet Lannois Assurances n'étant pas déterminantes, le montant annuel des primes proposé par le cabinet Langlet soit 1 376 123 F TTC était inférieur à celui du cabinet Lannois Assurances, qui s'élevait à 1 396 139 F TTC ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par lettre du 26 juin 2000, le cabinet Langlet a précisé que son coefficient de coassurance avait été porté à 100 % ; qu'à cette date, la COMMUNE DE REIMS était en possession de télécopies des compagnies auprès desquelles avait été placé le risque, dont elle n'avait aucune raison de douter de l'authenticité ; que le cabinet Lannois Assurances n'est pas fondé à prétendre que le coefficient de coassurance à 100 % n'était pas atteint en ce qui concerne la garantie des objets précieux contenus dans les musées au motif que la compagnie AXA Courtage s'engageait à « prendre une part de coassurance à hauteur de 30 % dans le cadre de l'option de base » dès lors que, comme il est dit ci-dessus, l'offre de base du cabinet Langlet comprenait l'option « objets précieux » ; qu'en revanche, l'offre initiale du cabinet Lannois Assurances déposée le 5 mai 2000 incluant l'option « objet précieux » ne prévoyait un placement du risque qu'à hauteur de 85 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE REIMS n'a pas entaché son choix d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'offre du cabinet Langlet finalement retenue après discussions était, au sens des dispositions de l'article 14 du règlement de consultation, plus intéressante que l'offre initiale déposée le 5 mai 2000 par le cabinet Lannois Assurances ;

En ce qui concerne la comparaison de l'offre initiale du cabinet Lannois Assurances avec l'offre du cabinet X :

Considérant que le cabinet Lannois Assurances soutient également que son offre initiale déposée le 5 mai 2000 n'aurait pas dû être écartée dès lors qu'elle aurait été, au sens des dispositions de l'article 14 du règlement de consultation, plus intéressante que celle formulée initialement par M. X, avant que ne s'engagent les discussions ; que, toutefois, le cabinet Lannois Assurances ne saurait utilement comparer son offre initiale à celle du cabinet X, dès lors que celui-ci n'avait pu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, obtenir un coefficient de coassurance de 100 % pour l'option « objets précieux » et qu'ainsi, eu égard à ce critère d'attribution que la commune a pu légalement introduire, le choix de celle-ci étant désormais circonscrit entre l'offre initiale du cabinet Lannois Assurances et l'offre du cabinet Langlet ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'est pas établi que la COMMUNE DE REIMS a commis une faute en n'attribuant pas le lot n° 1 du marché d'assurances de la ville au cabinet Lannois Assurances ; que, dès lors, la COMMUNE DE REIMS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à indemniser le cabinet Lannois Assurances pour éviction irrégulière ; qu'il y a ainsi lieu d'annuler le jugement querellé et de rejeter, par voie de conséquence, la demande formée par le cabinet Lannois Assurances devant le tribunal ainsi que son appel incident ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du cabinet Lannois Assurances une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par la COMMUNE DE REIMS et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE REIMS, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le cabinet Lannois Assurances au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 30 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : La demande du cabinet Lannois Assurances présentée devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée, ainsi que son appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le cabinet Lannois Assurances versera à la COMMUNE DE REIMS une somme de 1 000 € (mille euros), en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE REIMS et au cabinet Lannois Assurances.

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N°06NC00473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00473
Date de la décision : 08/01/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BRISSART - LECHESNE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2009-01-08;06nc00473 ?
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