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27/11/2008 | FRANCE | N°07NC01717

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 novembre 2008, 07NC01717


Vu la requête, enregistrée le 07 décembre 2007, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701762 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 20 juillet 2007 refusant de renouveler le titre de séjour de M. Rafik X, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne

;

Il soutient que l'épouse de M. X, dont l'accouchement était prévu pour le 2...

Vu la requête, enregistrée le 07 décembre 2007, présentée par le PREFET DE LA MARNE ; le PREFET DE LA MARNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701762 du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 20 juillet 2007 refusant de renouveler le titre de séjour de M. Rafik X, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Il soutient que l'épouse de M. X, dont l'accouchement était prévu pour le 20 septembre 2007, n'a pas fait état de problèmes de santé particuliers antérieurement à l'adoption de l'arrêté du 20 juillet 2007 attaqué et que le médecin inspecteur de santé publique n'a par ailleurs pas estimé indispensable la présence de l'intéressé auprès de son épouse pendant la période de soins nécessaires à cette dernière ; que, dans ces conditions, il n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation de l'intéressé ni porté à son droit de mener une vie familiale une atteinte disproportionnée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2008, complété par un mémoire enregistré le 26 mars 2008, présenté pour M. X, par la société civile professionnelle d'avocats Miravette-Capelli-Michelet, qui demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 8 novembre 2007 ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X expose qu'il est arrivé en France avec son épouse en mai 2004, qu'il a sollicité le 6 juillet 2004 le statut de réfugié, demande qui a été rejetée le 17 décembre 2004, décision confirmée le 15 juin 2005 par la commission de recours des réfugiés, que le préfet de la Marne a rejeté sa demande de titre de séjour le 3 juillet 2005, qu'une demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée le 30 septembre 2005, rejet confirmé le 3 avril 2006, que le 10 août 2005, son épouse a donné naissance à un enfant qui a présenté dès l'âge de 2 mois une hydrocèle bilatérale associée à des hernies inguinales, qu'il a demandé le 26 avril 2006 un titre de séjour temporaire pour demeurer auprès de son fils, qui lui a été accordé pour un an, que le 22 mai 2007, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, que le médecin inspecteur de santé publique a estimé que dans l'attente des soins, le retour de l'enfant dans son pays était envisageable, que c'est dans ces conditions que le préfet de la Marne a pris l'arrêté contesté ;

M. X soutient qu'en ce qui concerne la décision de refus de séjour, les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, dès lors que des soins doivent encore être prodigués en France à son fils et qu'il a fait valoir que son épouse devait accoucher en octobre 2007, l'état de santé de cette dernière s'opposant à tout trajet important ainsi qu'à tout voyage en avion ; que la décision contestée méconnaît également l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; qu'en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu dès lors que, en cas de retour dans son pays d'origine, il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 février 2008, présenté par le PREFET DE LA MARNE, tendant aux mêmes fins que le requête par les mêmes moyens et en outre que M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué compromet la possibilité pour son enfant de recevoir des soins en France, dès lors que l'intéressé peut regagner son pays avec l'enfant et que les articles R. 212-2 et R. 212-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile facilitent l'obtention d'un visa lorsque la nécessité des soins ne réclame pas la présence continue en France ; que l'intérêt supérieur de l'enfant ne crée pas de droits subjectifs pour les membres d'une famille à être admis sur le territoire d'un Etat ; que, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, M. X ne peut utilement invoquer la violation des dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne souffre lui-même d'aucune pathologie ; que, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu des précisions de caractère personnel permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 15 février 2008, admettant M. X au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2008 :

- le rapport de M. Couvert-Castéra, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ...7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du résumé de dossier médical établi le 26 avril 2007 par un chirurgien du service de chirurgie pédiatrique du centre hospitalier universitaire de Reims ainsi que de l'avis émis le 6 juin 2007 par le médecin inspecteur de santé publique compétent, que, si l'enfant de M. et Mme X a subi une intervention chirurgicale le 24 mars 2006, son état de santé ne nécessitait plus, à la date de l'arrêté attaqué, une prise en charge médicale et qu'il pouvait retourner dans le pays d'origine de ses parents, dans l'attente d'une intervention chirurgicale complémentaire à réaliser en France dans les deux ans ; que, par ailleurs, si M. X produit un certificat médical daté du 3 août 2007 dont il résulte que son épouse présentait une grossesse pathologique nécessitant un accouchement par césarienne prévu à la date du 25 septembre 2007, ce certificat a été établi postérieurement à l'arrêté attaqué et l'intéressé ne justifie pas que l'état de santé de son épouse avait été porté à la connaissance du préfet avant l'adoption de cet arrêté ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le PREFET DE LA MARNE n'a pas, en refusant d'accorder une carte de séjour temporaire à M. X, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11, 7°, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il s'ensuit que le PREFET DE LA MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur ces moyens pour annuler la décision attaquée et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X tant devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne que devant la Cour ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ; que M. X ne saurait utilement invoquer ces dispositions dès lors qu'il ne justifie pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de celles-ci ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de l'enfant de M. X nécessitait à la date de l'arrêté une prise en charge médicale en France ; que, dès lors, la décision attaquée, par laquelle le PREFET DE LA MARNE a refusé d'accorder un titre de séjour au requérant, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision prononçant l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ... en application du présent chapitre : ... 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;

Considérant que le requérant, qui n'établit ni même n'allègue que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les moyens tirés de l'atteinte due au respect de la vie privée et familiale de M. X, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que si M. X soutient qu'il risquerait d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte aucune précision et ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision susanalysée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA MARNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté susvisé du 20 juillet 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme réclamée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0701762, en date du 8 novembre 2007, du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Rafik X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 07NC01717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01717
Date de la décision : 27/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Olivier COUVERT-CASTERA
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : SCP MIRAVETE CAPELLI MICHELET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-11-27;07nc01717 ?
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