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07/02/2008 | FRANCE | N°06NC00850

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2008, 06NC00850


Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2006, présentée pour M. André X, demeurant ..., par Me Laubin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301033 en date du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'interruption de la prescription du droit de reprise d

e l'administration devait s'apprécier exclusivement par rapport à la société de personnes...

Vu la requête, enregistrée le 13 juin 2006, présentée pour M. André X, demeurant ..., par Me Laubin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301033 en date du 30 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1995 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'interruption de la prescription du droit de reprise de l'administration devait s'apprécier exclusivement par rapport à la société de personnes dont les bases imposables étaient redressées, soit la SNC Lamentin, dont la SARL Aranne, dont il est lui-même associé, est elle-même associée, dès lors que l'article L. 53 du livre des procédures fiscales vise les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt, ce qui n'est pas le cas de la SARL Aranne ; que le tribunal administratif s'est d'ailleurs contredit en écartant du bénéfice de ce raisonnement la SARL Aranne, dont les bases imposables sont elles-mêmes redressées ;

- qu'ainsi la notification de redressement adressée le 2 décembre 1998 à la SNC Lamentin n'a pu avoir aucun effet à son encontre ;

- que, subsidiairement, à supposer que le redressement notifié à la SCI Lamentin puisse valablement interrompre la prescription, l'administration a manqué à l'obligation d'information qui lui incombe en vertu de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales en ne chiffrant pas les redressements en base pour chaque associé et en ne faisant pas connaître les conséquences financières en découlant pour chacun ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Il soutient que les moyens énoncés par le requérant ne sont pas fondés ;


Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 novembre 2007, présenté pour M. X ; M. X conclut aux mêmes fins que la requête ;

Il soutient en outre :

- qu'à supposer même que la notification de redressements adressée à la SNC Lamentin aurait un effet interruptif de prescription, cet effet serait limité à ses seuls associés, soit la SARL Aranne ;

- qu'aucun redressement n'ayant été valablement notifié à la SARL Aranne en 1998, la prescription n'a pu en tout état de cause être interrompue à son égard ; que, subsidiairement, à supposer que les redressements aient été valablement notifiés à la SARL Aranne le 8 décembre 1998, l'effet interruptif de prescription ne concernerait que celle-ci ;

- que la prescription n'a pas été interrompue à son égard dès lors qu'à la supposer envoyée, la notification du 28 décembre 1998 invoquée par l'administration ne lui est jamais parvenue ;

- que la notification à chaque associé des conséquences financières des redressements notifiés à la société de personnes doit intervenir dans le délai de prescription du droit de reprise de l'administration ;

- que la procédure d'imposition est irrégulière en tant qu'il a reçu l'avis d'imposition avant l'achèvement de la procédure de redressement d'amont, la commission départementale n'ayant rendu son avis que le 5 avril 2000 ;

- que la commission départementale était compétente pour qualifier la nature de l'activité exercée par la SNC Lamentin ;

- qu'en tout état de cause, l'exclusion des questions de droit du domaine de compétence de la commission ne repose sur aucun texte ;

- que c'est à tort que l'administration a estimé que la SNC Lamentin ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 238 bis HA du code général des impôts au motif que la SARL AMI, locataire de l'immeuble, n'y exercerait aucune activité industrielle ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de considérer le courrier du 18 décembre 1995 de la direction générale des impôts comme constituant un agrément créateur de droits ;

- que l'agrément ne pouvant être retiré que par l'autorité qui l'a délivré, la direction des services fiscaux de la Martinique n'était pas compétente pour procéder à un redressement à l'encontre de la SNC Lamentin, de sorte que la procédure de redressement est irrégulière et les rappels d'impôt entachés de nullité ;

- que le rejet de la déduction des investissements consentis par la SNC Lamentin est infondé, dès lors qu'il résulte de l'article 238 bis HA que le fait générateur du droit à déduction est l'acquisition des investissements ; qu'ainsi les deux cocontractants étant d'accord sur la chose et le prix avant le 31 décembre, l'investissement doit être regardé comme réalisé en 1995 ;

- qu'au surplus, il ressort des termes de l'agrément accordé le 18 décembre 1995 que la société AMI devenue SNC Lamentin pourrait déduire le montant de son acquisition de ses résultats dégagés au titre de l'exercice de livraison des investissements, soit 1995 ;

- qu'en ne délivrant l'agrément que le 18 décembre 1995, l'administration ne pouvait ignorer que l'immeuble ne pourrait être achevé avant le 31 décembre de la même année, la seule condition posée, respectée en l'espèce, étant que le bien soit vendu avant le 31 décembre 1995 ;

