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13/03/2008 | FRANCE | N°05NC00932

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 13 mars 2008, 05NC00932


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 4 octobre et 29 octobre 2007, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par la SCP Billy, avocats ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1511 en date du 24 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à payer à l'établissement public de santé départemental de la Marne (EPSDM) une somme de 16 759,39 euros au titre de sa responsabilité contractuelle et, d'autre part, l'a condamné solidairement

avec les sociétés Santerne, Cerberus et Landis et Staefa à payer à l'EPSD...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2005, complétée par des mémoires enregistrés les 4 octobre et 29 octobre 2007, présentée pour M. Jean-Pierre X, demeurant ..., par la SCP Billy, avocats ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-1511 en date du 24 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, d'une part, l'a condamné à payer à l'établissement public de santé départemental de la Marne (EPSDM) une somme de 16 759,39 euros au titre de sa responsabilité contractuelle et, d'autre part, l'a condamné solidairement avec les sociétés Santerne, Cerberus et Landis et Staefa à payer à l'EPSDM une somme de 140 146,26 euros au titre de la garantie décennale en raison de désordres survenus dans le cadre d'un marché de réalisation d'un système de détection incendie ;

2°) de rejeter les conclusions de l'EPSDM dirigées contre lui devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de condamner l'EPSDM à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée, dès lors qu'il a rempli ses missions contractuelles en déconseillant au maître de l'ouvrage, par lettre du 12 décembre 1991, de prononcer la réception des travaux et qu'il ne peut lui être reproché, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, de ne pas avoir proposé l'émission de réserves sur les détecteurs dont le marché ne prévoyait pas qu'ils devaient être réglables et alors qu'il n'avait pas le pouvoir de modifier les spécifications du marché ;

- il ne peut davantage être condamné sur le fondement de la responsabilité décennale, dès lors que les désordres n'étaient pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, que les défauts de conception et de réalisation des ouvrages ne peuvent lui être imputés et que la réception de l'ouvrage a été prononcée, alors qu'il s'y était opposé ;

- les désordres apparus après que le maître de l'ouvrage eut prononcé la réception sans réserves des travaux, qu'il avait déconseillée, sont totalement imputables aux malfaçons des entreprises chargées de la réalisation des travaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2005, complété par un mémoire enregistré le 23 janvier 2006, présenté pour la société Santerne par la Selarl Pelletier Freyhuber, avocats ;

La société conclut :

- par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale, à verser une indemnité à l'EPSDM ;

- au rejet des conclusions dirigées contre elle par l'EPSDM devant le Tribunal administratif de Châlons en Champagne ;

- subsidiairement, à la confirmation du jugement ;

- à la condamnation de l'EPSDM et de M. X à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur matérielle dans le dispositif en mentionnant que la somme que l'EPSDM lui doit est de 823,83 euros au lieu de 1 823,83 euros ;

- l'EPSDM ne peut demander sa condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle dès lors que la réception des travaux a été prononcée et que les désordres, soit étaient apparents à la réception, soit avaient pour origine des travaux qui ne lui incombaient pas ;

- elle n'a pas à supporter les frais des expertises dès lors qu'elle n'est pas responsable des désordres, ni les intérêts et leur capitalisation ayant pour origine l'absence de diligence de l'EPSDM pour présenter ses demandes ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2006, présenté pour la société Siemens SAS, venant aux droits de la société Landis et Gyr devenue Landis et Staefa, par Me Bouillot, avocat ;

La société Siemens conclut :

- par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée solidairement, sur le fondement de la responsabilité décennale, à verser une indemnité à l'EPSDM ;

- au rejet des conclusions dirigées contre elle par l'EPSDM devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

- à titre subsidiaire, de condamner M. X et la société Santerne à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;

- de condamner l'EPSDM ou tout succombant à lui verser une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- de condamner l'EPSDM ou tout succombant aux dépens ;

Elle soutient que :

