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25/09/2008 | FRANCE | N°06NC00106

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2008, 06NC00106


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 janvier 2006, complétée par mémoires enregistrés les 2 octobre et 2 novembre 2007, présentée pour la COMMUNE DE REIMS par Me Duczynski-Lechesne, avocat ; la COMMUNE DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01000454 en date du 22 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à payer à la société Sopra une somme de 424 377, 86 euros assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs à la résil

iation du marché de prestations informatiques qu'elle avait conclu le 27 mars 20...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 janvier 2006, complétée par mémoires enregistrés les 2 octobre et 2 novembre 2007, présentée pour la COMMUNE DE REIMS par Me Duczynski-Lechesne, avocat ; la COMMUNE DE REIMS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 01000454 en date du 22 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à payer à la société Sopra une somme de 424 377, 86 euros assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices consécutifs à la résiliation du marché de prestations informatiques qu'elle avait conclu le 27 mars 2000 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Sopra devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de rejeter l'appel incident de la société Sopra ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise pour déterminer si les prestations de la société Sopra étaient conformes aux spécifications du marché ;

5°) à titre plus subsidiaire, d'exclure du montant de la condamnation une somme de 5 480,54 euros correspondant à la maintenance de la base de donnée Oracle qui n'a pas été livrée et de n'indemniser que les pertes de bénéfices attendus des opérations de maintenance et non les pertes de recettes correspondantes ;

Elle soutient :

- que le jugement a omis de viser un de ses mémoires et de prendre en compte des développements qu'il comportait ;

- qu'elle démontre que les prestations de la société Sopra n'étaient pas conformes au marché, ainsi qu'il ressort de la comparaison entre le cadre de réponse technique inclus dans le cahier des clauses administratives particulières, qui précisait les exigences de la commune, et les prestations fournies, qui n'étaient pas complètes tant en ce qui concerne le contenu du programme que les opérations de formation ;

- que la société Sopra avait une obligation de résultat ;

- qu'elle n'a pu effectuer les opérations de vérification prévues par l'article 45 du cahier des clauses administratives générales, car le titulaire du marché n'a pas procédé à la notification de la mise en ordre de marche ;

- qu'elle a suspendu le calendrier des opérations conformément aux stipulations de l'article 45 du cahier des clauses administratives générales ;

- que l'appel incident doit être rejeté, dès lors qu'il porte sur un litige distinct et qu'il n'est pas prouvé qu'elle a dénigré la société Sopra et que les surcoûts invoqués par celle-ci ne sont pas démontrés ;

- qu'il convient, en tout état de cause, d'exclure du montant de la condamnation une somme de 5 480,54 euros correspondant à la maintenance de la base de donnée Oracle qui n'a pas été livrée et de n'indemniser que les pertes de bénéfices attendus des opérations de maintenance et non les pertes de recettes correspondantes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2006, complété par mémoires enregistrés les 24 octobre 2007 et 28 janvier 2008 , présenté pour la société Sopra group par la SCP Derriennic, avocats ;

La société conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie du recours incident, à ce que les condamnations prononcées par le tribunal administratif soient majorées d'une somme respective de 15 244,99 euros du fait des surcoûts imposés par la COMMUNE DE REIMS et de 76 244,50 euros du fait de ses actes de dénigrement ;

- à la condamnation de la COMMUNE DE REIMS à lui verser une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à la condamnation de la COMMUNE DE REIMS aux dépens ;

Elle soutient :

- que la mise en demeure que lui a adressée la COMMUNE DE REIMS, qui ne fait pas état de manquements précis, est insuffisamment motivée ;

- que la résiliation du marché à ses torts ne pouvait être régulièrement motivée par l'absence d'adéquation du produit aux besoins très spécifiques de la ville, qui a bénéficié de conseils éclairés, avait commandé un progiciel et ne pouvait l'ignorer ;

- que la COMMUNE DE REIMS n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les prestations n'ont pas été conformes aux stipulations contractuelles, alors qu'il résulte au contraire des pièces produites que la ville a eu connaissance du contenu du produit, que le progiciel livré correspondait exactement à la commande et que les actions de formation prévues ont été assurées ;

- que la circonstance que la COMMUNE DE REIMS demande une expertise révèle qu'elle n'est pas en mesure d'établir que les prestations fournies n'étaient pas conformes aux stipulations contractuelles ;

- que son appel incident ne porte pas sur un litige distinct ;

- que son préjudice doit être calculé en tenant compte des stipulations contractuelles et notamment du prix convenu et que la ville l'a dénigrée auprès d'autres collectivités ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les observations de Me Mairesse, pour la SCP Derriennic Associés, avocat de la société Sopra,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'après avoir déclaré infructueux l'appel d'offres lancé en vue de passer un marché de fourniture et de maintenance d'un progiciel de gestion des ressources humaines, la COMMUNE DE REIMS a, après un nouvel appel public à la concurrence, conclu le 27 mars 2000 avec la société Sopra un marché négocié ayant le même objet ; que, le même jour, la société a livré le progiciel Pléiades ; qu'après avoir mis la société en demeure le 27 octobre 2000 de fournir un produit conforme au marché dans un délai de trente jours, ladite commune lui a notifié la résiliation du marché à ses torts le 27 décembre 2000 ; que celle-ci interjette appel du jugement du 22 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser à la société Sopra une somme de 424 277, 86 euros en réparation des préjudices causés par cette résiliation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Sopra demande que l'indemnisation soit augmentée de 91 469,49 euros ;