- que, subsidiairement, le courrier du 18 décembre 1995 de la direction générale des impôts devrait être considéré comme valant doctrine administrative opposable sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté la déduction des honoraires versés à la société Le Groupe Immobilier et à la société Coprifi en procédant à un renversement irrégulier de la charge de la preuve ;

- qu'en tout état de cause, les services fournis à la SNC Lamentin par les sociétés Le Groupe Immobilier et Coprifi ne sont contestables ni dans leur nature, ni dans leur réalité, ni dans leur montant ;

- qu'il convient d'admettre l'amortissement relatif au matériel informatique en 1995, la première annuité d'amortissement pouvant être pratiquée à la clôture de l'exercice en cours à la date de son acquisition s'agissant des matériels amortis selon le mode dégressif ;

- qu'en ce qui concerne le matériel industriel, la mise en service ne peut être reportée à l'établissement du certificat de conformité, qui n'est qu'un document administratif afférent à un immeuble ;

Vu l'ordonnance du président de la première chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 28 décembre 2007 à 16 heures ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2008 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;



Considérant que la SNC Lamentin, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1995, 1996 et 1997, à la suite de laquelle l'administration a, selon la procédure contradictoire de redressement, remis en cause le déficit qu'elle avait déclaré ; que la SNC Lamentin compte parmi ses associés la SARL Aranne, qui a elle-même opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et dont M. et Mme X sont les deux seuls associés ; que M. X demande la décharge de l'impôt sur le revenu auquel son épouse et lui ont été assujettis au titre de l'année 1995 à raison de la remise en cause du déficit imputé sur leurs revenus consécutivement au redressement des bases d'imposition de la SNC Lamentin, à proportion des droits détenus par la SARL Aranne dans le capital de cette société ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que M. X n'a pas soulevé en première instance, hormis dans la note en délibéré produite le 10 mars 2006 après audience du tribunal et clôture d'instruction, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la notification de redressement adressée le 2 décembre 1998 à la SNC Lamentin, en tant qu'elle ne désignerait pas les associés ainsi que les associés des associés et ne chiffrerait pas les redressements en base en découlant pour chacun ; qu'ainsi les premiers juges ont pu régulièrement ne pas y répondre ;


Sur la prescription du droit de reprise de l'administration :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : «Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due…» ; que, selon l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur lors de l'imposition litigieuse, la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : «En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même» ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions et de celles de l'article 8 du code général des impôts, en vertu desquelles les associés personnes physiques desdites sociétés sont personnellement soumis à l'impôt sur la part des résultats de la société correspondant à leurs droits dans celles-ci, que la notification régulière à une société imposable conformément à ce dernier article de redressements apportés à ses résultats déclarés interrompt nécessairement la prescription à l'égard non seulement des associés personnes physiques de la société redressée, mais également, au cas où les associés de celles-ci comporteraient des personnes morales elles-mêmes soumises au régime fiscal des sociétés de personnes, à l'égard des associés personnes physiques de ces dernières sociétés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SNC Lamentin s'est vu notifier le 2 décembre 1998, soit avant l'expiration du droit de reprise de l'administration, les redressements susrappelés résultant du rejet par l'administration de la déduction pratiquée par cette société au 31 décembre 1995 au titre des dispositions alors en vigueur de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, cette notification a régulièrement interrompu la prescription à l'égard tant de la SARL Aranne que de M. X, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, lesquelles ont pour seul objet de préciser que la procédure de vérification des déclarations déposées par une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes est suivie entre celle-ci et l'administration des impôts et n'excluent pas l'hypothèse d'une société dont les associés seraient en tout ou partie des personnes morales soumises au régime fiscal des sociétés de personnes ;


Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'obligation d'information des conséquences du redressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : «A l'issue… d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les redressements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements…» ;

Considérant, en premier lieu, que la notification de redressement adressée à la SNC Lamentin, qui n'entraîne, pour celle-ci, aucun rehaussement d'imposition, indique les conséquences des redressements sur les résultats de ladite société ; que ni les dispositions précitées ni aucune autre disposition n'exigent que la notification adressée à une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes mentionne en outre les redressements en base pour chaque associé, y compris les associés des associés, et indique les conséquences financières en découlant pour chacun ;

