Vu la décision n° 295026 en date du 16 janvier 2008, enregistrée le 21 janvier ministre de l'éducation nationale 2008, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation par le, a annulé l'arrêt n° 05NC01274 en date du 24 mai 2006 par lequel la Cour administrative de Nancy a annulé la décision du recteur de l'Académie de Strasbourg en date du 20 décembre 2004 confirmant l'exclusion définitive de Mlle Aïcha du lycée Jean Rostand à Strasbourg ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 février 2008, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il informe la Cour que la décision en date du 16 janvier 2008 n'appelle pas d'observations de sa part ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2008, présenté pour Mlle par Me Boukara, avocats ; Mlle reprend l'ensemble des conclusions et des moyens contenus dans sa requête introductive d'appel ; elle soutient que l'arrêt du Conseil n'a pas tranché la question juridique qu'elle avait soulevée, tirée de la nécessité de la récidive prévue par le règlement intérieur pour justifier une telle sanction ; qu'elle est fondée à se prévaloir de cette disposition du règlement intérieur ;
Vu les nouveaux mémoires en défense, enregistrés les 25 avril et 29 août 2008, présentés par le ministre de l'éducation nationale ; il fait valoir que l'infraction à la tenue visée à l'article 9-2 du règlement intérieur ne peut se confondre avec l'infraction spécifique posée par l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation relative au « port de signes ou de tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » ; qu'ainsi, la notion de récidive prévue à l'article 9-5 du règlement intérieur ne peut s'appliquer au cas prévu par l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 juin 2008, présenté pour Mlle ; elle fait valoir que le règlement ne fait pas de différence entre la nature de la tenue et la cause de l'infraction relative à la tenue ; que la loi du 15 mars 2004 n'interdit pas qu'une sanction moindre que l'exclusion définitive puisse être prise pendant la phase de dialogue avec l'élève;
Vu la décision en date du 19 septembre 2008 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy accordant l'aide juridictionnelle totale à Mlle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 141-5 issu de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 ;
Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 modifié relatif aux établissements publics locaux d‘enseignement ;
Vu le décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985 modifié relatif aux procédures disciplinaires dans les collèges, lycées et établissements d'éducation nationale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2008 :
- le rapport de M. Brumeaux, président,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le conseil de discipline du lycée d'enseignement général technologique et professionnel Jean Rostand de Strasbourg a, lors de sa séance du 24 novembre 2004, prononcé la sanction de l'exclusion définitive de l'établissement de Mlle , élève inscrite en première année pour la préparation du brevet d'enseignement professionnel, pour ne pas avoir respecté la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ; que, par une décision du 20 décembre 2004 prise après avis de la commission académique d'appel, le recteur de l'Académie de Strasbourg a rejeté le recours administratif formé par l'intéressée et confirmé cette sanction ; que, par un arrêt en date du 24 mai 2006, la Cour de céans a rejeté les conclusions dirigées contre le règlement intérieur de cet établissement scolaire et annulé la décision du recteur de l'Académie de Strasbourg en date du 20 décembre 2004 ; que l'arrêt susvisé du Conseil d'Etat a annulé les seuls articles 1 et 2 de l'arrêt en date du 24 mai 2006 de la Cour relatifs à la décision de sanction prononcée par le recteur à l'encontre de Mlle et renvoyé l'affaire devant elle pour apprécier la légalité de cette seule décision ;
Sur les conclusions de Mlle dirigées contre la décision en date du 20 décembre 2004 du recteur de l'académie de Strasbourg confirmant son exclusion définitive :
S'agissant de la régularité de la procédure devant le conseil de discipline :
Considérant que si la requérante fait valoir que le dialogue prévu par les dispositions applicables n'a pas eu lieu, il ressort des pièces du dossier que huit tentatives de conciliation ont été organisées durant le mois de septembre 2004 ; que Mlle ne peut utilement soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus dès lors qu'elle a été convoquée le 15 novembre 2004 pour une séance prévue le 24 novembre 2004, qu'elle a été mise à même de consulter son dossier et d'être assistée par un défenseur de son choix ; que si elle soutient qu'elle-même et son défenseur n'ont pu s'exprimer librement, que des pièces ont été produites lors de l'audience alors qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance et que le conseil de discipline n'aurait pas été impartial, elle ne produit aucun élément de nature à établir ces allégations ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'administration du lycée avait pris les dispositions nécessaires pour que les délégués de classe participent à cette séance ; que si Mlle affirme que le procès-verbal de cette réunion aurait été incomplet, il ressort des pièces du dossier qu'elle a, en tout état de cause, eu l'occasion de faire des observations à ce propos lors de sa comparution devant la commission rectorale le 14 décembre 2004 ; qu'au surplus, il ressort de ce procès-verbal que la situation particulière de la requérante a été appréciée, contrairement à ce qu'elle soutient en affirmant qu'une peine « automatique » lui aurait été infligée en raison du port du voile ;
S'agissant de la légalité externe de la décision du 20 décembre 2004 du recteur de l'Académie de Strasbourg confirmant son exclusion définitive :
