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18/12/2008 | FRANCE | N°07NC01594

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 décembre 2008, 07NC01594


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2007, présentée pour la SARL LAETITIA, dont le siège est 39 rue Thiers à Saint Die (88100), représentée par son gérant en exercice, par Me Kroell ;

la SARL LAETITIA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601192 du 31 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie, au titre respec

tivement des années 1995 à 1998 et des années 1997 et 1998, tant en son nom propre qu'...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2007, présentée pour la SARL LAETITIA, dont le siège est 39 rue Thiers à Saint Die (88100), représentée par son gérant en exercice, par Me Kroell ;

la SARL LAETITIA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601192 du 31 août 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie, au titre respectivement des années 1995 à 1998 et des années 1997 et 1998, tant en son nom propre qu'en tant qu'elle vient au droit de la société anonyme « Comme des femmes » ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses se rapportant aux années 1997 et 1998 ;

3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'avis de vérification de la comptabilité de la SA « Comme des femmes » daté du 2 mai 2000 comporte la mention « Recommandé avec AR », alors que cet avis a été remis en main propre ;

- l'inspectrice des impôts ne pouvait faire attester à la présidente directrice générale de la SA « Comme des femmes », au moment même de la notification de l'avis de vérification de la comptabilité de cette société, qu'aucun document comptable n'avait encore été consulté à ce stade, dès lors que cette attestation a été émise sans que l'intéressée ait eu effectivement la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, en violation des dispositions de la charte du contribuable et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- si les premiers juges ont considéré que la négociation d'un bail par la SA Catef pour le compte de la SARL LAETITIA ne constituait pas une prestation réalisée pour les besoins des opérations imposables de la SA « Comme des femmes » et n'ouvrait donc pas à cette société le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, cette argumentation est inopérante dès lors que le Tribunal a constaté l'absorption de cette dernière société par la SARL LAETITIA ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration avait apporté la preuve du caractère fictif des prestations effectuées par la SA Catef, alors que cette société gérait tous les stocks et effectuait tous les inventaires de la SA « Comme des femmes » et de la SARL LAETITIA et que l'inspectrice s'est abstenue de procéder aux vérifications comptables des exercices 1994, 1995 et 1996 qui retraçaient l'exécution des conventions conclues entre chacune de ces sociétés et la SA Catef ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête au motif que les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

Vu, enregistré le 18 novembre 2008, le mémoire présenté pour la SARL LAETITIA, qui persiste dans ses conclusions et porte à 10 000 euros la somme qu'elle demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la SARL LAETITIA persiste dans ses moyens et soutient en outre que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la vérification de la comptabilité des années 1997 et 1998 de la SA Comme des femmes n'avait commencé que le 11 mai 2000, alors que cette vérification a commencé le 14 avril 2000, comme l'atteste le comptable de cette société ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 novembre 2008 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- les observations de Me Kroell, avocat de la SARL LAETITIA ;

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés :

Considérant que la SARL LAETITIA ne conteste pas en appel l'irrecevabilité qui lui a été opposée par le Tribunal administratif de Nancy, qui a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998, au motif qu'en vertu de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales un contribuable n'est pas recevable à demander, devant le juge de l'impôt, la décharge d'impositions distinctes de celles visées dans la réclamation qu'il a formée devant l'administration fiscale ; que, dès lors, les conclusions de la SARL LAETITIA ne peuvent qu'être rejetées en tant qu'elles portent sur lesdites impositions ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : « ... une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil » ;

Considérant, en premier lieu, que si la société requérante produit, à l'appui de son moyen tiré de ce que la S.A. « Comme des femmes » aurait fait l'objet de plusieurs vérifications de comptabilité portant sur la même période, une attestation établie le 7 juillet 2008 par la comptable de cette société, indiquant que la vérificatrice s'est présentée le 14 avril 2000 dans ses locaux pour y consulter les pièces concernant la S.A. « Comme des femmes », l'administration fiscale soutient que, après avoir constaté que cette dernière société avait été désignée par erreur dans l'avis de vérification de comptabilité daté du 31 mars 2000 comme constituée sous forme de SARL, la vérificatrice a suspendu la vérification de comptabilité, ce que confirme la circonstance que la présidente directrice générale de la SA « Comme des femmes » a attesté, au moment même où lui était notifié un nouvel avis de vérification, daté du 2 mai 2000, qu'aucun document comptable n'avait encore été consulté à cette date ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, le moyen en cause ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la société requérante fait valoir que l'avis de vérification de la comptabilité de la SA « Comme des femmes », daté du 2 mai 2000, comporte la mention « Recommandé avec AR », alors que cet avis a été remis en main propre, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de la procédure de vérification de comptabilité dès lors que les dispositions précitées prévoient, en cas de contrôle inopiné, comme en l'espèce, la notification de l'avis de vérification sous forme de remise au contribuable ou à son représentant ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante soutient que l'inspectrice des impôts ne pouvait faire attester par la présidente directrice générale de la SA « Comme des femmes », au moment même où elle lui notifiait l'avis de vérification de comptabilité, qu'aucun document comptable n'avait encore été consulté à ce stade, dès lors que cette attestation a été émise sans que l'intéressée ait eu effectivement la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, ni les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui ne prévoient cette garantie qu'au stade de l'examen au fond des documents comptables, ni les dispositions de la charte du contribuable, ni aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit, et notamment le principe général des droits de la défense, n'interdisaient à la vérificatrice de mentionner sur l'avis de vérification de comptabilité, qu'elle a invité le représentant du contribuable à signer pour en attester la notification, qu'aucun document comptable n'avait encore été consulté par elle à la date de la notification de ce document ;

