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18/12/2008 | FRANCE | N°06NC00591

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2008, 06NC00591


Vu la requête enregistrée le 24 avril 2006 présentée pour Mme Patricia X demeurant ... par Me Muller, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202335 du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2002 du préfet de la Moselle refusant toute indemnisation à la suite de l'abattage de bovins lui appartenant, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 806,95 euros ainsi que le montant représentatif de la prime d'abattage, et celle de 762,25 e

uros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°...

Vu la requête enregistrée le 24 avril 2006 présentée pour Mme Patricia X demeurant ... par Me Muller, avocat ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202335 du 21 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mai 2002 du préfet de la Moselle refusant toute indemnisation à la suite de l'abattage de bovins lui appartenant, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 11 806,95 euros ainsi que le montant représentatif de la prime d'abattage, et celle de 762,25 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision du 27 mai 2002 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 806,95 euros ainsi que le montant représentatif de la prime d'abattage et 5 000 euros au titre du préjudice moral ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché sa décision d'une contradiction de motifs dès lors qu'il a rejeté la responsabilité sans faute de l'Etat en précisant les dispositions de nature réglementaire qui en prévoient l'engagement ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté l'indemnisation sans faute dès lors qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de sa bonne foi, et tiré la conséquence de l'abattage d'un animal sain ;

- sur la responsabilité pour faute, le tribunal a commis une erreur dès lors que l'abattage de l'animal sain, indemne d'E.S.B. compte tenu de son âge, ne s'imposait pas plus que celui des autres ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu, enregistré le 27 novembre 2008, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche, tendant au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'administration, eu égard à la suspicion qui pesait sur l'animal, le service vétérinaire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'administration, l'article L. 221-2 du code rural prévoit l'indemnisation du propriétaire exclusive de toute autre indemnisation et notamment celle fondée sur la rupture d'égalité devant les charges publiques ; dans la mesure où l'intéressée a méconnu les règles fixées par l'article L. 223-5 du code rural qui prévoit le statut de l'animal soupçonné d'être atteint d'une maladie contagieuse et par l'article L. 223-7 dudit code qui interdit la vente de tout animal répondant à cette condition, le refus d'indemnisation est justifié ;

Le préjudice n'est ni anormal ni spécial ; au surplus, il n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 90-478 du 12 juin 1990 modifié ;

Vu l'arrêté interministériel du 30 mars 2001 fixant les modalités de l'estimation des animaux abattus sur ordre de l'administration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Arès avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :

- le rapport de M. Job, président ;

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en observant qu'une procédure spécifique prévue par les dispositions combinées du décret du 13 juin 1990 et des arrêtés du 3 décembre 1990 modifiés avait été mise en place en vue d'indemniser les propriétaires d'animaux abattus après avoir été suspectés d'être infectés par l'encéphalopathie spongiforme bovine, puis en jugeant que cette procédure faisait obstacle à ce que Mme X recherche la responsabilité de l'administration sur un autre fondement, le tribunal n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

Au fond :

Considérant que le 21 janvier 2002, neuf bovins de l'exploitation de Mme X ont été conduits à l'abattoir de Sarrebourg ; que l'un d'eux, suspect d'encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.) a été euthanasié ; que les huit autres ont été placés, après abattage, en consigne dans l'attente des résultats de l'analyse du prélèvement opéré sur l'animal suspect ; que les résultats obtenus le 30 janvier 2002 étant négatifs, la mesure de consigne a été levée le lendemain et les animaux ont été vendus ;

