Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2007 complétée par mémoire enregistré le 13 mars 2008, présentée pour M. Mario Y, Mlle Tania Z, M. Francky Y et M. Jesson Y, demeurant ..., par Me Favoulet, avocat au barreau de Lons-le-Saunier ; les consorts Y et Z demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0600240 en date du 28 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 21 décembre 2005 par laquelle le conseil municipal de la commune de Courlans a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur une parcelle située au lieudit «Hameau de Chavannes» d'une superficie de 79 ares 72 centiares ;
2°) d'annuler la délibération susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Courlans la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la délibération en cause méconnaît les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme en ce qu'elle ne comporte pas la définition d'une opération d'aménagement suffisamment précise ayant des chances d'aboutir ;
- l'aménagement d'un arrêt de bus en bordure d'une route nationale ne constitue pas une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation en se portant acquéreur d'une parcelle dont la superficie est disproportionnée avec l'hypothétique projet de réalisation d'un abribus ;
- la commune a également commis un détournement de pouvoir, car sous couvert d'un projet d'intérêt général, elle a acquis un vaste terrain à bâtir pour réaliser une opération immobilière spéculative à leur détriment, puisqu'elle a déjà décidé de revendre plus de 72 ares de terrain au plus offrant ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 25 janvier 2008, le mémoire en défense présenté pour la commune de Courlans par Me Remond, de la SCP Arthemis Conseil, avocats au barreau de Lons-le-Saunier, qui conclut au rejet de la requête et demande la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'aménagement d'un abribus le long de la route nationale 78 qui borde le terrain en cause correspond à un projet d'aménagement indispensable et qui était prévu dès 2002 ;
- l'abribus d'une superficie de 752 m² est d'ailleurs déjà réalisé ;
- elle était dans l'obligation d'acquérir la totalité de la parcelle et elle s'apprête à revendre le surplus de terrain, soit 7 220 m², au mieux de ses intérêts ;
- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :
- le rapport de Mme Stahlberger, présidente,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : « Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, (...) » ; qu'aux termes de à l'article L. 300-1 du même code : « Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que des travaux destinés à aménager un arrêt de bus sécurisé en bordure de route à grande circulation ne sont pas en eux-mêmes de nature à caractériser une action ou une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
Considérant que, par délibération en date du 21 décembre 2005, le conseil municipal de la commune de Courlans a exercé son droit de préemption sur la parcelle cadastrée n° AE 80 au lieudit «Hameau de Chavannes» d'une contenance de 79 ares 72 centiares, mise en vente par M. X sur le territoire de la commune qui souhaitait aménager, depuis 2002 un arrêt de bus sécurisé en bordure de la RN 78 qui jouxte ladite parcelle ; que, nonobstant l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des travaux projetés en vue de l'amélioration de la sécurité des usagers, ces travaux ne présentent pas, compte tenu de leur objet et de leur consistance, le caractère d'une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils s'intégreraient dans une telle opération ; que, pour ce motif, les consorts Y et Mlle Z sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération sus-mentionnée du conseil municipal de Courlans ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : « Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier » ; qu'il ressort des pièces versées au dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par la commune que les besoins de terrain qu'implique la réalisation de l'abribus envisagé ne représentent que 38 % de la superficie du terrain dont s'agit ; que dès lors, en décidant de préempter la totalité de ce terrain, d'une superficie de
1972 m², le conseil municipal de Courlans a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; que ce moyen est également susceptible de fonder l'annulation de la décision de préemption litigieuse ; que par contre, aucun des autres moyens n'est susceptible de fonder une tette annulation ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement des frais exposés par la commune de Courlans et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune le paiement aux consorts Y et Mlle Z de la somme de mille euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 0600240 du Tribunal administratif de Besançon en date du 28 juin 2007 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Courlans en date du 21 décembre 2005 est annulée.
Article 3 : La commune de Courlans versera aux consorts Y et Mlle Z la somme de mille euros (1 000 euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mario Y, à Mlle Tania Z, à M. Francky Y, à M. Jesson Y, à la commune de Courlans et à M. Francis X.
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N° 07NC00951