Sur l'appel principal de la COMMUNE DE REIMS :

Considérant, d'une part, que selon l'article 28 du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de fournitures courantes et de services applicable en l'espèce en vertu de l'acte d'engagement, le marché peut être résilié aux torts du titulaire sans que celui-ci puisse prétendre à indemnité... : f) lorsque le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais prévus... ;

Considérant, en premier lieu, que si la COMMUNE DE REIMS fait valoir que le progiciel livré par la société Sopra n'était pas conforme aux stipulations contractuelles et particulièrement au cahier des clauses techniques particulières et à son cadre de réponses techniques portant sur 315 fonctionnalités, notamment en ce que le programme n'aurait pas suffisamment tenu compte de ce que la ville gérait plusieurs organismes et n'aurait intégré de façon satisfaisante ni les règles de gestion propres au statut de la fonction publique territoriale, aux non-titulaires et aux agents de droit privé, ni les textes sur les régimes indemnitaires ou les heures supplémentaires, elle n'assortit pas ses allégations d'éléments précis de preuve en se bornant à produire les lettres qu'elle a adressées à son cocontractant et dont celui-ci a contesté les termes pour l'essentiel ; qu'il résulte de l'instruction que le programme livré par la société Sopra tenait compte de l'existence de plusieurs établissements conformément aux stipulations du cadre de réponses techniques, qui ne comportait pas davantage de précisions, et qu'il n'est pas établi que si le progiciel pouvait présenter certaines contraintes d'utilisation, il n'était pas en mesure de réaliser les fonctions qui étaient prévues par le contrat, notamment en ce qui concerne l'application des règles particulières propres à chaque catégorie de personnel ; que la ville, qui était assistée d'un organisme spécialisé et a passé le marché négocié avec un des candidats à l'appel d'offres déclaré infructueux, et ce après de multiples échanges de courriers, réunions et démonstrations portant sur des questions nombreuses et précises, ne pouvait ignorer les caractéristiques du produit et notamment qu'il s'agissait d'un progiciel et non d'un logiciel spécifiquement établi pour elle ;

Considérant, en second lieu, que si la COMMUNE DE REIMS soutient que la société Sopra n'aurait pas assuré l'ensemble des actions de formation qui étaient exigées par le marché et que la qualité de celles qui avaient été réalisées n'était pas satisfaisante, elle n'établit pas le bien-fondé de ses allégations, alors qu'il ressort des évaluations remises par les destinataires de ces formations qu'elles leur avaient donné satisfaction et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le nombre de ces formations ait été inférieur à celui prévu par les stipulations contractuelles ; que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont estimé que la résiliation prononcée par la COMMUNE DE REIMS était fautive ;

Considérant, d'autre part, que si la COMMUNE DE REIMS demande à titre subsidiaire que la somme qu'elle a été condamnée par le tribunal administratif à verser à la société Sopra soit diminuée du prix de la licence « Oracle » qui ne lui a pas été livrée et des frais de maintenance correspondants, il résulte de l'instruction que les premiers juges n'ont pas accordé d'indemnité à ce titre, la société Sopra ayant exclu les sommes en cause de sa demande ; que, dès lors qu'il n'est pas contesté que la société Sopra ne facturait pas à chaque client les coûts de maintenance afférents aux prestations qu'elle leur apportait, mais calculait ces coûts sur l'ensemble de ses clients pour établir des redevances de maintenance identiques pour tous, le tribunal administratif n'a pas fait une évaluation excessive du préjudice de ladite société en condamnant la COMMUNE DE REIMS à lui verser, à ce titre, une somme correspondant aux redevances prévues au marché sans déduire les frais qui auraient été exposés pour réaliser ces prestations ;

Sur l'appel incident de la société Sopra :

Considérant que si la société Sopra demande que la COMMUNE DE REIMS soit condamnée à lui verser une somme de 15 244, 99 euros au titre de surcoûts imposés par celle-ci et tenant aux interventions de son personnel entre la mise en place du progiciel et la résiliation du marché, elle ne démontre pas davantage qu'en première instance la réalité de son préjudice en se bornant à soutenir que ces interventions excédaient les stipulations contractuelles relatives à la mise en place du produit et en ne recourant qu'à une évaluation forfaitaire de ces coûts ; qu'elle n'établit également pas la réalité d'actes de dénigrement de la part de la COMMUNE DE REIMS ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la COMMUNE DE REIMS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a visé son mémoire en défense, l'a condamnée à verser une somme de 424 277, 86 euros à la société Sopra et que cette dernière n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité l'indemnisation à ce montant ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Sopra, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la COMMUNE DE REIMS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la COMMUNE DE REIMS une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par la société Sopra ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE REIMS et l'appel incident de la société Sopra sont rejetés.

Article 2 : La COMMUNE DE REIMS versera à la société Sopra une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE REIMS et à la société Sopra.

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N° 06NC00106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00106
Date de la décision : 25/09/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BRISSART - LECHESNE ; BRISSART - LECHESNE ; BRISSART - LECHESNE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-09-25;06nc00106 ?
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