En ce qui concerne le bétail euthanasié :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 12 juin 1990 alors applicable: L'encéphalopathie spongiforme bovine est ajoutée à la nomenclature des maladies réputées contagieuses donnant lieu à l'application des dispositions du code rural susvisé. qu'aux termes de l'arrêté interministériel du 3 décembre 1990 modifié en vigueur à la date des faits : Article 1er Pour l'application du présent arrêté les animaux de l'espèce bovine sont considérés : a) Suspects d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) lorsque, vivants, abattus ou morts, ils présentent des symptômes ou des lésions du système nerveux central ne pouvant être rapportées de façon certaine à une autre origine ; Article 5 Les circonstances de suspicion de la B.S.E. sont les suivantes : a) Bovin vivant présentant des signes cliniques traduisant des troubles neurologiques tels qu'anxiété, hypersensibilité, excitation, agressivité, persistant plus de quinze jours, ainsi que toutes autres manifestations caractéristiques d'un syndrome nerveux associées ou non à une atteinte de l'appareil locomoteur et /ou de l'état général ; Article 7 Dès réception de la déclaration de suspicion par le directeur des services vétérinaires, ce dernier met immédiatement en oeuvre les dispositions suivantes : (...) 3. Il informe le directeur du laboratoire de référence de l'existence de cette suspicion et des commémoratifs disponibles ; 4. Après avis de ce dernier, il organise soit l'isolement de l'animal suspect ou, en cas de nécessité, son euthanasie sur place, soit sa conduite à l'abattoir accompagné d'un certificat sanitaire d'information ; dans ce cas, les prélèvements nécessaires sont effectués et la carcasse, les abats et les viscères sont mis en consigne dans l'attente des résultats. / En cas d'euthanasie, le cadavre de l'animal suspect est détruit après exécution des prélèvements nécessaires conformément à la procédure décrite à l'article 4 (paragraphe 1) ci-dessus ; qu'aux termes de l'arrêté du 4 décembre 1990 modifié : Article 6 : 1. L'Etat indemnise les propriétaires des animaux abattus ou euthanasiés au titre de l'article 7 de l'arrêté du 3 décembre 1990 susvisé. Le montant de l'indemnisation, non cumulable avec les indemnités prévues au paragraphe 2 ci-après, est fixé forfaitairement à 2 000 F par animal abattu ou euthanasié. / Les modalités administratives de prise en charge par l'Etat de cette indemnité sont précisées par instruction du ministre de l'agriculture et de la forêt.Article 7. Les indemnités prévues à l'article 6 ci-dessus ne sont pas attribuées dans les cas suivants : (...) 4° Toutes circonstances faisant apparaître une intention abusive de l'éleveur afin de détourner la réglementation de son objet. ;

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le bovin n° 5454049817, livré par Mme X à l'abattoir de Sarrebourg le 21 janvier 2002, présentait de nombreux signes cliniques notamment un retard de croissance, des signes de frayeur, un grincement de dents, une hypersalivation, une hyperesthésie et une ataxie locomotrice ainsi que des tremblements continus associés à un port de tête bas et tendu ; que ces syndromes neurologiques ne pouvant être attribués avec certitude à une autre cause que l'E.S.B, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le vétérinaire inspecteur ne pouvait faire application des dispositions du décret du 12 juin 1990 et notamment de son article 7 qui lui donnait le pouvoir d'ordonner l'euthanasie de l'animal, mesure qui entre, ainsi, dans le champ d'application des dispositions indemnitaires prévues par l'article 7 l'arrêté du 4 décembre 1990 modifié ;

Considérant, d'autre part, que nonobstant les signes cliniques observés lors de l'introduction de l'animal à l'abattoir, l'administration n'établit pas que cette seule circonstance révèle l'intention abusive, au sens des dispositions du 4° de l'article 6 de l'arrêté du 3 décembre 1990 précité, qu'aurait eue Mme X de détourner la réglementation de son objet ; que, par suite, l'intéressée est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice, ce dernier se trouvant, par application des dispositions susmentionnées, fixé à la somme de 303,97 euros ;

En ce qui concerne les autres animaux :

Considérant que pour justifier de l'importance du préjudice qu'elle aurait subi concernant la vente des autres animaux après la levée de la mesure qui les frappait, Mme X se borne à produire un document pro-forma d'une compagnie d'assurances relatif à l'évaluation du prix auquel le bétail aurait pu ou dû être vendu, auquel n'est même pas joint tout autre document émanant de la profession établissant le cours du bétail à la date des faits, et la facture de la vente des animaux pour en tirer la différence ; qu'ainsi, Mme X n'établit pas le préjudice matériel qu'elle aurait pu subir du fait de la vente dudit bétail ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la mesure ait pu engendrer des troubles particuliers ou un quelconque préjudice moral ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté toute demande d'indemnisation, et à demander la prime d'abattage pour un animal ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat au titre des dispositions susvisées ;

D E C I D E :

Article 1 : L'Etat versera à Mme X la somme fixe de 303,97 euros (trois cent trois euros quatre vingt dix sept centimes) correspondant à une prime d'abattage.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt .

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Patricia X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.

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06NC00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00591
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Pascal JOB
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : SCP BEHR-MULLER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-12-18;06nc00591 ?
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