Considérant, en second lieu que, comme il a été dit ci-dessus, la prescription a été interrompue à l'égard de M. X par la notification de redressement adressée à la SNC Lamentin ; qu'ainsi la notification qui leur a été adressée le 18 janvier 1999 en conséquence des redressements notifiés à ladite société, dont il n'est pas allégué qu'elle méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, a pu légalement intervenir après expiration du délai de reprise courant pour les impositions dues au titre de l'année 1995 ;

En ce qui concerne la saisine de la commission départementale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : «Lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis… de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts…» ; qu'aux termes de l'article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : «La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée… 2° Lorsqu'il s'agit de différends portant sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du 2 de l'article 111 du code général des impôts relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du bénéfice des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du code précité» ;

Considérant que la circonstance que la commission départementale des impôts, saisie par la SNC Lamentin, n'ait rendu son avis que postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses ne serait de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition qu'au cas où celle-ci aurait été compétemment saisie ; qu'il résulte des dispositions précitées que, contrairement à ce que soutient le requérant, la commission départementale n'est pas compétente pour se prononcer sur des questions de droit ; qu'à l'époque des faits, la commission départementale n'était pas davantage compétente pour se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen d'une question de droit ; que posent à juger une question de droit tant le litige portant sur le caractère déductible de frais généraux et d'amortissements que la question consistant à apprécier si les conditions mises à l'application du régime de déduction des investissements par les dispositions alors en vigueur de l'article 238 bis HA du code général des impôts étaient réunies en l'espèce ; qu'ainsi le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de l'article 238 bis HA du code général des impôts :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SNC Lamentin, alors dénommée SNC AMI, a présenté auprès du ministre chargé du budget le 25 août 1995 une demande préalable d'accord sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts en vue de la réalisation d'investissements outre-mer, qui a donné lieu à une réponse du 18 décembre 1995 ; qu'elle a acquis, par acte du 18 décembre 1995, une parcelle de terrain sur le territoire de la commune du Lamentin (Martinique) et, sur facture du 29 décembre 1995 de l'EURL Groupe immobilier, «la réalisation d'un bâtiment pour une usine clé en mains», qu'elle a inscrit à son actif ; qu'elle a également donné à bail le 17 décembre 1995 à la SARL AMI des locaux à usage industriel et commercial comprenant atelier et bureaux, ainsi que l'ensemble du matériel et des installations nécessaires à son exploitation ; qu'elle a enfin déduit de ses résultats de l'exercice clos en 1995 le montant de l'investissement réalisé, consistant en l'achat de la parcelle de terrain et du bâtiment, soit un montant de 30 196 289 F, sur le fondement de l'article 238 bis HA du code général des impôts ;

Considérant qu'aux termes de l'article 238 bis HA du code général des impôts, dans sa version alors applicable : «I. Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables une somme égale au montant total des investissement productifs réalisés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion à l'occasion de la création ou l'extension d'exploitations appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergie nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat. La déduction est opérée sur le résultat de l'exercice au cours duquel l'investissement est réalisé, le déficit éventuel de l'exercice étant reporté dans les conditions prévues au I des articles 156 et 209. / Pour ouvrir droit à déduction, les investissements définis à l'alinéa précédent et dont le montant total par programme est supérieur à 30 000 000 F doivent avoir été portés, préalablement à leur réalisation, à la connaissance du ministre chargé du budget et n'avoir pas appelé d'objection motivée de sa part dans un délai de trois mois. (…) III bis. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés à compter du 1er janvier 1992 dans les secteurs de l'hôtellerie, du tourisme, des transports et de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre de l'économie, des finances et du budget. L'agrément peut être accordé si l'investissement présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé, s'il s'intègre dans la politique d'aménagement du territoire et de l'environnement et s'il garantit la protection des investisseurs et des tiers…». III ter. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I réalisés à compter du 1er juillet 1993 dans les secteurs des transports, de la navigation de plaisance, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ainsi que les investissements portant sur la construction d'hôtels ou de résidences à vocation touristique ou para-hôtelière, les investissements nécessaires à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial et les souscriptions au capital des sociétés concessionnaires mentionnées au cinquième alinéa du II doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre du budget (…)» ; qu'aux termes de l'article 46 quaterdecies A de l'annexe III au code précité, dans sa version alors applicable : «Les investissements productifs que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou assujetties à un régime réel d'imposition peuvent déduire de leurs résultats imposables en vertu de l'article 238 bis HA-I du code général des impôts s'entendent des acquisitions ou créations d'immobilisations neuves, amortissables, affectées aux opérations professionnelles des établissements exploités dans les départements d'outre-mer et appartenant aux secteurs d'activité de l'industrie, de la pêche, de l'hôtellerie, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, du bâtiment et des travaux publics, des transports et de l'artisanat (…)» ; que l'article 46 quaterdecies B de la même annexe alors en vigueur définit, pour l'application de l'article 238 bis HA précité, « les activités qui relèvent du secteur industriel » comme étant « celles qui concourent directement à l'élaboration ou à la transformation de biens corporels mobiliers » ;