Considérant, en quatrième lieu, que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoquées devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; qu'ainsi, le moyen tiré par la SARL LAETITIA de la méconnaissance de l'article 6 de la convention lors de la vérification de comptabilité de la SA « Comme des femmes » doit être écarté comme inopérant ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (...) » ; que, lorsque l'administration, sur le fondement des dispositions précitées, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ;

Considérant que la SA « Comme des femmes » a déduit le montant de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une facture établie le 31 juillet 1997 par la SA Catef et comportant le libellé suivant : « négociation du bail pour obtenir une clause tous commerces » ; qu'il est établi par l'administration fiscale que le bail auquel il est ainsi fait référence est celui consenti à la SARL LAETITIA pour l'occupation des locaux du 39 rue Thiers à Saint Die ; que la prestation de service en cause ne pouvait donc être regardée comme nécessaire à l'exploitation de la SA « Comme des femmes » ; que la circonstance, invoquée en appel par la société requérante, selon laquelle la SA « Comme des femmes » a été ultérieurement absorbée par la SARL LAETITIA, n'ouvrait à la première de ces sociétés aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une prestation effectuée pour les besoins des opérations imposables de la seconde ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) » ; qu'aux termes de l'article 272 du même code : « (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu. » et qu'aux termes de l'article 283 dudit code : « (...) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée. » ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions combinées un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;

Considérant que la SARL LAETITIA et la SA « Comme des femmes » ont déduit le montant de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures établies en 1997 et 1998 par la SA Catef et comportant le libellé suivant : « reprise de la clause de retour à meilleure fortune » ; que la société requérante a fait valoir lors de la procédure d'imposition et devant les premiers juges que ces factures portaient sur le paiement à la SA Catef d'honoraires dont cette dernière avait temporairement renoncé à percevoir le montant, dans l'attente de l'amélioration de la situation SARL LAETITIA et de la SA « Comme des femmes », en application de conventions conclues le 31 décembre 1996 entre chacune de ces sociétés et la SA Catef ; que la société requérante a également fait valoir que ces honoraires portaient sur des prestations de services réalisées dans le cadre d'un contrat signé le 4 janvier 1993 avec la SA Catef et qui confiait notamment à cette dernière la gestion des contentieux de la SARL LAETITIA et de la SA « Comme des femmes » avec leurs fournisseurs ; que le Tribunal a écarté ces moyens en relevant, d'une part, que l'administration soutenait devant lui sans être utilement contredite que les deux sociétés précitées n'avaient aucun contentieux avec leurs fournisseurs ni aucune dette envers eux justifiant les prestations d'assistance au contentieux de la SA Catef et, d'autre part, que les conventions conclues le 31 décembre 1996 ne se référaient à aucune facture antérieure pour lesquelles les avoirs au titre de la clause de retour à meilleure fortune seraient consentis et ne présentaient ainsi aucune valeur probante ; que, si la société requérante fait valoir en appel que la SA Catef gérait tous les stocks et effectuait tous les inventaires des deux sociétés en cause et ajoute que les exercices 1994, 1995 et 1996 de ces sociétés, que l'inspectrice s'est abstenue de vérifier, retraçaient l'exécution des conventions conclues entre chacune d'elles et la SA Catef, ces allégations, qui ne sont assorties d'aucun élément de preuve, ne permettent pas de justifier que les factures litigieuses correspondraient à des prestations réellement exécutées ; que l'administration doit, dans ces conditions, être regardée comme ayant apporté la preuve du caractère fictif des factures en cause, qui ne pouvaient en conséquence ouvrir aucun droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL LAETITIA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL LAETITIA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LAETITIA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL LAETITIA et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 07NC01594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01594
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : KROELL O. et J.T.

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-12-18;07nc01594 ?
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