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée mentionne la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 ainsi que les décrets n° 85-924 du 30 août 1985 et n° 85-1348 du 18 décembre 1985 susvisés et précise que la sanction d'exclusion définitive est justifiée par « la détermination de l'élève, maintes fois confirmée, à conserver, au sein de l'établissement, la tête entièrement couverte par un foulard malgré les dispositions de la loi du 15 mars 2004 qui interdisent le port des signes ostensibles d'appartenance religieuse et malgré les explications données par le chef d'établissement de la portée de la loi » ; que la décision litigieuse comportant ainsi l'énoncé des circonstances de fait et de droit qui la fondent, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que Mlle a été mise à même de présenter sa défense lors de la réunion de la commission académique qui a eu lieu le 14 décembre 2004 et de faire valoir les particularités de sa situation personnelle ; que, dès lors, elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que le droit au procès équitable garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu ;
S'agissant de la légalité interne de ladite décision :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. » ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ;
Considérant que Mlle s'est présentée lors de la rentrée scolaire 2004 au lycée Jean Rostand à Strasbourg en portant un voile couvrant sa chevelure ; que, alors qu'elle se trouvait dans une enceinte scolaire, l'intéressée a, par cette tenue qui ne peut pas être qualifiée de signes discrets et par son refus réitéré d'y renoncer, manifesté son intention de marquer ostensiblement son appartenance à la religion musulmane et a ainsi adopté une attitude contraire aux dispositions législatives précitées ; que, contrairement à ce qu'elle affirme, Mlle n'a pas accepté le port d'un simple bandeau ; qu'un tel comportement rendait son auteur passible d'une sanction disciplinaire, même s'il ne s'était accompagné d'aucun acte de prosélytisme ; qu'il suit de là qu'en confirmant la sanction disciplinaire prononcée par le conseil de discipline, le recteur de l'académie de Strasbourg a légalement tiré les conséquences de la violation par Mlle des dispositions précitées de l'article L.141-5-1 du code de l'éducation ; que, dès lors, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation doit être écarté comme non fondé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement : « (...) Le règlement intérieur comporte un chapitre consacré à la discipline des élèves. Les sanctions qui peuvent être prononcées à leur encontre vont de l'avertissement et du blâme à l'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. (...) Il ne peut être prononcé de sanctions (...) que ne prévoirait pas le règlement intérieur. » ; qu'aux termes du 2° de l'article 8 du même décret, dans sa rédaction alors en vigueur : « (...) le chef d'établissement : (...) / e) (...) peut prononcer seul, dans les conditions fixées à l'article 3, les sanctions suivantes : l'avertissement, le blâme ou l'exclusion temporaire, de huit jours au plus, de l'établissement ou de l'un de ses services annexes (...) » ; qu'aux termes du II de l'article 31 du même décret : « Le conseil de discipline (...) a compétence pour prononcer à l'encontre des élèves l'ensemble des sanctions et des mesures mentionnées à l'article 3, dans les conditions fixées par ce même article. » ; et qu'aux termes de l'article 31-1 du même décret : « Toute décision du conseil de discipline de l'établissement (...) peut être déférée au recteur de l'académie (...). Le recteur d'académie décide après avis d'une commission académique. » ; qu'enfin, l'article 9.3 du règlement intérieur du Lycée Jean Rostand prévoit que la sanction de l'exclusion définitive concernant les actes d'indiscipline constitués par des infractions à la tenue des élèves est applicable seulement en cas de récidive ;
Considérant que s'il résulte des dispositions ci-dessus rappelées que les sanctions autres que celles instituées par les dispositions réglementaires précitées doivent être prévues par le règlement intérieur, celles-ci n'ont ni pour objet ni pour effet de subordonner l'application des sanctions prévues par les textes réglementaires à leur mention dans le règlement intérieur ; qu'ainsi, le recteur de l'académie de Strasbourg pouvait légalement prendre la sanction attaquée sans faire état de récidive dans le comportement de l'élève, au demeurant caractérisée par son seul refus de renoncer à sa tenue ;
Considérant, en troisième lieu, que la sanction de l'exclusion définitive de l'établissement scolaire prononcée à l'encontre de Mlle résulte de son refus de respecter l'interdiction édictée à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ; que cette interdiction ne méconnaît pas les stipulations des articles 8, 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives à la vie privée, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu'au principe de non-discrimination, ni les articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elle ne porte pas à cette liberté une atteinte excessive au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics ; qu'ainsi, cette sanction ne saurait par elle-même méconnaître ces stipulations ;
Considérant, enfin, qu'à la suite de son exclusion définitive du lycée, Mlle pouvait, pour bénéficier du droit à l'instruction, soit être inscrite dans un établissement public en se conformant aux dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, soit être inscrite au centre national de l'enseignement à distance (CNED), soit encore être inscrite dans un établissement privé, soit enfin être instruite dans sa famille dans les conditions prévues par l'article L. 131-2 du code de l'éducation ; qu'ainsi cette sanction ne méconnaît pas les stipulations de l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles nul ne peut être privé du droit à l'instruction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'Académie de Strasbourg en date du 20 décembre 2004 confirmant son exclusion définitive du lycée Jean Rostand à Strasbourg ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat et du lycée Jean Rostand à lui verser 1 500 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte de 200 € par jour de retard au recteur de l'académie de Strasbourg et au proviseur du lycée Jean Rostand de réintégrer Mlle :
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mlle , n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ces conclusions ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mlle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Aïcha et au ministre de l'éducation nationale.
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N°08NC00100