Considérant, en premier lieu, que l'investissement susrappelé réalisé par la SNC Lamentin n'a été effectué dans aucun des secteurs limitativement énumérés aux III bis et III ter précités de l'article 238 bis HA du code général des impôts donnant lieu à agrément préalable du ministre de l'économie, des finances et du budget, dont l'octroi, qui n'est au demeurant qu'une simple faculté de sa part, est par ailleurs subordonné non seulement à l'examen préalable de la conformité de l'opération envisagée aux dispositions qui lui sont applicables, mais à l'évaluation de l'intérêt économique du projet et de son intégration dans le cadre d'autres politiques publiques ; qu'il résulte de l'instruction que la saisine du ministre du budget a été opérée dans le cadre des dispositions précitées du I de l'article 238 bis HA, qui exigent, pour ouvrir droit à déduction, de porter à sa connaissance les investissements d'un montant supérieur à 30 000 000 F effectués dans l'un des secteurs qui y sont mentionnés ; que le contenu de la lettre du 18 décembre 1995 par laquelle le ministre de l'économie et des finances s'est borné à informer la SNC AMI que «compte tenu des renseignements fournis, l'opération est susceptible de bénéficier du régime fiscal sollicité», à l'exception d'une fraction des dépenses incluses dans le projet, ne correspond en outre pas à celui d'une décision d'agrément ; qu'il s'ensuit que M. X n'est pas fondé à soutenir que ladite lettre serait constitutive d'un agrément créateur de droits à l'égard de la SNC Lamentin et insusceptible de retrait par une personne autre que son auteur, de telle sorte que les services fiscaux de la Martinique auraient été incompétents à l'effet de remettre en cause la déduction des investissements qu'elle a pratiquée consécutivement au contrôle fiscal dont elle a fait l'objet ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'investissement qu'a réalisé la SNC Lamentin à la Martinique a porté sur la construction d'un bâtiment loué à la SARL AMI, qui y exerce une activité d'atelier de réparation d'automobiles et de poids lourds et d'achat - vente de pièces détachées ; qu'une telle activité est attestée par des factures d'achat des pièces détachées ayant constitué le stock de base de l'exploitation, par les achats de marchandises, excluant tout achat de matières premières, par la nature des produits comptabilisés, consistant en prestations de main d'oeuvre et revente de pièces en l'état, et par le profil du personnel employé, dont aucun n'est affecté à une activité de fabrication ou de production de pièces détachées ; que, dans ces conditions, l'activité en cause ne relève pas d'une activité industrielle éligible au bénéfice des dispositions susrappelées de l'article 238 bis HA du code général des impôts ; que, dès lors, et nonobstant le fait que les machines dont disposait la SARL AMI étaient susceptibles de lui permettre de réaliser une activité de fabrication et de découpage de garnitures de freins, de rénovation de machines et de tambours et de système d'embrayage ou de direction, mais dont il n'est pas établi qu'elle aurait été effectivement exercée, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que l'investissement réalisé par la SNC Lamentin ne pouvait être regardé comme portant sur un bâtiment industriel et donnant ainsi droit au bénéfice des dispositions précitées ; que, par suite, l'administration ayant pu légalement refuser à la SNC Lamentin le bénéfice de la déduction prévue par l'article 238 bis HA du code général des impôts pour ce seul motif, doivent être écartés comme inopérants les moyens tirés de ce que le droit à déduction serait né à la clôture de l'exercice 1995 au regard de la loi ou, subsidiairement, au regard d'une prise de position formelle de l'administration en ce sens ;

En ce qui concerne la déduction des charges :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : «Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…)» ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

Considérant en premier lieu que la SNC Lamentin a comptabilisé en charges le 29 décembre 1995 pour un montant respectif de 498 000 F et 3 686 289 F deux factures d'honoraires établies par l'EURL Groupe immobilier, et dont le libellé mentionnait, pour la première, des «frais de commercialisations SNC Lamentin» et, pour la seconde, des «frais de fonctionnement chantier AMI» ; que l'administration a refusé d'admettre la déduction de ces honoraires au motif que la société n'avait pas apporté d'éléments permettant d'apprécier la réalité du service rendu et l'existence d'une contrepartie, en l'absence notamment de production de documents extra-comptables faisant apparaître le mode de calcul de la rémunération des intervenants, la nature précise, détaillée et chiffrée de leur prestations et l'importance effective des moyens mis en oeuvre par catégorie de travaux effectués pour le compte de la SNC Lamentin ;

