Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 juin 2007, complétée par un mémoire enregistré le 21 décembre 2007, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, représenté par son directeur général, ayant son siège 101 avenue Anatole France à Troyes (10 003), par la SCP d'avocats Delachenal et Bimet ;
Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0402134 en date du 29 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne, d'une part, a rejeté sa demande tendant à voir réformer l'ordonnance en date du 16 novembre 2004 par laquelle le président du tribunal a fixé les frais et honoraires dus à M. Arnaud X, expert, à la somme de 25 047 euros TTC, en tant qu'elle met à sa charge lesdits frais et honoraires, à ce que ces frais et honoraires soient réduits de moitié et à ce qu'ils soient mis à la charge provisoire de la société Demathieu et Bard, d'autre part, a mis à sa charge une somme de 900 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de réduire de moitié les frais et honoraires versés à M. Arnaud X en application de l'ordonnance en date du 16 novembre 2004 du président du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne ;
3°) de condamner in solidum la société la SA Demathieu et Bard et M. X à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- l'expert a manifestement surévalué les frais mis en compte pour la confection de son rapport : il a facturé 14 vacations au tarif horaire de 76 euros HT pour l'organisation des sept réunions et 28 vacations au tarif horaire de 38 euros HT au titre de la durée des déplacements, or les compte-rendus de réunion font état d'une durée totale de réunion de 10H30 ; il a facturé 92 vacations au tarif horaire de 76 euros HT pour l'étude du dossier, la préparation des comptes rendus de réunion et des correspondances, or plusieurs réunions n'ont pas été utiles aux opérations s'expertise, l'expert s'obstinant à essayer d'y obtenir du maître d'ouvrage des informations seulement détenues par le maître d'oeuvre ; il a multiplié les réunions, sans intérêt, d'une durée d'une à deux heures, pour lesquelles les dires des parties étaient préalablement diffusés dans un délai ne rendant pas possible la préparation d'une réponse, mais sur lesquels l'expert délivrait ses avis en séance ; les réunions antérieures au 17 mai 2004, date de la participation du maître d'oeuvre aux opérations, n'ont servi à rien ;
- les 84 vacations facturées au titre de la mise au point du rapport d'expertise, représentant dix journées de travail de huit heures, sont abusives ; l'expert s'est contenté d'y reprendre l'intégralité de ses comptes rendus de réunion et réponses aux dires des parties ; elles font donc double-emploi avec les
92 vacations facturées pour l'étude du dossier, la préparation des comptes rendus de réunion et des correspondances ; au demeurant il en ressort que l'expert a repris simplement l'avis qu'il avait exprimé avant la participation du maître d'oeuvre le 5 mai 2004, se prononçant sur un partage de responsabilité entre le maître d'ouvrage, l'OPC et le maître d'oeuvre, sans même le modifier ensuite compte tenu des éléments apportés par ce dernier, refusant d'admettre une responsabilité de l'entreprise ; il s'est ainsi irrégulièrement prononcé sur une question de droit, a excédé la mission confiée, et a porté atteinte au principe du contradictoire, dans des conditions justifiant une réduction des honoraires ;
- l'expert a fait preuve de partialité, s'en remettant dès le début des opérations d'expertise aux seuls plannings établis par l'entreprise, y compris sur les postes à l'origine des retards, pour apprécier les délais d'exécution ; il n'a procédé à aucune investigation personnelle et s'en est remis aux documents établis par l'entreprise ; le maître d'oeuvre et le pilote n'ayant été convoqués qu'aux trois dernières réunions, le maître d'ouvrage a été privé durant la première phase de l'expertise des personnes les mieux à même de présenter son point de vue et de fournir les documents utiles à sa défense ;
- les interventions du cabinet Pergolèse représenté par M. Malapere, intervenant pour le compte du maître d'ouvrage, ont été systématiquement et excessivement dénigrées ; un tel rapport étant privé d'utilité, les honoraires doivent être réduits en conséquence ;
-les frais et débours, notamment de secrétariat, ne sont pas justifiés ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu les mémoires en défense enregistrés les 25 septembre 2007 et 24 janvier 2008, présentés pour M. Arnaud X, demeurant 78 boulevard de Montmorency 75016 Paris, par Me Martin avocat ;
M. X demande à la Cour de rejeter la requête susvisée et de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, se bornant, dans le délai d'appel, à reprendre l'argumentation développée devant le tribunal sans critiquer le jugement ;
- le directeur du centre hospitalier n'a pas justifié, par la production de la délibération du conseil d'administration l'y autorisant, de sa qualité à agir au nom de l'établissement ;
