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22/08/2008 | FRANCE | N°07NC01735

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 août 2008, 07NC01735


Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2007, présentée pour M. Ali X, demeurant ..., par Me Mehl ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703547 en date du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2007 par lequel le secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, chargé de l'administration de l'Etat dans le département, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

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°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre le préfet du Bas-Rhin de lui délivrer u...

Vu la requête, enregistrée le 12 décembre 2007, présentée pour M. Ali X, demeurant ..., par Me Mehl ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703547 en date du 8 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2007 par lequel le secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, chargé de l'administration de l'Etat dans le département, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre le préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 196 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

* s'agissant de la décision de refus de séjour :

- que la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prenant pas en compte la gravité de ses problèmes de santé, qui sont liés aux traumatismes vécus dans son pays d'origine ;

- que le préfet s'est prononcé sans avoir procédé à un examen approfondi de sa situation, dès lors que l'arrêté a été pris avant l'expiration du délai qui lui avait été laissé pour faire valoir ses observations ;

- qu'il a développé en France de nombreuses attaches personnelles ;

* s'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- que la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- que ladite décision est insuffisamment motivée en tant qu'elle ne contient aucune motivation de fait spécifique ;

- qu'il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- qu'il n'est pas démontré qu'il pourrait bénéficier de soins appropriés en cas de mise à exécution d'une mesure d'éloignement ;

* s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- que la décision a été prise par une autorité incompétente ;

- que ladite décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français ;

- qu'il a établi la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine et qu'ainsi la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- qu'il y a lieu d'enjoindre le préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2008, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens énoncés par le requérant ne sont pas fondés ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 6 mai 2008, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et soutient en outre qu'il résulte d'un certificat médical établi le 2 mai 2008 qu'il existe pour lui une impérieuse nécessité de continuer à bénéficier en France des soins dont il a besoin ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 7 mai 2008 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;

Sur le refus de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 susvisé : «I... En cas de vacance momentanée du poste de préfet, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture...» ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a été signée par M. Le Méhauté, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, en la qualité de chargé de l'administration de l'Etat dans le département, qu'il détenait en application des dispositions précitées en tant qu'assumant l'intérim entre le départ de M. Jean-Paul Faugère, nommé directeur de cabinet du Premier ministre par arrêté du 18 mai 2007 et l'installation le 9 juillet 2007 du nouveau préfet M. Jean-Marc Rebière ; que M. Le Méhauté disposant ainsi de l'intégralité des compétences dévolues à un préfet de département à la date de la décision attaquée, c'est par suite à juste titre que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision de refus de séjour opposée à M. X énonce de manière précise les motifs de droit et de fait retenus par le préfet du Bas-Rhin ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse, qui a au demeurant, contrairement à ce que soutient le requérant, été prise postérieurement à l'expiration du délai fixé par le préfet pour lui produire certains documents relatifs à sa situation familiale en France, soit intervenue sans examen de sa situation personnelle, au vu des éléments dont disposait d'ores et déjà l'administration ; que ledit moyen doit par suite être également écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police...» ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : «Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé et, à Paris, par le médecin chef du service médical de la préfecture de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé...» ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ;

Considérant que, par la décision attaquée, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler à nouveau le titre de séjour de M. X, délivré une première fois le 4 mars 2005 en raison de son état de santé, et renouvelé ultérieurement à deux reprises jusqu'au 3 mars 2007, au motif que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont l'interruption peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Turquie, pays dont il est originaire, les soins correspondants pouvant être effectués tant par les praticiens médicaux que par les instances sanitaires de ce pays ;

Considérant qu'il résulte de la comparaison de l'avis du médecin inspecteur de santé publique du 21 mai 2007 sur lequel s'est fondé le préfet du Bas-Rhin et de ceux au vu desquels un titre de séjour lui avait été initialement accordé, puis renouvelé, que le changement d'avis du médecin est dû à la circonstance que l'état de santé de M. X, dont il est constant qu'il a initié un traitement en France, ne nécessite plus, après qu'un bilan médical ait été effectué, que des soins de suite, qui peuvent ainsi être pris en charge tant par les praticiens médicaux que les instances sanitaires turques et non à une quelconque évolution des structures médicales de ce pays ; que, par suite, ce dernier ne saurait utilement faire valoir la circonstance que le préfet du Bas-Rhin n'aurait pas établi que la situation sanitaire en Turquie aurait suffisamment évolué pour lui permettre de bénéficier désormais de soins auxquels il n'aurait pu antérieurement avoir accès ; que si l'intéressé, qui ne conteste pas que les structures médicales turques sont en mesure de pratiquer les soins que nécessite son état, se prévaut de certificats médicaux indiquant respectivement que les troubles dont il souffre seraient en lien avec les persécutions dont il aurait été l'objet en raison de ses origines kurdes et qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine «étant donné ses antécédents» dès lors qu'il soutiendrait notamment être activement recherché en Turquie, ces seules circonstances, au demeurant non établies, ne sont pas de nature à prouver qu'il ne pourrait y suivre un traitement approprié à son état ;

Considérant, en second lieu, que s'il est constant que M. X demeure en France depuis 2001, l'intéressé, célibataire et dont aucun membre de la famille ne réside en France, n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle du seul fait qu'il dispose d'un emploi et d'un logement et aurait noué en France de nombreuses attaches personnelles, dont il ne précise au demeurant aucunement la nature et l'intensité ;

Considérant qu'il s'ensuit que les conclusions dirigées contre le refus de séjour ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu que, comme il a été dit ci-dessus, M. Le Méhauté, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, signataire de ladite décision, disposait à la date de l'arrêté attaqué de l'intégralité des compétences dévolues à un préfet de département ; que, par suite, le requérant ne saurait utilement faire valoir que le signataire de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'aurait pas reçu une délégation du préfet du Bas-Rhin spécifique à cette mesure ;

Considérant, en deuxième lieu, que si l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit comme telle être motivée en application des règles de forme édictées par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas par conséquent de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 en tant qu'elles prescrivent d'énoncer les considérations de fait qui constituent le fondement de la décision ; que le requérant ne saurait ainsi utilement faire valoir que la décision litigieuse ne contient aucune motivation de fait spécifique à cette mesure d'éloignement ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de séjour opposé à M. X doit être écarté ; qu'il ressort par ailleurs des termes de l'avis médical précité du 21 mai 2007, de peu antérieur à la décision attaquée, que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine à condition de prendre régulièrement le traitement qui lui a été prescrit ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que doit être écarté le moyen tiré de l'incompétence de M. Le Méhauté, signataire de l'acte attaqué ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers jutes auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, commis une erreur en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2007 par lequel le secrétaire général de la préfecture, chargé de l'administration de l'Etat dans le département du Bas-Rhin, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation énoncées par M. X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à enjoindre le préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de sa situation ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

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N° 07NC01735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC01735
Date de la décision : 22/08/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-08-22;07nc01735 ?
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