Considérant toutefois qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que, dès lors que la SNC Lamentin a produit une facture régulière correspondant à des prestations dont la déductibilité par nature n'est pas contestée, l'administration ne saurait, en admettant même qu'elle ait sollicité la production de tels éléments d'information complémentaires et ne se soit pas bornée à attendre que la SNC Lamentin les produise spontanément, fonder en droit la réintégration des dépenses litigieuses sur la circonstance que l'entreprise n'aurait pas ou insuffisamment répondu à ses demandes d'explication ; que, dans ses observations en réponse aux redressements qui lui ont été notifiés, M. X a précisé que les honoraires versés à l'EURL Groupe immobilier correspondaient à la rémunération de la prestation d'ingénierie fournie par cette société et notamment la préparation de l'opération d'investissement, d'une part, et à la fourniture à la SNC Lamentin des moyens lui permettant de dégager un chiffre d'affaires important, d'autre part ; que, devant les premiers juges, M. X a apporté diverses précisions sur la nature des prestations fournies, en indiquant notamment que la Société Groupe immobilier, exerçant des opérations de promotion immobilière et disposant dans ce domaine d'un savoir-faire indéniable, était intervenue pour rechercher les investisseurs potentiellement intéressés et réunir les fonds nécessaires à la réalisation de l'investissement, toutes opérations que la SNC Lamentin eût été dans l'incapacité d'accomplir elle-même faute d'expérience en la matière ; qu'à supposer de telles précisions insuffisantes à justifier des honoraires s'élevant aux montants en cause, il est constant que l'administration n'a ni devant le tribunal administratif ni devant la cour fourni d'éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; qu'il s'ensuit que M. X doit être regardé comme ayant justifié du caractère déductible des charges litigieuses et est ainsi fondé à demander de ce chef la réduction de l'impôt sur le revenu mis à sa charge à due concurrence de la part détenue par la SARL Aranne dans le capital de la SNC Lamentin ;

Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction que les honoraires versés à la société Coprifi n'ont donné lieu à redressement qu'au titre des années 1996 et 1997 ; que, par suite, M. X ne saurait utilement contester ce dernier redressement dans le cadre de sa requête tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1995 ;


En ce qui concerne la déduction des amortissements :

Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts : «Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celle-ci comprenant… 2°… Les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation…» ; que, sauf dispositions contraires, un équipement n'est susceptible d'être amorti qu'à compter de la date de sa mise en service ;

Considérant que l'administration a réintégré dans les bénéfices de la SNC Lamentin au titre de l'exercice clos en 1995 les amortissements qu'elle a pratiqués prorata temporis au titre des matériels acquis le 29 décembre 1995 auprès de l'EURL Groupe immobilier au motif que le bâtiment y donnant lieu n'était pas achevé au 31 décembre 1995 ; que si le requérant fait valoir que la date de la délivrance du certificat de conformité afférent à l'immeuble en cause ne peut être retenue comme correspondant à celle de sa mise en service, il n'apporte aucun élément tendant à faire apparaître que celle-ci aurait eu lieu avant l'année 1996 ; qu'à supposer même que le matériel informatique dont l'amortissement a également été remis en cause par l'administration aurait été mis en service antérieurement au bâtiment, le requérant n'apporte pas davantage d'éléments de nature à faire apparaître qu'il aurait été mis en service dès 1995 ;

Considérant qu'il résulte de toute ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg ne l'a pas déchargé du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1995 à due concurrence de l'incidence sur son imposition personnelle de la réintégration dans les résultats de la SNC Lamentin des honoraires versés à l'EURL Groupe immobilier ;


DÉCIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre de l'année 1995 sont réduites à due concurrence de l'incidence sur son imposition personnelle de l'admission en charges déductibles des résultats de la SNC Lamentin des honoraires versés à l'EURL Groupe immobilier.

Article 2 : M. X est déchargé de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 1995 à concurrence de la réduction de base d'imposition prononcée par l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. André X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.



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N° 06NC00850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00850
Date de la décision : 07/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MAZZEGA
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : LAUBIN GUY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2008-02-07;06nc00850 ?
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