- aucune réserve n'a été émise, lors de la réception des travaux, sur les fournitures et prestations réalisées par la société Landis et Staefa, dont les travaux ne sont pas à l'origine des désordres ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut, dès lors, être retenue et qu'elle ne peut être condamnée à l'indemniser l'EPSDM de coûts de réalisation des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, ni des surcoûts de maîtrise d'oeuvre d'exécution, ni des frais avancés par l'EPSDM dans le cadre des opérations d'expertise ;

- elle ne peut davantage être condamnée sur le fondement de la responsabilité décennale, dès lors que les désordres ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination, qu'ils ne lui étaient pas imputables car ils provenaient en partie du fait d'EDF et du fait de la victime et que le maître d'ouvrage a accepté les risques résultant de l'installation en concluant une transaction ;

- elle n'a pas concouru à la réalisation des dommages et ne peut être condamnée solidairement à les réparer, seule la société Santerne devant supporter les conséquences préjudiciables des travaux ;

- en vertu de la convention de groupement, elle peut demander devant la juridiction administrative la condamnation de la société Santerne à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle et elle peut également demander la garantie de M. X ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2007, présenté pour l'établissement public de santé départemental de la Marne (EPSDM ), par Me Sammut, avocat ;

L'établissement public de santé départemental de la Marne conclut :
- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la capitalisation des intérêts et en tant qu'il n'a pas mis la totalité des dépens à la charge solidaire de M. X et des sociétés Santerne, Cerberus et Landis et Staefa ;

- à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la responsabilité contractuelle de M. X doit être engagée dès lors qu'il lui a conseillé de prononcer la réception des travaux en septembre 1990 sans proposer de réserves sur les détecteurs bien qu'ils ne soient pas réglables ;

- les désordres sont de nature à rendre les locaux impropres à leur destination et à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

- il peut prétendre à la capitalisation des intérêts dès lors qu'il a présenté sa demande dès la demande de première instance ;

- il n'a pas à supporter une partie des dépens dès lors qu'il n'est pas responsable des désordres ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2008 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les observations de Me Niango, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré produite le 27 février 2008 pour M. X,

Considérant que par marché du 25 octobre 2005, l'établissement public de santé départemental de la Marne a confié la réalisation d'un système de prévention d'incendies à un groupement solidaire d'entreprises composé de la société Santerre, mandataire du groupement, de la société Cerberus-Guinard et de la société Landis et Gyr ; que M. X a été chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution ; qu'en raison de dysfonctionnements, l'établissement public de santé départemental de la Marne a saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de conclusions tendant à la condamnation des constructeurs sur le fondement de la responsabilité contractuelle ainsi que sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que M. X interjette appel du jugement contesté, qui l'a condamné à indemniser l'établissement public de santé départemental de la Marne, d'une part, au titre du manquement à ses obligations de conseil lors de la réception et, d'autre part, solidairement avec les autres constructeurs au titre de la garantie décennale ; que l'établissement public de santé départemental de la Marne interjette appel incident et provoqué en ce qui concerne la capitalisation des intérêts et les dépens ; que la société Santerne et la société Siemens SAS venant aux droits de la société Landis et Gyr demandent, par la voie de l'appel provoqué, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les a condamnées à verser une indemnisation à l'établissement public de santé départemental de la Marne et que la société Siemens SAS conclut, à titre subsidiaire, à ce que M. X et la société Santerne soient condamnés à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ;


Sur l'appel de M. X :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant que si M. X fait valoir qu'il a déconseillé au maître de l'ouvrage de prononcer la réception des travaux, il résulte de l'instruction que la lettre dont il fait état, à supposer qu'elle ait été envoyée au maître de l'ouvrage, date du 12 décembre 1991, alors que la réception des travaux avait été prononcée le 1er octobre 1990 avec effet au 24 juillet 1990 ; qu'il ressort des procès-verbaux établis par M. X en vue de la réception, qu'il n'avait pas conseillé au maître de l'ouvrage d'émettre de réserves sur les détecteurs ioniques posés dans le cadre des travaux, alors que ceux-ci, contrairement aux stipulations du cahier des clauses techniques particulières, ne comportaient pas de cellules réglables en entrée d'air et en sensibilité ; qu'il ne ressort d'aucun des documents joints au dossier que le cahier des clauses techniques particulières aurait été modifié pour prévoir la pose de détecteurs ioniques non réglables ; que ces manquements aux stipulations contractuelles étaient visibles au moment de la réception ;