- la critique portant sur le fond même du rapport de l'expert ou la régularité des opérations d'expertise, la demande et la requête sont irrecevables ;
- l'inutilité de l'expertise n'est pas démontrée ; elle a été d'une durée réduite, bien que prolongée par des mises en cause successives et tardives effectuées par le centre hospitalier ; le maître d'oeuvre et l'OPC, qu'il avait convoqués en tant que sachants, n'ont pas jugé utile de participer aux réunions ; il aurait été utile d'y adjoindre le maître d'ouvrage délégué ;
- l'absence de pertinence alléguée des conclusions du rapport n'est pas de nature à établir l'exagération des honoraires ;
- un état détaillé de ses frais et débours était joint à son rapport ;
- les vacations de deux heures par réunion incluent le temps mis pour se rendre de sa voiture à la salle de réunion et les discussions informelles, d'où un temps supérieur à celui résultant des comptes-rendus ; le tarif horaire de 76 euros HT a été accepté par le président du tribunal ;
- le principe du contradictoire a toujours été respecté ;
- les 84 vacations facturées au titre de la mise au point du rapport d'expertise sont justifiées ; l'accusation de facturer deux fois les mêmes prestations met en doute son intégrité et il refuse de polémiquer sur ce point ;
- il a diffusé son avis provisoire le 5 mai 2004 de façon contradictoire et en expliquant dans quelles conditions son avis était donné ; son rapport définitif a ensuite évolué compte tenu des documents produits qu'il a analysés ;
- il était obligé de s'en remettre au planning établi par l'entreprise, celui obtenu du maître d'oeuvre étant inexploitable ; le planning n'a pas été contesté par le centre hospitalier pendant l'expertise et le conseil du maître d'ouvrage a indiqué que les dates étaient justifiées par les comptes- rendus de chantier ;
- les interventions de M. Malapere le 9 septembre ont fait sourire les parties par leur manque de réalisme ; les autres propos cités en ce sens sont sortis de leur contexte ;
- il n'a pas utilisé un coefficient théorique pour l'évaluation du préjudice, mais a établi son calcul à partir de la «feuille de déboursé» de l'entreprise ;
- les conclusions du rapport définitif sont différentes de celles du rapport provisoire ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2007, présenté pour la société Demathieu et Bard ayant son siège social 14 rue Saint-Louis à Verdun (55 100), représentée par son président, par
Me Lebon, avocat ; la société Demathieu et Bard demande à la Cour de rejeter la requête susvisée et de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la critique portant sur le fond même du rapport de l'expert ou la régularité des opérations d'expertise, la demande et la requête sont irrecevables ;
- l'expert n'a commis aucune irrégularité flagrante de nature à rendre son rapport inutile ; les parties intéressées ont été convoquées ; le principe du contradictoire a été respecté ;
- le juge taxateur n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en mettant les frais d'expertise à la charge provisoire du centre hospitalier ;
Vu, enregistrée le 29 janvier 2008, la note en délibéré présentée pour M. X ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, en date du 6 novembre 2003, l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne commettant M. X en qualité d'expert ;
Vu, en date du 16 novembre 2004, l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne fixant les frais et honoraires de l'expert à la somme de 25 047 euros TTC ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;
- les observations de M. Bimet, avocat du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, de Me Lebon, avocat de la SA Demathieu et Bard et de Me Radiguet, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : «La juridiction est saisie par requête. La requête (…) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours…» ; que si, dans sa requête introductive d'appel enregistrée le 7 juin 2007, le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES a présenté des moyens et arguments qui avaient déjà été présentés en première instance, sans critiquer le jugement intervenu, sa requête ne saurait, pour ce motif, être regardée comme non motivée au sens des dispositions précitées et, en conséquence, irrecevable ; que cette fin de non recevoir doit être écartée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de toute autre disposition législative ou réglementaire qui réserverait expressément au conseil d'administration la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, le directeur général d'un centre hospitalier, qui, en vertu de l'article
L. 6143-7 du code de la santé publique, représente cet établissement en justice, a qualité pour agir en son nom, sans qu'il soit besoin d'une délibération du conseil d'administration ; qu'ainsi, cette fin de non-recevoir tirée de l'absence de production d'une telle délibération dans le délai d'appel doit également être écartée ;
Considérant, enfin, que la circonstance que des moyens de la requête seraient relatifs au fond du rapport de l'expert, ou à la régularité des opérations d'expertise, n'est pas de nature à entraîner son irrecevabilité ;
