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27/03/2008 | FRANCE | N°07NC00955

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 mars 2008, 07NC00955


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2007 et complétée par mémoire enregistré le 30 octobre 2007, présentée pour M. Mustapha X, demeurant ..., par Thabet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701329 en date du 12 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à annuler l'arrêté du 28 février 2007 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdites déc

isions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titr...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2007 et complétée par mémoire enregistré le 30 octobre 2007, présentée pour M. Mustapha X, demeurant ..., par Thabet ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701329 en date du 12 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à annuler l'arrêté du 28 février 2007 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 ;


Il soutient :

* s'agissant du refus de délivrance d'un titre de séjour :

- que les stipulations de l'accord franco-algérien et les dispositions réglementaires relatives à l'admission au séjour en qualité d'étranger malade n'ont pas été respectées ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé pouvoir apprécier eux-mêmes les conséquences de sa pathologie ;

- que le préfet à méconnu l'obligation de réexamen de sa demande et de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour qui lui incombait après annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 14 février 2007 ;

- que le préfet a au surplus méconnu les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que la décision préfectorale ne faisait pas suite à une demande de sa part ;


* s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- que ladite décision n'est pas motivée en droit et manque de base légale ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2007, présenté par le préfet de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens énoncés par le requérant ne sont pas fondés ;


Vu l'ordonnance du président de la quatrième chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 19 décembre 2007 ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;




Sur la décision de refus de séjour :

En ce qui concerne le bénéfice des dispositions de l'article 6.7de l'accord franco-algérien :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : «Le certificat de résidence d'un an portant la mention «vie privée et familiale» est délivré de plein droit :… 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays» ; que si ledit accord régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance ou le refus de titre de séjour ; que les stipulations de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ayant une portée similaire celle des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les garanties procédurales prévues par cet article, ainsi que les dispositions de l'article R. 313-22 du même code et de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour leur application sont également applicables aux ressortissants algériens ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : «… la carte de séjour temporaire portant la mention «vie privée et familiale» est délivrée de plein droit :… 11° A l'étranger résidant habituellement en France font l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire… La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé…» ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : «Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur départemental de santé publique… L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé…» ; qu'aux termes de l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades : «L'étranger qui a déposé une demande de délivrance… d'une carte de séjour temporaire… est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier» ; que, selon les articles 3 et 4 dudit arrêté, le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport transmis sous pli confidentiel au médecin inspecteur de la santé publique, lequel, au vu de ce rapport et des informations dont il dispose, émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ainsi que la durée du traitement et indiquant en outre si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;

Considérant, en premier lieu, que s'il est constant que le médecin inspecteur de santé publique, lequel a émis le 18 juillet 2006 un avis estimant que le défaut de prise en charge médicale de M. X pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, mais que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ne s'est pas prononcé au vu du rapport d'un médecin agréé ou d'un praticien hospitalier, il n'est pas contesté que M. X, qui avait sollicité le 21 mars 2006 le réexamen de sa demande d'admission au séjour pour raisons de santé, n'avait pas, ainsi qu'il lui incombe en vertu des dispositions précitées, saisi un tel médecin aux fins d'établissement de ce rapport ; qu'il n'est pas allégué que le préfet de la Moselle, lequel n'était pas tenu de l'inviter expressément à effectuer cette saisine, n'aurait pas tenu à sa disposition la liste des médecins agréés ; que la seule circonstance que, du fait de cette abstention de M. X, le médecin inspecteur de santé publique, lequel disposait par ailleurs d'un certificat médical détaillé établi par le médecin traitant de l'intéressé, n'ait pas, comme il a été dit ci-dessus, émis son avis au vu d'un rapport émanant d'un médecin agréé est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour prise au vu de cet avis ;

Considérant, en second lieu, que si l'avis précité du médecin inspecteur de santé publique n'indique pas si M. X peut voyager sans risque vers son pays de renvoi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de ce dernier, qui souffre de diabète non insulino-dépendant, pouvait susciter des interrogations sur sa capacité à supporter ce voyage ; que c'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de séjour prise au vu de cet avis n'est pas intervenue suivant une procédure irrégulière et n'a par suite pas méconnu les stipulations de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour et de réexamen de la demande de titre de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après une première décision de refus de titre de séjour intervenue le 4 août 2006 assortie d'une invitation à quitter la France dans le délai d'un mois, M. X a fait l'objet le 14 février 2007 d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que, toutefois, cette décision a été annulée le 20 février 2007 par le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Strasbourg au motif qu'elle se fondait sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'étaient plus en vigueur à la date d'intervention de ladite décision ; que, par l'arrêté attaqué en date du 28 février 2007, le préfet de la Moselle a refusé de délivrer un titre de séjour à M. X et lui a notifié une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois, sous peine d'être reconduit à destination de l'Algérie ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière n'ayant été annulé qu'en raison de sa référence à des dispositions qui n'étaient plus en vigueur, le préfet de la Moselle a pu légalement prendre consécutivement une décision de refus de séjour fondée sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction résultant de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 ; que s'il n'est pas contesté que, contrairement à ce qu'exigent les dispositions de l'article L. 512-4 dudit code, en vertu desquelles, en cas d'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué son cas, le préfet de la Moselle n'a pas délivré à M. X une autorisation provisoire de séjour entre le 20 et le 28 février 2007, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de séjour ;


Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'ait pas procédé à un réexamen de la demande de titre de séjour de M. X avant de prendre la décision litigieuse, qui n'impliquait par ailleurs pas de convoquer préalablement l'intéressé à un entretien à la préfecture ;


En ce qui concerne l'organisation d'une procédure contradictoire :

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : «Exception faite des cas ou il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites, et le cas échéant, sur sa demande, des observations orales…» ;


Considérant que s'il est constant que la décision du 28 février 2007 du préfet de la Moselle refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X n'a pas été prise consécutivement à une nouvelle demande formelle de ce dernier en ce sens, celle-ci est intervenue dans le cadre d'une procédure ouverte par la demande susrappelée de ce dernier formulée le 21 mars 2006 ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;



Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que la décision d'obliger un étranger à quitter le territoire français dont peut être assorti le refus de délivrance d'un titre de séjour est au nombre des décisions individuelles défavorables soumises à obligation de motivation en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ; que si la motivation de cette mesure se confond, s'agissant des circonstances de fait qui la fondent, avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas sur ce point de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, le refus de titre de séjour doit être lui-même motivé et les dispositions législatives permettant d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français doivent être rappelées ; qu'il ressort du libellé de l'arrêté attaqué que ces dispositions, contenues dans le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'y ont pas été rappelées ; que, par suite, M. X est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du préfet de la Moselle lui prescrivant l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler également l'article 3 dudit arrêté disposant que l'intéressé pourra, à l'expiration du délai fixé à l'article 2, être reconduit d'office à la frontière à destination de l'Algérie ;


Sur les frais d'instance :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le paiement au conseil de M. X d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 28 février 2007 sont annulés.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 12 juin 2007 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Thabet, conseil de M. X, une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Thabet s'engage à reverser la fraction correspondant à la part contributive de l'Etat de l'aide juridictionnelle qu'il a perçue.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mustapha X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.





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N° 07NC00955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07NC00955
Date de la décision : 27/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : THABET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-03-27;07nc00955 ?
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