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07/05/2008 | FRANCE | N°06NC01422

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 07 mai 2008, 06NC01422


Vu le recours, enregistré le 2 novembre 2006, complété par des mémoires complémentaires enregistrés les 27 janvier et 26 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 03-2457 en date du 29 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. X, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 1998 ;

2°) de remettre à la charge de M. X ces rappels de taxe

sur la valeur ajoutée à concurrence de la décharge prononcée en première inst...

Vu le recours, enregistré le 2 novembre 2006, complété par des mémoires complémentaires enregistrés les 27 janvier et 26 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 03-2457 en date du 29 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. X, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 1998 ;

2°) de remettre à la charge de M. X ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée à concurrence de la décharge prononcée en première instance, soit un montant en droits et pénalités de 71 371 € ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, il n'est nullement « constant » que M. Léonardis, le fournisseur luxembourgeois de véhicules d'occasion, avait émis des factures toutes taxes comprises, avec mention du régime de la marge pour la taxe sur la valeur ajoutée ; il résulte au contraire des investigations effectuées auprès des autorités luxembourgeoises, que les factures en cause ont été établies hors taxes et selon le régime des livraisons intracommunautaires ;

- le tribunal administratif commet une erreur de droit en confirmant l'application du régime de la marge à partir de factures douteuses ; l'administration a apporté des éléments permettant d'établir, à la fois, que ce régime ne pouvait être mis en oeuvre en l'espèce, et que le contribuable ne pouvait l'ignorer ;

- par effet dévolutif de l'appel, il est demandé à la Cour d'écarter les autres moyens soulevés en première instance, dès lors que : le débat oral et contradictoire sur place a bien été respecté ; la notification de redressement est correctement motivée ; le certificat fiscal allégué ne peut constituer une prise de position du service au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; la position prise par d'autres services sur des litiges concernant d'autres contribuables ne peut être utilement invoquée ; la procédure d'abus de droit n'avait pas à être suivie en l'espèce ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistrés les 26 mars et 21 juillet 2007, les mémoires présentés pour M. Pierre X, demeurant ..., par Me Aube ; il conclut :

- au rejet du recours du ministre pour irrecevabilité, ou à titre subsidiaire sur le fond ;

- à la confirmation du jugement attaqué ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 300 €, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. X soutient que :

- l'appel du ministre apparaît irrecevable, en raison du caractère sommaire du mémoire introductif ;

- la procédure de redressement est entachée de plusieurs vices : le caractère contradictoire du débat avec le contribuable n'a pas été réellement respecté ; le redressement est insuffisamment motivé ; le service a implicitement invoqué un abus de droit sans respecter la procédure régie par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- le certificat délivré, conformément à l'article 298 sexies du code général des impôts, a valeur d'une prise de position opposable au service, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- le tribunal administratif a estimé, à bon droit, que les transactions sur véhicules d'occasion effectuées par le contribuable étaient taxables selon le régime de la marge prévu par l'article 256 bis 2° bis du code général des impôts, compte tenu des factures en sa possession ; l'administration se fonde indûment, sur des factures douteuses du fournisseur, pour y substituer le régime de taxation sur le prix total des biens ;

- le service, qui inverse la charge de la preuve, ne peut reprocher au contribuable une absence d'investigations sur les conditions dans lesquelles son fournisseur avait acquis les véhicules et n'établit pas de collusion avec ce dernier, pour éluder l'impôt ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, modifiée par la directive n° 94/5/CEE du 14 février 1994 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2008 :

- le rapport de M. Bathie, premier conseiller,

- les observations de Me Aube, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;




Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par M. X :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : « Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (…) 2° bis. Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (…) effectuées à titre onéreux par un assujetti (…) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 (…) » ; qu'aux termes du 1 de l'article 297 A du même code : « 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (…) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (…) » ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu » ; que ces dispositions, issues de la loi de finances rectificative pour 1994 du 29 décembre 1994, ont pour objet de transposer l'article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l'article 1er de la septième directive du 14 février 1994 ; qu'il résulte desdites dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui exerce une activité de négoce de véhicules d'occasion, a revendu à des particuliers, en faisant application du régime de la marge prévu par l'article 297 A précité, des biens acquis auprès d'un fournisseur luxembourgeois, M. Léonardis ; que les services fiscaux français ont remis en cause ce régime de taxation et avisé M. X que la taxe sur la valeur ajoutée dont il était débiteur dans le cadre de ces livraisons intracommunautaires, devait être établie sur le prix total des véhicules ; que des rappels de taxe ont, en conséquence, été mis à la charge du redevable ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement du 29 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. X la décharge des rappels de taxe demeurant en litige, pour la période du 1er janvier 1997 au 30 septembre 1998, s'élevant au montant total, en droits et pénalités, de 71 371 € ;

Considérant que, pour se prévaloir du régime de taxation sur la marge sus-évoqué, M. X se fonde sur les factures en sa possession, provenant de M. Léonardis, et comportant la mention : « Régime particulier d'imposition sur la marge article 26 bis de la 7ème directive (94/5/CEE)… » ; que, pour remettre en cause l'application de ce régime, l'administration invoque les résultats d'une enquête conduite en liaison avec les autorités du Luxembourg, ayant permis de révéler que les doubles des factures retrouvées dans la comptabilité de M. Léonardis étaient établies sous le régime des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée et libellées en francs français hors taxes ; que le ministre, qui ne conteste pas l'existence de factures originales rédigées différemment, selon le régime de la marge, au demeurant formellement mentionnées dans la notification de redressement du 2 mai 2000, persiste à soutenir que le redevable ne pouvait ignorer l'inadéquation de ce calcul des taxes, d'après l'ensemble des documents issus du fournisseur ;

Considérant qu'il n'incombait pas à M. X, dès lors que les factures en cause mentionnaient explicitement que son fournisseur avait appliqué la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge et se présentait comme un assujetti revendeur, et qu'il n'était pas manifeste qu'il n'aurait pas été autorisé à revendiquer cette qualité, de vérifier en tant qu'acquéreur la régularité de ce régime ; qu'il ne peut être réputé avoir eu connaissance, de fait, des conditions d'exploitation d'une entreprise étrangère, n'ayant aucun lien personnel ou autre avec la sienne ; que l'existence de doubles des factures libellées en fonction du régime distinct des livraisons intracommunautaires n'a d'ailleurs pu être découverte qu'à l'issue d'investigations internationales, hors de portée du redevable ; qu'enfin, contrairement à ce qu'allègue le ministre, la circonstance que le redevable ait eu connaissance des certificats d'immatriculation des véhicules établis au Luxembourg ne suffisait pas à rendre manifeste l'erreur de taxation commise par le vendeur, dès lors que ces documents, à eux seuls, ne permettent pas de déterminer avec certitude si les anciens propriétaires avaient exercé un droit à déduction de la taxe ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'administration ne peut être regardée comme ayant établi que le redevable n'avait pu ignorer que son fournisseur de véhicules d'occasion n'était pas autorisé à appliquer le régime de taxation sur la marge ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a accordé à M. X la décharge des rappels de taxe en litige ;

Considérant enfin qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 € au titre des frais exposés par le défendeur et non compris dans les dépens ;


DECIDE


Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : Par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat versera une somme de 1 000 € à M. X.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et à M. Pierre X.


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N°06NC01422


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01422
Date de la décision : 07/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Henri BATHIE
Rapporteur public ?: M. LION
Avocat(s) : JAXEL AUBE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-05-07;06nc01422 ?
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