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18/12/2008 | FRANCE | N°07NC01686

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2008, 07NC01686


Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2007, présentée pour M. Milivoj X, demeurant ..., représenté par Me Bianchi, avocate ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402141 en date du 4 octobre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 23 juin 2000 par lequel il a ordonné son expulsion du territoire ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui ve

rser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2007, présentée pour M. Milivoj X, demeurant ..., représenté par Me Bianchi, avocate ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402141 en date du 4 octobre 2007 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Aube a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 23 juin 2000 par lequel il a ordonné son expulsion du territoire ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- la décision est entachée d'incompétence de son auteur ;

- la décision d'expulsion est entachée d'une erreur de fait relative à sa dangerosité ;

- la décision portant refus d'abrogation de la décision viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle entraîne une incertitude et provoque une dépression carcérale ;

- les décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la somme demandée au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est justifiée par les frais exposés pour défendre ses droits ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu, enregistré le 12 mars 2008, le mémoire en défense présenté par le préfet de l'Aube qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- par nature, une décision implicite ne peut être prise par une autorité incompétente ;

- les moyens relatifs à l'arrêté d'expulsion ne peuvent être accueillis ;

- sur les faits, il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation ;

- la situation de M. X n'est pas incertaine ; elle ne viole ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 8 de ladite convention ;

- l'argument relatif au statut d'apatride est inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et de l'asile ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 82-440 du 26 mai 1982 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée devenu L. 524-3 du CESEDA : « Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : ...

2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ; que depuis l'intervention du décret du 13 janvier 1997 modifiant l'article 1er du décret du 26 mai 1982 portant application des articles 24 et 33 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, la compétence pour édicter un arrêté d'expulsion sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, devenu l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, suivant la procédure de droit commun, n'est plus exercée par le ministre de l'intérieur mais, dans les départements, par le préfet; qu'en vertu des dispositions de l'article 3 du décret du 26 mai 1982, l'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par l'autorité qui l'a prononcé; qu'enfin, aux termes de l'article 23 alinéa 3 de ladite ordonnance devenu l'alinéa 2 de l'article L.524-2 du CESEDA : « ...Par ailleurs, sans préjudice des dispositions de l'alinéa précédent, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. Ce réexamen tient compte de l'évolution de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France pour l'ordre public, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite refusant l'abrogation. Cette décision est susceptible de recours dans les conditions prévues à l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article 24. » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris par le préfet de l'Aube le 23 juin 2000 à l'encontre de M.X a été présentée à la préfecture de l'Aube le 11 octobre 2004 et qu'une décision implicite de rejet est survenue par l'écoulement des délais prévus par l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 ; que, faute d'être assorti de tout élément, le moyen tiré de ce que ledit préfet n'aurait pas pris la décision implicite en cause, alors qu'il est l'autorité compétente et qu'il était destinataire de la demande d'abrogation en cause, ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X a été condamné le 10 octobre 1980 par la cour d'assises de Paris à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de 15 ans pour viol, homicide volontaire, incendie volontaire dans un lieu habité ou un convoi occupé et vol et qu'il est incarcéré pour ces faits depuis le 18 novembre 1977; qu'il a été, de nouveau, condamné le

7 avril 1981 par la cour d'assises de Paris à 6 ans de réclusion criminelle pour vol avec violence ; que depuis son incarcération, il a encore fait l'objet de nouvelles condamnations prononcées le 16 mai 1984 par le Tribunal correctionnel de Tulle à 10 mois d'emprisonnement pour coups ou violence volontaire sur un avocat, officier public ou ministériel, le 31 mai 1988 par le Tribunal correctionnel de Besançon à 6 mois d'emprisonnement pour coups ou violence volontaire sur un avocat, officier public ou ministériel, arrestation, séquestration ou détention arbitraire suivie d'une libération avant le 5ème jour, enfin, le 18 octobre 2000 par la Cour d'appel de Reims à 15 jours d'emprisonnement pour infraction à la législation sur les stupéfiants ; que si l'ensemble de son comportement hautement criminel a motivé l'arrêté préfectoral du 23 juin 2000, les différents avis déposés au dossier ne permettent pas de considérer que toute agressivité ou dangerosité aient disparu, les traits de sa personnalité et la durée de détention rendant, par ailleurs, nécessaires la mise en place d'un suivi, alors qu'il peut être douté de sa capacité de remise en question puisqu'il a cessé, dès l'année 2000, de verser sa contribution volontaire aux victimes dès lors qu'il savait ne pas pouvoir bénéficier d'une mesure de libération conditionnelle ; que par suite, M. X n'établit pas les erreurs qu'aurait commises le préfet tant dans la matérialité des faits que dans l'appréciation de la menace que l'intéressé pouvait constituer pour l'ordre public ;

Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article

3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui précise que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » , ne peut qu'être écarté dès lors que les peines qu'il subit ne peuvent être regardées comme entrant dans une telle catégorie ; qu'elles n'entraînent, au demeurant, aucune incertitude quant à leur durée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ressortissant yougoslave né en 1950 est, une nouvelle fois, entré irrégulièrement sur le territoire national en 1974 ; que sa situation administrative n'a été modifiée qu'au bénéfice d'un mariage célébré le 28 février 1976 avec Mme Messouda Y, de nationalité française, de douze ans son aînée, qui a obtenu le 18 mai 1979 le divorce pour violences, après en avoir été judiciairement séparé le 13 décembre

1977 ; que de cette union est issu un enfant français né le 3 décembre 1976 avec lequel il n'a, en raison de son incarcération survenue le 18 novembre 1977, pas vécu plus de quelques mois; que, s'il est établi que ce fils, âgé de vingt six ans à la date de la demande , son ex-épouse et sa propre mère lui rendent visite sans d'ailleurs que soient précisées ni la date de ses visites, ni leur fréquence, ni que soient établis depuis l'incarcération de 1977 les liens réels qui les unissent à lui ; si

M. X justifie d'autres liens étroits qu'il entretient avec une visiteuse de prison, le refus d'abroger la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a, dans les circonstances de l'espèce et alors qu'il n'a pas vécu plus d'une année de séjour régulier en France, le solde de 29 ans à la date de l'arrêté étant passé en centrale pénitentiaire, pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris; que, dès lors, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en dernier lieu, que la circonstance qu'il serait apatride, situation infirmée en l'espèce, ne pourrait, en tout état de cause, qu'être utilement invoquée au moment de la mise à exécution de la mesure ; qu'elle est inopérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. X au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Milivoj X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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07NC01686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01686
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : BIANCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-12-18;07nc01686 ?
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