En ce qui concerne la responsabilité décennale :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du second expert nommé par le tribunal administratif, que les nombreux dysfonctionnements du système de prévention des incendies ne permettaient pas, en raison notamment des nombreux déclenchements intempestifs, d'assurer, dans des conditions normales et conformément aux normes en vigueur, la protection des bâtiments de l'hôpital contre l'incendie ; que les désordres ainsi invoqués étaient de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination et n'avaient pas pour origine, contrairement à ce que soutient M. X, des éléments d'équipement dissociables des immeubles, qui ne relèveraient pas de la responsabilité décennale ; que, dès lors que le marché prévoyait la pose de détecteurs réglables et que M. X était chargé de la surveillance des travaux, il ne peut soutenir que ces désordres ne lui seraient pas imputables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité dans les désordres allégués ;




Sur les conclusions de la société Siemens SAS :

Considérant, d'une part, que les conclusions de la société Siemens SAS en tant qu'elles sont dirigées tant contre l'établissement public de santé départemental de la Marne que contre la société Santerne sont provoquées par l'appel principal ; que ce dernier étant rejeté, elles ne sont pas recevables ;

Considérant, d'autre part, que la société Siemens SAS n'établit pas davantage qu'en première instance les fautes qu'auraient pu commettre M. X dans la survenance des désordres ; que ses conclusions tendant à ce que ce dernier soit condamné à la garantir des condamnations prononcées contre elle doivent, dès lors, être rejetées ;


Sur les conclusions de la société Santerne :

Considérant que les conclusions de la société Santerne dirigées contres l'établissement public de santé départemental de la Marne sont provoquées par l'appel principal ; que ce dernier étant rejeté, elles ne sont pas recevables ;


Sur les conclusions de l'établissement public de santé départemental de la Marne :

Considérant, d'une part, que les conclusions de l'établissement public de santé départemental de la Marne en tant qu'elles sont dirigées contre la société Siemens SAS et la société Santerne sont provoquées par l'appel principal ; que ce dernier étant rejeté, elles ne sont pas recevables ;

Considérant, d'autre part, que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; qu'ainsi, en refusant de faire droit à la demande de capitalisation présentée par l'établissement public de santé départemental de la Marne dans sa demande enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 27 octobre 1998 au motif qu'à cette date les intérêts n'étaient pas dus pour une année entière, et en ne la lui accordant qu'à compter du 26 octobre 2004, date à laquelle la demande de capitalisation a été renouvelée, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a commis une erreur de droit ; que l'établissement public de santé départemental de la Marne peut prétendre à la capitalisation des intérêts, ainsi qu'il le demande, à compter du 27 octobre 1999, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a, dès lors, lieu de faire droit à sa demande dans la mesure où elle met en cause M. X ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, qu'une importante partie des frais d'expertise engagés à la demande de l'établissement public de santé départemental de la Marne a été inutile dans la mesure où ils ont porté sur des manquements et désordres invoqués par l'établissement et pour lesquels la responsabilité des constructeurs ne pouvait être engagée ; que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif devait laisser intégralement les dépens à la charge des constructeurs doit, dès lors, en tout état de cause, être rejeté ;


Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner chacune des parties à payer aux autres les sommes que celles-ci demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : Les intérêts dus par M. X sur la somme de 16 769, 39 euros ainsi que sur la somme de 140 146,25 euros qu'il a été condamné à verser à l'établissement public de santé départemental de la Marne solidairement avec les sociétés Santerne, Cerberus et Landis et Staga par le jugement attaqué seront capitalisés à compter de la date du 27 octobre 1999 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de M. X, de la société Santerne et de la société Siemens SAS et le surplus des conclusions de l'établissement public de santé départemental de la Marne sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre X, à la société Santerne, à la société Siemens SAS et à l'établissement public de santé départemental de la Marne.

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N° 05NC00932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05NC00932
Date de la décision : 13/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BILLY ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-03-13;05nc00932 ?
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