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16/10/2008 | FRANCE | N°06NC01372

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2008, 06NC01372


Vu la requête enregistrée le 9 octobre 2006, et les mémoires complémentaires en date des

15 décembre 2006 et 19 mars 2007, présentés pour la société coopérative agricole COHESIS dont le siège social est 16 boulevard du Val de Vesle à Reims (51684) représentée par son président , par Me Blin, avocat ;

La société COHESIS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0600992 en date du 29 août 2006 par laquelle le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2

005 de l'inspectrice du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. Jean-Michel YX,...

Vu la requête enregistrée le 9 octobre 2006, et les mémoires complémentaires en date des

15 décembre 2006 et 19 mars 2007, présentés pour la société coopérative agricole COHESIS dont le siège social est 16 boulevard du Val de Vesle à Reims (51684) représentée par son président , par Me Blin, avocat ;

La société COHESIS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0600992 en date du 29 août 2006 par laquelle le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2005 de l'inspectrice du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. Jean-Michel YX, son employé, et de la décision du 6 avril 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale rejetant le recours hiérarchique introduit contre cette décision ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'autoriser le licenciement de M. Jean-Michel YX, subsidiairement, d'ordonner à l'administration de réexaminer la demande dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la décision ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande pour irrecevabilité dès lors qu'elle a satisfait à la mise en demeure qui lui avait été adressée ;

-c'est à tort que le ministre a cru pouvoir faire état de témoignages contradictoires alors qu'il montre de l'incohérence dans sa propre décision ;

- les faits reprochés à M. YX sont établis ; ils sont de gravité suffisante pour justifier l'autorisation ; le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation ;

- contrairement à ce que soutient le ministre, les faits n'ont aucun lien avec le mandat ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, enregistré le 29 janvier 2007, le mémoire présenté pour M. Jean-Michel YX domicilié ..., par Me Grosdemange, avocat, tendant au rejet de la requête, et à la condamnation de la société appelante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal n'a commis aucune erreur en rejetant la demande comme irrecevable ;

- la mesure est en lien direct avec ses activités syndicales ; la direction a organisé les témoignages de harcèlement commis au détriment d'une intérimaire ; il n'a pas incité les intérimaires à falsifier les relevés horaires ; les accusations relatives aux demandes de saisies informatiques sont mensongères et contradictoires ; les faits relatifs à la destruction du fax ne constituent pas une faute dès lors que le destinataire était l'inspecteur du travail et nul autre ; en ce qui concerne la destruction du contenu de la poubelle du silo, les faits sont contestés et non établis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu enregistré le 15 mars 2007, le mémoire en défense présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche tendant au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que le tribunal n'a pas commis d'erreur en rejetant la demande pour irrecevabilité, les faits de harcèlement ne sont pas de gravité suffisante et les autres faits, à les supposer exacts, ne le sont pas plus ;

Vu la lettre informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction le 19 mars 07 à 16 heures ;

Vu enregistré le 4 octobre 2007 la production de la société COHESIS ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2008 :

- le rapport de M. Desramé, président,

- les observations de Me Bouchez, avocate de la société COHESIS,

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l'ordonnance :

Considérant que si, par courrier du 1er juin 2006 reçu par le conseil de la société COHESIS le 6 juin 2006, le tribunal mettait la société COHESIS en demeure de compléter sa requête en fournissant trois exemplaires des pièces de celle ci, précisant que cette mise en demeure était faite en application des dispositions combinées des articles R. 411-3 et R. 612-2 du code de justice administrative, il résulte cependant de l'instruction que lesdites pièces étaient déjà parvenues au greffe de la juridiction le 26 mai 2006 rendant, sans objet, la mise en demeure ; qu'ainsi, la société COHESIS, dont la requête avait été régularisée avant même le délai qui lui était imparti, est fondée à soutenir que sa requête était recevable, et que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande comme irrecevable ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par la société COHESIS devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui doivent être regardées comme tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2005 de l'inspectrice du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. Jean-Michel YX, son employé, et de celle du 6 avril 2006 du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale rejetant le recours hiérarchique ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail relatives aux conditions de licenciement respectivement des délégués syndicaux, des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise, les salariés légalement investis de ces fonctions bénéficient d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que M. YX, délégué syndical C.F.D.T., délégué du personnel titulaire, membre du comité d'entreprise exerçait au sein de la société coopérative agricole COHESIS durant l'année 2005 les fonctions de « magasinier Appros céréales » et celle de chef du silo de

Villers-Agron ; qu'il ressort des témoignages concordants d'employés et d'intérimaires de la société que durant cette période, M. YX s'est livré en public, directement envers Mlle Z, jeune intérimaire, à un harcèlement direct à connotation morale et sexuelle, entretenant dès lors, un climat licencieux réprouvé par le personnel ; que ce comportement constitue, à lui seul, une faute de gravité suffisante qui justifie l'autorisation de licenciement sans qu'il soit besoin de s'interroger sur la gravité ou l'effectivité des autres motifs dénoncés par l'employeur dans sa demande adressée à l'inspecteur du travail le 23 septembre 2005 ;

Considérant qu' il ne ressort pas des pièces du dossier que, quelle que soit la proximité d'élections aux différents mandats, et une situation conflictuelle que l'intéressé paraît entretenir ordinairement avec ses employeurs, la mesure entreprise soit en lien avec les différents mandats détenus par M. YX ; qu'ainsi, la société COHESIS est fondée à soutenir que la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre prise sur recours hiérarchique lui refusant l'autorisation de licencier M. YX sont illégales ;

Sur les conclusions à fin d'autorisation de licenciement :

Considérant qu'il n'appartient pas à la Cour d'ordonner le licenciement de M. YX ; que les conclusions sus énoncées sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner à l'inspecteur du travail compétent, de statuer sur la demande d'autorisation de licenciement de M. YX que lui a présentée la société COHESIS, dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société COHESIS soit condamnée à verser à M. YX la somme qu'il réclame au titre de ces dispositions ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à la société COHESIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant de première instance que d'appel ;

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n°0600992 du 29 août 2006 du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, ensemble la décision du 28 octobre 2005 de l'inspecteur du travail refusant à la société COHESIS l'autorisation de licencier M. YX et celle du 6 avril 2006 du ministre de l'agriculture et de la pêche rejetant le recours hiérarchique sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à l'inspecteur du travail du service départemental de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole de la Marne de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement de M. YX présentée par la société COHESIS dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. YX tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à la société COHESIS la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole COHESIS, à M. Jean-Michel YX et au ministre de l'agriculture et de la pêche

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06NC01372


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. Jean-François DESRAME
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : CABINET ACTANCE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 16/10/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06NC01372
Numéro NOR : CETATEXT000019737224 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-10-16;06nc01372 ?
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