Sur le bien fondé de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 621-11 du code de justice administrative: «Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. Ils joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours. Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert» ; que l'article R. 761-5 du même code dispose : «Les parties, ainsi que, le cas échéant, les experts intéressés, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article
R. 761-4 liquidant les dépens devant la juridiction à laquelle appartient son auteur. Celle-ci statue en formation de jugement. Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée» ; que par ordonnance de référé en date du 6 novembre 2003, le président du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne a ordonné une expertise confiée à M. X dont le rapport, déposé le 4 novembre 2004, conclut notamment dans le sens de l'imputabilité au maître d'ouvrage de l'allongement de 9,5 mois du délai d'exécution des travaux des phases 1 et 2 de l'opération par rapport au planning contractuel ; que par ordonnance en date du 16 novembre 2004, le président du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne a fixé les frais et honoraires dus à M. Arnaud X, expert, à la somme de 25 047 euros TTC ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'existe une différence entre les heures de réunion décomptées pour dix heures et trente minutes sur les comptes rendus correspondants, et le nombre des vacations horaires réclamées à ce titre, au tarif de 76 euros HT, mis en compte pour quatorze heures ; que cet écart ne saurait être justifié, comme l'invoque l'expert, par le temps mis pour se rendre de sa voiture garée sur le parking de l'hôpital à la salle de réunion et par des discussions informelles ; que par ailleurs, si l'expert a facturé quatre vingt quatre heures pour la mise au point du rapport d'expertise, celui ci, qui comporte 158 pages, en comprend 134 consacrées à la présentation des parties, au rappel des faits, de la mission, des réunions tenues et des courriers reçus et à leur analyse, alors même que sont facturées, par ailleurs, 92 vacations horaires pour l'étude du dossier, la préparation des comptes rendus de réunion et l'étude des correspondances ; que la partie du rapport intitulée «Développement» qui commence page 135 et se termine page 150 rappelle, avant même l'analyse du litige, les convocations des parties, visite des lieux, constat des prestations effectuées et communications de documents ; que s'ensuit la description des prestations et celle de leurs conditions d'exécution prévues au marché, le constat des divergences et de leurs origines et conséquences, enfin, une présentation de l'imputation des retards et de leurs conséquences financières ; que la conclusion du rapport, aux pages 151 à 158, synthétise les éléments précédents ; qu'il y a lieu, compte tenu de ce qui précède, de réduire à dix heures et trente minutes les vacations horaires relatives aux heures de réunion et, compte tenu des importantes redondances qu'il comporte avec les autres prestations facturées par l'expert, à vingt vacations, celles correspondant au temps passé pour la rédaction du rapport ;
Considérant que l'expert, contrairement à ce qu'il énonce, ne produit aucun justificatif des frais de secrétariat qu'il met en compte pour 2 773,82 euros HT ; que ce montant doit dès lors être déduit de la somme allouée ;
Considérant, en revanche, que les moyens tirés par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES de la méconnaissance par l'expert du principe du contradictoire et du principe d'impartialité, dont l'incidence sur l'utilité du travail fourni par l'expert n'est pas démontrée, ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué et de réduire de 7 888,62 euros HT les honoraires, frais et débours alloués à M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Demathieu et Bard et M. X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que pour le même motif, les conclusions dirigées par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES à l'encontre de la société Demathieu et Bard ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. X le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le montant des frais et honoraires dus à M. X, expert nommé par ordonnance du président du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne en date du 6 novembre 2003, est ramené à 15 612,21 (quinze mille six cent douze et vingt et un) euros toutes taxes comprises.
Article 2 : Le jugement n° 0402134 en date du 29 mars 2007 du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 3 : M. X versera une somme de 1 000 (mille) euros au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête n° 07NC00701 est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la société Demathieu et Bard et de M. X formulées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, à la société Demathieu et Bard et à M. X.
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07NC00701