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20/12/2007 | FRANCE | N°06NC00257

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2007, 06NC00257


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2006, complétée par mémoire enregistré le 29 janvier 2007, présentée pour M. et Mme Léonard X, demeurant ..., par Me Goepp ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 décembre 2005 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) d'ordonner la décharge demandée ;
> 3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2006, complétée par mémoire enregistré le 29 janvier 2007, présentée pour M. et Mme Léonard X, demeurant ..., par Me Goepp ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 décembre 2005 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) d'ordonner la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas tenu compte du mémoire qu'ils ont déposé le 12 décembre 2005 alors qu'il a visé la note en délibéré postérieure enregistrée le 23 décembre 2005 ; en refusant à tort d'examiner ce mémoire, alors que la clôture d'instruction avait été ordonnée de façon hâtive, le tribunal s'est ainsi refusé à examiner un moyen nouveau déterminant soulevé par les demandeurs pour justifier la recevabilité de leur requête ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu la fin de non-recevoir opposée par l'administration et tirée de la tardiveté de la réclamation préalable ; en effet, les délais de réclamation étaient en l'espèce inopposables, dès lors que les avis d'imposition contestés ne mentionnent pas le délai de recours, comme le confirment les duplicata des avis d'imposition adressés par l'administration ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans la mesure où le contribuable ne peut pas, en l'espèce, être regardé comme ayant accepté tacitement les redressements envisagés ; le principe selon lequel le silence du contribuable ou une réponse tardive de sa part vaudraient acceptation tacite des redressements, qui résulte exclusivement de la jurisprudence, est dépourvu de toute base légale ; en conséquence, la charge de la preuve incombe à l'administration ; l'interprétation par l'administration de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales est contraire aux principes généraux de la procédure fiscale et notamment à la règle selon laquelle seule la loi peut prévoir une procédure d'acceptation tacite d'une proposition de l'administration et déterminer la charge de la preuve ; l'article R. 194-1 fait d'ailleurs l'objet d'une demande d'abrogation présentée par les requérants, ce qui justifierait le cas échéant de surseoir à statuer jusqu'à la décision d'abrogation ;

- en demandant une transaction, le contribuable n'a pas accepté les redressements ; par conséquent, l'administration était tenue de confirmer les redressements envisagés sauf à méconnaître l'article L. 57 sus-mentionné ;

- l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1995 viole les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dès lors que la notification de redressement est insuffisamment motivée ; en effet, elle n'indique pas la façon dont les redressements ont été déterminés et en particulier les modalités de détermination des bases ou éléments servant au calcul des impositions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 5 septembre 2006 et 9 novembre 2007, présentés pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre conclut au rejet de la requête de M. et Mme X ; il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;


Vu l'ordonnance du 16 octobre 2007 fixant la clôture de l'instruction au 16 novembre 2007 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2007 :

; le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

; et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;


Sur la régularité du jugement :

Considérant que lorsque le juge est saisi d'un mémoire postérieurement à la clôture de l'instruction, il n'est tenu d'en tenir compte et de rouvrir l'instruction pour le communiquer aux parties que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et qu'il ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu'il devrait relever d'office ;

Considérant que par un mémoire en date du 9 décembre 2005 déposé le 12 décembre 2005, soit après la clôture de l'instruction fixée au 29 novembre 2002, M. et Mme X ont demandé au Tribunal administratif de Strasbourg la réouverture de l'instruction ; qu'alors même que ledit mémoire comportait une circonstance de droit nouvelle, le tribunal n'a pas fait droit à cette demande ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement est entaché sur ce point d'irrégularité et en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée au titre des années 1994 et 1995 par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la violation de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :

Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : « A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification » ; qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée » ; qu'aux termes de l'article R..57-1 du même livre : « La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification » ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que l'expression du désaccord du contribuable sur les redressements qui lui sont notifiés doit être formulée par écrit dans le délai précité ; que, d'autre part, si en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration ne peut mettre en recouvrement des impositions résultant de redressements refusés par le contribuable sans les avoir auparavant confirmés dans une réponse aux observations du contribuable, cette règle ne s'applique pas dans le cas où le contribuable doit être regardé comme ayant accepté tacitement les redressements ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, consécutivement aux deux notifications de redressements en date du 29 avril 1997, réceptionnées le 7 mai suivant, concernant respectivement la taxation d'office du revenu global de l'année 1995 et l'imposition de leurs bénéfices non commerciaux au titre des années 1994 et 1995, M. et Mme X ont adressé aux services fiscaux deux courriers, qui n'ont été réceptionnés que le 16 juin 1997, soit postérieurement à l'expiration du délai qui leur était légalement imparti en vertu des dispositions précitées ; qu'en outre, dans les termes où ils étaient rédigés, ces courriers n'exprimaient aucun désaccord sur les redressements envisagés mais se bornaient, pour l'un, à solliciter à titre gracieux une demande de transaction et, pour l'autre, à formuler une demande de rattachement au foyer fiscal de leurs deux filles ; que, dans ces conditions, en l'absence de refus exprimé par les contribuables dans le délai sus-mentionné au sujet des redressements envisagés, l'administration a pu à bon droit, dans ses deux réponses en date du 12 août 2007, prendre acte de l'accord tacite des intéressés concernant les redressements notifiés et leur donner des éléments de réponse aux demandes ainsi formulées par les contribuables, sans être tenue de leur confirmer les redressements concernés ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure contradictoire de redressement suivie par le service au titre de l'année 1994 et, alors qu'il n'y était d'ailleurs pas tenu, au titre de l'année 1995, serait irrégulière au motif que la réponse de l'administration à leurs observations ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 57 précité ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes, enfin, du premier alinéa de l'article R. 194-1 du même livre : « Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans
le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré » ;

Considérant que l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, en assimilant à une acceptation le silence conservé par le contribuable pendant le délai qui lui est imparti pour répondre à une notification de redressement, et en lui attribuant dans ce cas la charge d'établir l'exagération de l'imposition, ne fait que tirer les conséquences des dispositions susvisées des articles L. 11 et L. 57 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales serait dépourvu de fondement légal en tant qu'il prévoit un mécanisme d'acceptation tacite des redressements ; qu'au surplus, ce moyen, qui concerne la détermination de la charge de la preuve, est en tout état de cause sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne la violation de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales :

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L .76 du livre des procédures fiscales : « Les bases ou les éléments de calcul servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable... au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. » ;

Considérant qu'il résulte de l'examen de la notification de redressements en date du 29 avril 1997 portant sur les bénéfices non commerciaux au titre de l'année 1996 que celle-ci indique la nature de la procédure d'imposition suivie, les textes applicables et les raisons pour lesquelles la procédure d'évaluation d'office a été suivie ; qu'elle comporte, dans son annexe V, intitulé « compte d'exploitation exercice 1995 », outre le montant total des recettes encaissées au titre de cette année, le détail de l'ensemble des charges d'exploitation ayant servi à la détermination du résultat non commercial réalisé au cours de l'exercice ; qu'elle précise enfin de façon détaillée les modalités de détermination des charges financières retenues et des honoraires non inclus dans les charges de l'exercice ; qu'ainsi la notification de redressements dont s'agit satisfait aux exigences de motivation posées à l'article L. 76 précité ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ladite notification de redressements serait insuffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 76 ;

Sur la charge de la preuve et le bien-fondé des impositions :

Considérant que, faute d'avoir exprimé son refus d'accepter les redressements envisagés, les requérants doivent, pour obtenir la décharge des impositions litigieuses auxquelles ils ont été assujettis à la suite de ces redressements, apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les requérants ne supportent pas la charge de la preuve ne peut, en tout état de cause, être qu'être écarté ; que, par ailleurs, les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause les bases d'imposition fixées par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité administration ait statué sur la demande d'abrogation de l'article R. 491 qu'ils ont présentée, par ailleurs, auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. et Mme X ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à
M. et Mme X la somme qu'ils réclament à ce titre ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 décembre 2005 est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. et Mme X tendant à la décharge des impositions supplémentaires établies au titre des années 1994 et 1995.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Léonard X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N°06NC00257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC00257
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GOEPP - SCHOTT SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-20;06nc00257 ?
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